Poser la question, c’est y répondre. Parce que si on questionne, c’est qu’on doute. Et si on doute, c’est qu’on est en train de s’arranger autrement ou qu’on voit du monde le faire. Cela parce qu’on trouve tout ce dont on a besoin pour cela dans les canaux de vente.
Vu ainsi, Windows n’a probablement pas d’avenir, en tout cas dans nos foyers, dans nos salons, dans nos chambres à coucher. Ça, c’est la mauvaise nouvelle. La bonne? Le bon vieux système d’exploitation de Microsoft n’est pas seul. L’architecture X86 d’Intel se retrouve crucifiée juste à côté sur l’autre porte de grange. Par-delà la boutade désormais célèbre de Steve Jobs à l’effet que nous étions entrés dans une ère post-PC, il y a quand même des indicateurs qui confirment cette thèse.
Mon préféré est l’analyse des tendances qui se dégagent des sites de téléchargement, les Download.com et autres Télécharger.com. C’est un exercice auquel je me livre de temps à autre depuis une dizaine d’années, par exemple ici ou ici, et je trouve généralement les résultats fort révélateurs quant aux plates-formes et quant à ce que les gens font avec leur ordi.
Or, dernièrement, le webzine américain CNet s’est livré à un exercice semblable. On y a épluché les quinze dernières années de Download.com, un site qui appartient au même groupe que CNet, soit Ziff-Davis. Les résultats semblent de nature à inquiéter les actionnaires de Microsoft et ceux d’Intel.
CNet a pu démontrer qu’en 1996, année de sa mise en ligne initiale, 9 téléchargements de logiciels sur 10, en fait 89,5 %, fonctionnaient sous Windows. En 2011, 15e anniversaire du portail, ce pourcentage avait dégringolé à 28 %. Indépendamment du App Store, de la Android Market Place et des autres « cybersouks » spécialisés, 67,5 % (plus que les deux tiers) de tous les téléchargements chez Download.com étaient relatifs aux bidules, téléphones et tablettes, un fourre-tout désormais appelé « Mobile ». Si je compare ce résultat à mes propres recherches, force m’est de croire qu’il en est possiblement ainsi ailleurs. Autrement dit, on parlerait d’une tendance lourde.
Notamment, j’ai pu vérifier le fait que la majeure partie des téléchargements Windows étaient relatifs à la protection des PC en ces temps de toutes les chtouilles, et, tiens tiens, à l’utilisation de logiciels pouvant se prêter au piratage de fichiers multimédias (musique et films). Autrement dit, on s’intéresse surtout au divertissement.
Disons que vous entendez vous nantir d’un bon système multimédia à la maison (musique, films, télé, jeux et photos), et qu’en plus des bricoles essentielles, p. ex. enceintes, téléviseur ou projecteur HD, etc., vous croyez qu’il vous faudra un coeur, une structure informatique de base pouvant rendre le tout passible :
– Si vous aimez l’univers de Microsoft, qu’allez-vous acheter : un PC sous Win 7 parce que Windows Media Center est désormais une splendeur informatique, ou un Xbox qui, pour moins de sous, a tout ce qu’il faut pour tirer profit de votre méga téléviseur HD?
– Si vous préférez la marque Apple et que l’environnement quasi infini de iTunes et de son nouvel associé, le iCloud, vous convient, allez-vous vous nantir d’un Mac Pro, voire d’un iMac tout garni, alors pour moins d’argent, un iPad peut faire le travail?
Autrement dit, les probabilités que vous achetiez un ordinateur pour vos besoins domotiques sont plus faibles que jamais. On dirait même qu’Apple et Microsoft font tout ce qu’il faut pour accélérer ce mouvement.
À plus forte raison, ces deux « mégaforces » sont également protagonistes de solutions infonuagiques, soit Windows Azure et iCloud. Sachant que le « Nuage » peut satisfaire à nos attentes bureautiques, à nos soucis de stockage, d’archivage et de sécurité, pourquoi investir sur un ordinateur flambant neuf avec Windows 8 quand le vieil équipement peut convenir ou quand une tablette peut le faire, disons, aussi bien? De toute façon, Microsoft est en train d’adapter Windows 8 en fonction de cette nouvelle philosophie (interface Metro). Quant à Apple, la version 10.7 (Lion) du Mac OS X est déjà un début de réponse en ce sens.
On peut même s’attendre à ce que, si la tendance se maintient, le iOS devienne le système d’exploitation dominant chez Apple, celui qui comptera le plus grand nombre d’utilisateurs. Idem chez Microsoft, alors que probablement que Redmond se prépare sans nous le dire à une sorte de scission : une version grand public de Windows 8 ou 9 avec Metro et une version corpo, avec l’interface classique qui se confondra tranquillement avec celle de Windows Server.
Bien beau, mais on est encore loin de la coupe aux lèvres. À preuve, ci-après, le tableau de la situation mondiale au 30 septembre dernier tel que préparé par Wikipedia, organisme généralement fiable qui essaie d’éviter les pièges marketing. Les chiffres correspondent à la moyenne des résultats publiés par 8 sources concurrentes, lesquelles se sont basées sur la nature des appareils utilisés pour se connecter à la Toile. Ils correspondent en outre aux additions de toutes les versions ou les saveurs d’un système d’exploitation pour lequel il y a eu incidence :
Windows : 82,42 % Mac OS X : 7,43 % iOS : 3,67 % Varia : 1,38 % Android : 1,30 % Linux : 1,11 % Blackberry OS : 0,42 % Symbian : 0,18 %
Il faut néanmoins être prudent avec ces chiffres. On peut par exemple se demander quel est le pourcentage de ces connexions Web qui ont été faites par des systèmes piratés. On sait que dans certains mégas pays, p. ex. la Chine ou le Brésil, il est fréquent d’installer une version illégale de Windows. En ce sens, les revenus ne correspondent pas vraiment aux parts de marché. Ce n’est pas parce que Microsoft détient 82,42 % des parts du marché qu’elle a ce pourcentage de revenus.
Et on doit prendre en compte l’âge des systèmes utilisés. Dans le cas de Windows, le vieux XP représente encore 42 % des incidences et Vista, 13,1 %. Cela constitue une sorte de bois mort qui peut aussi bien se transformer, avec le temps, en autre chose que Windows. Il n’est pas garanti qu’un utilisateur de Win XP demeurera en giron Windows. Par contre, il y a plus de chance qu’il le fasse s’il utilise Win 7.
On peut aussi s’interroger sur la masse relative de ceux qui, à l’instar du soussigné, se connectent sur le Net autant avec un dispositif intelligent (iPhone et iPad dans mon cas), qu’avec un ordi (Mac OS X Lion, Win 7 et Ubuntu dans mon cas). Autrement dit, je suis une seule personne et je génère des données dans cinq colonnes différentes de statistiques, mais jamais en même temps.
Pour voir si, effectivement, il y a un glissement majeur en cours, il faudra éplucher les statistiques de Wikipedia dans un an. Il faudra voir, par exemple, si les pourcentages d’iOS et d’Android ont grimpé, si ceux de Windows ou du Mac OS X ont décliné. Pour l’instant, même si tout indique que ce sera le cas, on ne peut que spéculer.
Probablement qu’à ce moment, on pourra commencer à parier sur l’avenir de Windows.
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Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.