DROIT ET TI Vous écrivez un commentaire, un compliment, une critique ou un message plus personnel sur un site Web. Savez-vous à qui vous écrivez? Savez-vous qui vous lira? Et dans quel contexte serez-vous lu?
On écrit beaucoup de courriels. Mais on communique aussi beaucoup sur les sites Internet eux-mêmes.
On commente un restaurant ou un hôtel sur un site, on décrit comment changer la batterie de la voiture sur un autre, ou encore on écrit un message à un ami sur un site de réseautage. On téléverse (upload) un vidéo expliquant son point de vue. On clavarde ses impressions surles sports, ou on écrit au fournisseur de notre service de courriel gratuit (tel que Gmail) pour lui poser une question.
Chaque fois qu’on émet une communication, on vise un auditoire en particulier. On veut répondre à un autre commentaire, on veut répondre à une question ou en poser une et on souhaite, ou à tout le moins on accepte, que notre message, texte ou vidéo, soit affiché sur le site Web où l’on l’a écrit. Les autres participants pourront nous lire et être informés, ou encore nous répondre.
Est-ce que ça s’arrête là? Pas nécessairement.
Deux exemples de conditions d’utilisation
L’émetteur de communications sur un site Web doit être conscient que ça peut aller beaucoup plus loin, dépendant des conditions d’utilisation du site. Il doit connaître ces conditions. Voici deux exemples…
Les conditions d’utilisations de Google disponible sur http://www.google.ca/accounts/TOS, prévoient que :
11.1 (…) En fournissant, publiant ou affichant du contenu, vous accordez à Google le droit permanent, irrévocable, mondial, gratuit et non exclusif de reproduire, adapter, modifier, traduire, publier, présenter en public et distribuer tout Contenu que vous avez fourni, publié ou affiché sur les Services ou par le biais de ces derniers. Cette licence a pour seul but de permettre à Google d’afficher, de distribuer et de promouvoir les Services … (nous soulignons)
La « Déclaration des droits et responsabilité » de Facebook, disponible sur http://www.facebook.com/terms/french.php#, pour sa part, édicte que :
2. (…vous nous donnez spécifiquement la permission suivante, conformément à vos paramètres de confidentialité et paramètres d’applications : vous nous accordez une licence non-exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation à Facebook (…).
En droit, ces licences sont très larges. Il n’y a pas transfert de propriété intellectuelle vers Google ou Facebook, mais ces derniers obtiennent le droit de faire beaucoup de choses avec ce que vous postez sur leurs sites.
En particulier dans le cas de Google, une communication jugée méritoire peut être reproduite, adaptée, modifiée, traduite, publiée, présentée en public et distribuée. Imaginez ce qui peut potentiellement arriver. Votre message ou votre vidéo peut aller très loin!
Aussi, le message déposé sur Facebook pourrait être utilisé par la compagnie dans d’autres circonstances que celles que vous aviez prévues à l’origine.
Les contrats d’adhésion
Il existe en droit québécois le concept de « contrat d’adhésion ». Un contrat d’adhésion est un contrat où l’offrant ne laisse aucune marge de manœuvre ou de négociation à la personne qui peut accepter l’offre : l’offre est à prendre ou refuser.
Le Code civil prévoit des mécanismes de protection au bénéfice de celui qui ne peut négocier, s’il décide d’accepter l’offre. Notamment, certaines clauses abusives peuvent être présumées non écrites. Si les contrats de Google ou Facebook étaient régis par le droit du Québec, certains droits réclamés par les articles que nous avons vus plus haut pourraient possiblement être annulés par un tribunal qui se serait penché sur la question à la demande d’une partie.
Mais les contrats de Google et Facebook ne sont pas régis par le droit québécois. Ils sont régis par le droit de la Californie. Qui sait ce que ce système juridique prévoit dans un tel cas?
On lit parfois dans des articles juridiques qu’une des tendances composant le droit de la Californie tend traditionnellement à protéger les individus. Cependant, l’industrie des TI est si importante en Californie qu’il est possible que le gouvernement local ait protégé les sociétés offrant des services sur Internet, quitte à ce que les individus perdent quelques plumes… Qui sait? Et il sera très onéreux de faire exécuter une recherche en droit californien par des avocats américains pour connaître le statut de messages problématiques.
Le message à retenir est que ces conditions sont importantes. Pour les propriétaires des sites, il faut les rédiger avec soin dans le but légitime d’éviter des problèmes pour leurs entreprises respectives. Pour les participants et adhérents de ces sites, il faut savoir ce que l’on accepte!
Notamment, un rédacteur pourra ainsi éviter qu’un commentaire ironique, mais pas méchant du tout, dans le contexte comique d’un échange en particulier, soit repris (de bonne foi, pourtant) dans un contexte plus sérieux à l’insu du rédacteur en question, faisant paraître celui-ci comme trèsétroit d’esprit.
Ça peut arriver. C’est arrivé.
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis plus de 20 ans.