Quatre entrepreneurs ont discuté des particularités du démarrage d’entreprise, du marché, de la main-d’oeuvre et de la culture organisationnelle au Canada.
Lors de la Conférence mondiale sur les technologies de l’information (WCIT) qui a eu lieu du 22 au 24 octobre à Montréal, des entrepreneurs canadiens ont participé à une discussion sur l’entrepreneuriat au Canada. L’échange était modéré par Valerie Fox, la directrice de l’incubateur d’entreprises Digital Media Zone à l’Université Ryerson.
Ces entrepreneurs étaient Isabelle Bettez, qui est la présidente et chef de la direction de l’entreprise 8D Technologies de Montréal qui est spécialisée en technologies de point de vente pour des applications machine à machine, Aled M. Edwards, qui est le chef de la direction et fondateur du Consortium de génomique structurelle à l’Université de Toronto et à l’Université d’Oxford en Angleterre, Jennifer Evans, qui est la présidente et la stratège en chef de l’agence numérique Sequentia Environics de Toronto et Kunal Gupta, qui est le président-directeur général de Polar Mobile, un fournisseur de logiciels de distribution de contenu numérique de Toronto.
Culture entrepreneuriale
Invitée à commenter les conditions entourant le démarrage d’une entreprise technologique, Isabelle Bettez a indiqué que l’établissement d’une entreprise en TIC au Canada et l’exploration commerciale des marchés à l’international comportent leurs parts d’enjeux.
« La culture entrepreneuriale est relativement jeune au Canada. L’absence d’une culture d’entrepreneuriat constitue une difficulté, a-t-elle indiqué. À Boston et à d’autres endroits, quelqu’un lève la main et d’autres s’offrent pour l’aider… L”entrepreneuriat doit être un travail d’équipe, car en aidant quelqu’un d’autre on s’aide soi-même. Je crois qu’on peut avoir à la fois du succès individuellement et tous ensemble. »
« L’environnement au Canada est bon pour le démarrage, mais il est difficile de passer au niveau suivant, a constaté Jennifer Evans. L’obtention de capital et le soutien du gouvernement sont essentiels lors des stades initiaux de la création d’une entreprise. »
Kunal Gupta a indiqué qu’il y a une belle culture au Canada au niveau de l’ingénierie et du technique, mais qu’il y a une pénurie au niveau de l’expérience en vente et en marketing. Également, il a affirmé que les entrepreneurs canadiens doivent changer leur façon de penser afin de mieux aborder les marchés mondiaux.
« On peut penser comme une entreprise canadienne qui veut avoir une présence mondiale, ou bien comme une entreprise mondiale qui est basée au Canada. Cela change la perspective. Il faut avoir cette façon de penser et voir le monde comme un marché dès le début », a partagé l’entrepreneur, qui compte aujourd’hui des clients dans douze pays.
Le rôle du marché canadien
Interrogé par Valerie Fox sur le marché canadien, M. Gupta a raconté que deux éditeurs canadiens avaient commandé des applications mobiles pour leurs magazines, mais que c’est après avoir obtenu par la suite des mandats de clients aux États-Unis que les autres entreprises canadiennes ont réalisé des achats auprès de son entreprise. « Le marché canadien est bien pour réaliser les études et essais initiaux. Ensuite, il faut saisir l’initiative et aller vers le marché américain.
Mme Evans a indiqué que des travaux avaient été amorcés avec l’entité canadienne d’une entreprise américaine d’envergure mondiale, mais elle a réalisé que les initiatives, pour être concrétisées, devaient avoir lieu auprès du siège social. « Le marché canadien était en retard de deux années et demie en matière d’adoption de nos programmes. Nous ne pouvions en faire l’essai ici », a-t-elle confié.
« Quand les gens d’ici achètent nos solutions, cela envoie un bon message aux clients potentiels ailleurs dans le monde », a commenté Mme Bettez.
La main-d’oeuvre
À propos des attributs recherchés par les entrepreneurs auprès de la main-d’oeuvre, Jennifer Evans a indiqué qu’elle recherche surtout des personnes qui ont une capacité d’adaptation, en raison de l’évolution rapide du domaine des TIC. Elle recherche aussi des personnes qui ont une capacité de communication avec un large éventail de personnes, autant au niveau des fonctions de travail qu’au niveau géographique.
Aled Edwards a dit qu’il recherche des personnes intelligentes, mais il ne regarde pas seulement leurs aptitudes présentes car celles qui seront requises deux ans plus tard seront différentes. « Je suis découragé par notre système d’éducation, parce qu’on entraîne nos diplômés à faire des tâches plutôt qu’à être des penseurs intelligents », a-t-il mentionné.
Kunal Gupta, de son côté, a souligné que des entreprises technologiques d’ailleurs, en venant embaucher des personnes au Canada, exploitaient mieux le talent local que les entreprises d’ici. « Il faut que ça change, car on ne peut croire que ces personnes reviendront ici une fois qu’elles auront obtenu du succès ailleurs », a-t-il affirmé.
Isabelle Bettez a indiqué qu’elle avait embauché un spécialiste en marketing afin de trouver des personnes talentueuses et de commanditer des projets dans des écoles, dans le but d’attirer l’attention sur les possibilités d’emploi qui sont offertes par son entreprise. « Nous sommes chanceux à Montréal, car la qualité de vie est bonne. Cela intéresse des personnes hors du Canada », a-t-elle ajouté.
La plupart des conférenciers ont souligné l’importance des programmes d’enseignement coopératifs, qui permettent aux étudiants de vivre l’expérience du travail en entreprise. « Mais il n’y a pas assez de programmes “coop” », a déploré Kunal Gupta.
L’évolution de la culture d’entreprise
Enfin, les participants à la discussion ont reconnu l’importance d’entretenir la culture interne d’une organisation au gré de sa croissance.
Pour Kunal Gupta, toutes les excuses sont bonnes pour réunir le personnel, de façon structurée ou non, pour discuter de façon formelle ou non. Isabelle Bettez, de son côté, a dit croire qu’il faut embaucher des personnes dont l’attitude personnelle va de pair avec la culture de l’entreprise.
« Une petite entreprise recrute des personnes qui ont une culture semblable, mais c’est plus facile à réaliser dans une grande entreprise, a commenté Aled Edwards. […] Mais si chacun est remplaçable dans une entreprise en matière de talent, on ne peut en dire autant en matière de culture. Si quelqu’un ne s’agence pas avec la culture de l’entreprise, il doit quitter », a-t-il ajouté sans équivoque.
Kunal Gupta a ajouté qu’au cours des premières années d’université les étudiants en science devraient suivre des cours de sociologie et vice-versa, afin d’élargir leurs horizons. Jennifer Evans, pour sa part, a affirmé que les gouvernements devraient encourager les grandes entreprises à aider les plus petites par l’échange et le mentorat.
D’ailleurs, Isabelle Bettez a souligné qu’elle a déjà bénéficié du soutien de l’École d’entrepreneurship de Beauce, où des entrepreneurs enseignent à d’autres entrepreneurs. Selon elle, l’approche est complémentaire à la formation universitaire. « Savoir les erreurs à ne pas faire a une grande valeur. Le plus tôt qu’on apprend de cette expérience, le mieux c’est pour un entrepreneur », a-t-elle affirmé.