D’aucuns estiment que les technologies du Web 2.0 ont déjà transformé la façon dont clients, fournisseurs, employés et partenaires communiquent entre eux et demeurent informés. On croit cependant que, cette année, les entreprises franchiront une étape supplémentaire en intégrant la dimension sociale du Web 2.0 à leurs processus et à leurs applications.
À la base, le Web 2.0 englobe des outils de collaboration comme le blogue, le wiki, les groupes de discussion et les fils de syndication. L’une des principales caractéristiques de ces technologies est leur convivialité, qui permet à tous de les utiliser facilement. « Le Web 2.0 ouvre les entreprises aux intervenants externes, donnant lieu à une plus grande interaction avec clients et partenaires, souligne Connie Crosby, directrice de Crosby Group Consulting et co-organisatrice du PodCamp Toronto. En interne, il nivelle les paliers hiérarchiques et donne une voix à tous les employés, leur permettant de collaborer et de fournir leur rétroaction. Le Web 2.0 regroupe les différentes équipes au sein des organisations et abat les cloisonnements administratifs », explique-t-elle.
De plus en plus, le Web 2.0 est associé aux réseaux sociaux. Au sein de l’industrie, on prévoit que l’utilisation de ces derniers en tant que nouveau modèle commercial fera l’objet d’une plus grande attention en 2011. Devant l’ampleur prise par le phénomène, cette nouvelle ne surprend guère. Pour mieux illustrer la place prépondérante qu’occupent les réseaux sociaux dans le monde actuel, on rappelle que si Facebook était un pays, ses 700 millions de comptes lui vaudraient le troisième rang mondial en termes de volume de population. On a beaucoup parlé également du rôle joué par le Web 2.0 dans les révoltes populaires qui ont embrasé l’Afrique du Nord cette année. Les populations soulevées ont eu recours à Twitter et à Facebook afin de s’organiser et de relayer de l’information cruciale.
Apprivoiser les réseaux sociaux
Actuellement, peu d’entreprises ont la capacité d’adopter un modèle commercial axé sur les réseaux sociaux, estime le magazine The Global Human Capital Journal. Les organisations ne pourront transformer leurs processus d’affaires en fonction de ce modèle que lorsqu’elles auront acquis les compétences nécessaires. Pour la plupart des adopteurs précoces, cela n’arrivera qu’entre 2012 et 2015, peut-on lire dans la publication.« Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère numérique », dit à ce propos Louis Beauregard, chef d’équipe, Centre expérience utilisateur, Bell Marchés Affaires. « Nous devons faire travailler tous les canaux de communication – réseaux sociaux, Web, téléphones mobiles, tablettes, expérience magasin, centres d’appels, etc. – au sein d’un même ensemble afin de concevoir un écosystème. Nous n’en sommes qu’aux premiers balbutiements de ce nouveau modèle et les clients articulent encore mal leurs besoins à ce sujet », signale-t-il.
The Global Human Capital Journal émet un avis semblable : le fait de maîtriser son écosystème et la façon de l’utiliser pour communiquer efficacement paraît élémentaire, mais les organisations ne connaissent pas suffisamment « les préférences, les flux de travaux et les réseaux de leurs intervenants pour pouvoir élaborer une stratégie éclairée », y indique-t-on.
Pour sa part, Ralph Van Coillie, directeur principal, Commerce électronique, sites nationaux et nouvelles initiatives chez Transcontinental, croit que le principal problème des entreprises réside dans leur incapacité à réaliser des profits avec les réseaux sociaux. « Les échanges s’y déroulent à huis clos. C’est un 5 à 7 privé et, dans un tel événement, on n’est pas le bienvenu avec ses cartes d’affaire », dit-il.
« Ce ne sont pas les entreprises qui déterminent les contenus, mais les communautés. Les entreprises ne sont pas des amies au sens où on l’entend dans les réseaux sociaux. Elles peuvent y entrer, mais leur propos est manifestement publicitaire. »
Souvent, les dirigeants veulent utiliser les réseaux sociaux pour rejoindre les millions de personnes qui les fréquentent et, ainsi, vendre leurs produits. Il s’agit là d’une « grosse erreur », déplore Damien Guinet, stratège média sociaux au sein de la firme Heaven. « Il faut plutôt voir le Web 2.0 comme un outil de relations avec la clientèle, poursuivant des objectifs d’image et non de vente. C’est de cette façon que l’on peut obtenir le meilleur rendement de son investissement dans les réseaux sociaux », explique-t-il.
Nécessaire stratégie
« Le fait qu’un plus grand nombre d’entreprises adoptent ces technologies a pour effet d’accroître la concurrence au sein des différents réseaux. Ainsi, il deviendra plus difficile d’attirer l’attention à l’aide du marketing et de la promotion. Il sera alors nécessaire d’établir des priorités, de connaître précisément à qui l’on s’adresse et de cibler son public », indique The Global Human Capital Journal.« Les entreprises veulent exploiter les réseaux sociaux, mais semblent incapables de définir leurs véritables objectifs. Or, c’est l’objectif qui compte le plus », précise Damien Guinet. « Cela n’a aucun sens d’avoir une stratégie mobile qui n’est pas intégrée à la stratégie Web, à la stratégie de point de vente, à celle du service à la clientèle, renchérit Louis Beauregard. Il ne s’agit plus de positionner les technologies numériques dans la structure organisationnelle. Aujourd’hui, le Web et le numérique sont l’entreprise », dit-il.
Heureusement, de plus en plus d’organisations prennent conscience du besoin de disposer d’une stratégie bien ficelée relativement aux réseaux sociaux – en termes de relations publiques, de marketing, de ressources humaines, etc. – fait observer Connie Crosby. « Par contre, si beaucoup d’entreprises se lancent encore dans cette voie en négligeant les aspects stratégiques, on peut y voir une forme de légitimité. Certaines firmes, les plus jeunes surtout, aiment lancer des ballons d’essai. Si ça fonctionne, tant mieux, sinon tant pis. Généralement, le risque est alors plus élevé dans une grande entreprise », explique-t-elle.
Bon nombre d’organisations arrivent au Web 2.0 grâce aux technologies mobiles, lesquelles éveillent l’intérêt pour les possibilités offertes par le numérique, indique par ailleurs Louis Beauregard. « Une fois entrées dans la danse, les entreprises pourront repenser leur stratégie globale. Le tout se fera par petites étapes », dit-il.
Selon lui, les entreprises doivent imaginer une « expérience utilisateur », ce qui exige une profonde réflexion. « Lorsque les gens arrivent avec des idées multicanal, on réalise qu’à terme, un écosystème sera mis en place. Les entreprises qui choisissent cette voie peuvent prendre une avance considérable au sein de leur industrie », souligne-t-il.
Quelques conseils de gouvernance
Avant d’adopter toute stratégie relative aux réseaux sociaux, les entreprises doivent s’assurer d’avoir réalisé trois démarches essentielles, comme le propose Damien Guinet, stratège, médias sociaux chez Heaven. On doit d’abord faire un audit visant à déterminer comment fonctionnent les réseaux sociaux visés et ce que font les concurrents sur ce terrain. On doit ensuite définir ses objectifs et, finalement, lancer une campagne d’acquisition d’adeptes en utilisant tous les canaux pertinents – sites Internet, infolettres, Facebook, etc. « Pour ce genre d’initiatives, il faut toujours prévoir un certain budget », précise M. Guinet. Lorsqu’elle a rassemblé une base de 20 000 à 30 000 adeptes, une entreprise peut élaborer une stratégie dans des conditions optimales.
Par ailleurs, des désaccords surviennent fréquemment à l’intérieur des entreprises à savoir qui gérera les relations avec les communautés en ligne. Le service des ventes ? Les TI ? Les communications ? Les ressources humaines ? « Les processus de gouvernance établis peuvent facilement devenir désuets lorsque l’on adopte un nouveau modèle commercial, souligne à ce propos Louis Beauregard, chef d’équipe, Centre expérience utilisateur, Bell Marchés Affaires. Les entreprises doivent alors déterminer de quelle façon elles livreront l’écosystème qui a été défini », indique-t-il.
« En établissant ses objectifs à l’avance, on évitera les tiraillements », conseille Damien Guinet. Il suggère aussi la création d’un comité éditorial qui, périodiquement, se réunit pour décider des tâches à entreprendre et des personnes qui y seront affectées. Afin de mieux coordonner leurs efforts en cette matière, de fidéliser les clients et d’atteindre leurs objectifs d’affaires, plusieurs organisations ont créé un nouveau poste, celui de chef des interactions en ligne (Head of online), relevant du chef de la commercialisation.