Des responsables des technologies au sein d’organisations, des dirigeants d’entreprises de l’industrie des TIC et des observateurs répondent à trois questions liées à la thématique de notre dossier.
Bianka Bernier Chargée des communications web Quartier des spectacles Montréal | Damien Lefebvre Vice-président exécutif, services conseil W.illi.am Montréal | Olivier Béliveau Pilote du site Web Commission de la santé et sécurité au travail Montréal |
1. Quels aspects des réseaux sociaux bousculent le plus les mœurs d’une organisation ?
Bianka Bernier : L’instantanéité commence à créer une demande de plus en plus persistante. Je crois que les organisations ne sont pas toujours prêtes à répondre à des questions ou à des commentaires des internautes dans l’immédiat ou rapidement, parce qu’elles n’ont pas les structures en interne pour le faire. Aussi, le débordement des médias sociaux des départements des communications et du marketing crée des bouleversements : alors qu’arrive une nouvelle philosophie d’échange, de réciprocité et d’ouverture, cela crée un choc avec le reste de l’organisation si ce sont seulement ces départements qui y ont pensé. L’exportation de cette philosophie à d’autres dimensions de l’entreprise créera donc un bouleversement, mais cette étape sera nécessaire à réaliser au cours des prochaines années afin que l’intégration du Web 2.0 soit profitable.
Damien Lefebvre : C’est moins la veille, où on entend des choses dans les réseaux sociaux, mais plutôt l’engagement, où il faut interagir avec les usagers et leur répondre, qui bouleverse. Cela bouscule parce que ce n’est pas facile. Ce n’est pas vrai qu’une seule personne pourra répondre aux usagers : il faut créer une équipe virtuelle avec une personne du département des ventes, une personne du département des technologies, un responsable des produits, etc. Il faut une équipe verticale qui répondra aux messages qui seront adressés à l’organisation. Des outils permettent de très bien le faire, mais il est est plus difficile de trouver des gens dans l’entreprise qui ont envie de le faire et de prendre ça à coeur, sans que ça soit dans leurs objectifs en fin de compte… Mais c’est possible d’y arriver.
Olivier Béliveau : Dans le cas d’une organisation publique, il est certain que l’aspect du direct et de l’instantané demeure un aspect très complexe à gérer, alors qu’on a généralement des équipes de relations publiques très développées. Il faut aussi accepter d’adopter un ton de conversation plus naturel, plus près des gens.
2. Quelle est votre définition du Web 3.0 ? Que peut-il apporter à l’entreprise ?
Bianka Bernier : Ce que je comprends du Web 3.0 est qu’on enlève davantage l’écran. Pour moi la réalité augmentée en fait partie, alors que je veux être capable de faire le lien dans ma vie de tous les jours, dans mon ancrage urbain, avec mes outils qui sont dans le virtuel. Dans le cas de notre organisation, nous voulons être capables d’interagir avec le mobilier urbain et de l’utiliser comme écran, de s’aider grâce aux technologies pour comprendre le quartier. Dans d’autres contextes organisationnels, on souhaitera utiliser une table interactive ou un miroir pour cesser de travailler sur l’ordinateur, afin de s’exporter soi-même partout.
Damien Lefebvre : C’est le « Big Data » : nous avons déjà plein de données, mais il faut savoir les interpréter et les classer. Par exemple, un « tweet » doit être interprété – ce qui implique un aspect sémantique – et ensuite l’information doit être placée dans la bonne base de données. Ainsi, une personne qui informe une entreprise qu’elle amorce un cycle d’achat qui dure vingt-quatre mois sera donc prête à faire l’achat dans seize mois. Il faut s’assurer de bien répertorier l’information afin de la contacter au bon moment.
Olivier Béliveau : Le Web 3.0, tout comme le Web 2.0, est une évolution d’éléments existants où à l’occasion des soubresauts surviennent plus rapidement. Dans le cas du Web 3.0, je vois d’un côté une évolution de l’aspect humain qui s’approprie de plus en plus Internet, où la personne peut accéder à différents médiums de différentes façons et se les approprier pour en faire une extension de lui-même en quelque sorte. De l’autre côté, il y a des systèmes qui permettent de plus en plus de cibler ou deviner les comportements des utilisateurs pour leur offrir ce qu’ils désirent. Il y a donc un aspect machine et un aspect humain qui seront davantage interconnectés.
3. Quel niveau de maîtrise du Web 2.0 doit-on atteindre avant d’aborder le Web 3.0 ?
Bianka Bernier : Il faut s’approprier le Web 2.0 les « deux mains dedans » et avoir utilisé quelques outils, mais au-delà il faut être capable de comprendre la philosophie qui se trouve à l’arrière-plan avant d’aller plus loin. Pour moi le Web 3.0 est un peu geek aussi, mais on se doit d’être capable d’intégrer ces nouveaux outils dans son mobilier que la question d’y adhérer ou non ne se pose pas.
Damien Lefebvre : C’est sûr et certain qu’il faut maîtriser la veille, mais il faut maîtriser aussi l’engagement. Il faut initier la stratégie d’engagement et créer les équipes virtuelles pour répondre aux usagers avant de passer à l’étape du Web 3.0. D’ailleurs, il n’y a même pas encore de fournisseur de solution applicative pour le Web 3.0 qui soit prêt. Il n’y a pas de raison de paniquer – on peut continuer à travailler sur sa stratégie d’engagement.
Olivier Béliveau : Ces deux concepts ne sont pas nécessairement connectés dans toutes leurs facettes. Dans nos environnements [à la CSST], nous avons beaucoup plus de gens qui viennent sur nos sites Web que sur nos pages dans les médias sociaux.
Ainsi, les aspects d’appropriation du médium, de personnalisation et de la mobilité peuvent se faire sans qu’ont ait développé de larges communautés dans le Web 2.0. De plus en plus de portes se présentent et permettent d’accomplir différentes tâches qui ne s’accomplissent pas dans les médias sociaux – par exemple, le recours à un appareil mobile pour utiliser des éléments de prévention sur un chantier de construction.
Il faut continuer à développer le Web 2.0, mais on peut faire évoluer un autre axe sans en avoir maîtrisé toutes les facettes. Internet n’attend pas après nous : il faut saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent.
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