Lorsque l’on opère un site Web commercial, qu’on y vende en ligne ou non, certaines vérifications juridiques de base doivent être effectuées, et ce, préférablement avant la saison chaude que constitue la rentrée.
On dit parfois dans le monde du sport qu’une équipe gagnante commence par bien effectuer les jeux de base… Voici un un rappel de quelques-uns des « jeux de base » les plus importants à effectuer, lorsque l’on opère un site Web commercial et ce, qu’on y exerce le commerce électronique ou non. Il y a bien d’autres détails plus pointus, et qui dépendent de la fonction du site en question. Mais il faut commencer par l’essentiel.
Conditions d’utilisation
Votre site doit comprendre une page où l’on trouve des conditions d’utilisation. Pourquoi diantre auriez-vous besoin de cela ? Voici quelques exemples…
En premier lieu, parce que vous voulez sans doute au moyen de votre site convaincre ou informer quelqu’un de quelque chose. Eh bien, ne sait-on jamais, qu’arriverait-il si vous réussissiez à convaincre ou informer le visiteur du site de quelque chose… qui s’avérait faux par la suite?
Il est donc essentiel d’utiliser des formules comme, par exemple en matière financière, « ce site reflète l’interprétation de XYZ des évènements récents et de leur impact sur le marché boursier; XYZ ne peut évidemment pas prévoir précisément comment se comportera le marché et ne saurait être responsable des résultats obtenus ». Dans le même but, dans un contexte de santé : « les renseignements contenus sur les pages de notre site ont seulement pour but d’informer les visiteurs de notre site et ne sauraient en aucun temps remplacer l’avis d’un médecin ».
D’autre part, il est utile d’exiger dans les conditions que tout lien vers le site qui les contient soit dirigé vers la page d’accueil, ou une page de haut niveau : histoire de vous faire connaître et d’éviter les citations hors contexte. Des moyens techniques permettent de passer le Web au peigne fin pour découvrir si cette exigence a été respectée et identifier les contrevenants.
Aussi, s’il est permis aux visiteurs du site de présenter des textes, dans le cadre d’un blogue, d’un forum ou autre, des règles doivent être établies pour ces réceptions de textes. Vous éviterez bien des références à la « liberté d’expression » par vos visiteurs, si jamais vous devez retirer un message diffamant laissé sur un forum, en invoquant « l’article 8 de nos règles » plutôt qu’en disant « le message n’a pas de bon sens ».
Par ailleurs, s’il est permis aux visiteurs sur le site de s’inscrire à une liste de diffusion, il serait utile de mentionner dans les conditions qu’ils doivent utiliser leur vrai nom; certes, vous ne pourrez pas vérifier l’identité à chaque fois, mais vous aurez les outils juridiques pour retirer de la liste les cas extrêmes… et votre liste vous sera plus utile, en moyenne.
De plus, il est essentiel de limiter la responsabilité du propriétaire du site de manière générale en rapport avec toute utilisation du site. Il faudra ajouter un article à cet effet, accompagné d’une mention à l’effet que ce propriétaire n’est évidemment pas responsable du contenu de tout site partenaire qui pourrait être mentionné ou évoqué sur le site.
Enfin, vous voudrez certainement choisir l’endroit où serait entendu tout litige touchant votre site et les lois qui seront alors applicables. Il est plus facile pour une compagnie de Montréal de se défendre à Montréal, en droit du Québec, qu’outre-mer!
D’autres items peuvent aussi être inclus aux conditions, dépendant des fonctions du site Web qui les contient.
Une politique touchant les renseignements personnels
Toujours en se limitant à l’essentiel… Le principe général, en droit canadien et québécois touchant les renseignements personnels, est que dès que l’on se sert d’une ou plusieurs informations personnelles venant d’un membre de la clientèle ou d’un des visiteurs du site, il faut l’en avertir et demander sa permission. Il faut aussi en général permettre à ces personnes de consulter les renseignements personnels que l’exploitant du site détient sur elles et leur permettre de les corriger le cas échéant.
Votre politique de confidentialité devra prévoir des mécanismes adéquats, et qui vous conviennent, pour en venir à ces fins.
De plus, il est bon, dans l’optique de renseigner sa clientèle et de se montrer bon citoyen corporatif sur le Web, de préciser si des fichiers de témoins (cookies) sont déposés sur l’ordinateur de votre visiteur et de mentionner à quoi ils servent. Si aucun renseignement qui peut être qualifié de personnel n’est récolté de cette façon, il importe de le préciser. Dans le cas contraire, une autorisation devra être obtenue.
Vos textes
Vous devez posséder, à titre de conditions d’utilisation et de politique touchant les renseignements personnels, vos propres textes. Il est très facile, mais aussi risqué, de copier les textes d’autres sites. Qui sait si ceux-là sont originaux ou s’ils ont été copiés d’une source peu fiable?
Il y a quelques années, une grande quantité de sites comptaient, dans leurs conditions d’utilisation, une référence en cas de litige à l’arbitrage obligatoire en vertu des règles de la Canadian Arbitration Association. Or celle-ci n’a jamais existé! Une erreur avait été copiée des centaines de fois!
Un lien clair
Depuis la récente décision Dell, de la Cour suprême du Canada, l’on sait qu’il est possible de lier un visiteur d’un site Web aux diverses conditions juridiques s’y trouvant. Il s’agit d’inclure, sur les pages principales du site (ou mieux, si possible sur toutes les pages) un lien suffisamment visible vers ces conditions. Le visiteur sera lié même s’il ne consulte pas les conditions en question.
Qu’est-ce qu’un lien suffisamment visible? Il ne s’agit pas d’un lien prédominant, écrit en 32 points, en haut de la page principale, à droite du nom de votre compagnie. Il ne s’agit pas non plus d’un lien écrit en 6 points, écrit en beige sur fond blanc, au bas d’une page qui est longue de 22 écrans. Il s’agit d’un lien suffisamment facile à trouver.
La situation s’évalue cas par cas. En général, cependant, on peut penser que des liens « conditions d’utilisation » et « politique de renseignements personnels », noir sur blanc, au bas ou à gauche des pages (lesquelles sont de longueur raisonnable) de votre site, dans un caractère qui avoisine celui qui est utilisé pour le texte du reste de la page, ne devraient habituellement pas poser problème.
Tel que mentionné plus haut, d’autres conditions s’ajouteront, selon les fonctions techniques et commerciales de votre site.
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis bientôt 20 ans.