L’éditeur de jeux vidéo Frima Studio, en achetant Humagade, obtient les éléments complémentaires au développement de titres sur de multiples plates-formes. L’entreprise de Québec, qui a de grandes ambitions, souhaite conserver son indépendance.
La transaction réalisée entre deux acteurs d’importance de l’industrie du jeu vidéo de Québec est de bon augure pour le pôle du développement « ludonumérique » de la Capitale-Nationale.
En faisant l’acquisition de Humagade, Frima Studio complète son portefeuille de plates-formes technologiques, ajoute de grands clients à sa liste et comble des besoins en main-d’oeuvre, ce qui constitue trois conditions gagnantes pour la progression de l’entreprise aux talents très prisés.
Pierre Moisan, le producteur exécutif chez Frima Studio, relate que l’entreprise faisait à l’origine beaucoup de jeux Internet pour des films d’animation hollywoodiens, comme Cars ou Harry Potter. Elle s’est ensuite développé une expertise dans le créneau « très rentable » des jeux en ligne massivement multijoueur, en produisant des titres pour des clients comme Corus, Build-A-Bear et Mega Brands.
M. Moisan indique que c’est Frima qui a approché les propriétaires de Humagade pour offrir d’en acheter les actifs. Les deux boîtes, qui occupent le même édifice du boulevard Charest à Québec, ont déjà collaboré pour la réalisation de certains projets. Cette alliance des forces, selon M. Moisan, s’inscrit dans une évolution de l’offre de service en jeu vidéo, alors que les clients souhaitent publier leurs titres dans une variété d’environnements technologiques.
« Ce qui a motivé qu’on approche Humagade est que le marché demande de plus en plus d’avoir un guichet unique, mentionne-t-il. Les clients veulent sortir leurs propriétés sur plusieurs canaux de diffusion différents, simultanément. On parle du téléphone cellulaire, des consoles de jeu vidéo portables et fixes, des jeux pour l’ordinateur personnel, etc. Nous étions un peu limités, car notre expertise est surtout dans les jeux sur le Web et PC, alors qu’Humagade avait une expertise dans les téléphones cellulaires et les jeux [pour les consoles] Nintendo. On s’est dit qu’il y avait une occasion d’unir nos forces pour répondre aux besoins du marché. »
Des clients et des gens
Par cette acquisition, Frima Studio ajoute à sa liste de clients, qui compte notamment Disney, Viacom, Warner Brothers et Electronic Arts, des studios de cinéma et de télévision pour lesquels Humagade a développé des jeux sous licence, pour des titres comme Family Guy et Mickey Mouse.
Surtout, Pierre Moisan souligne que la transaction permettra également d’atténuer les inconvénients causés par la pénurie de la main-d’oeuvre en TIC, que M. Moisan qualifie « d’épouvantable ».
« Humagade compte beaucoup, beaucoup de programmeurs seniors, ce qui permettra à Frima de poursuivre sa croissance, indique-t-il. En ce moment, on est obligé de refuser des contrats. On a besoin de personnel de façon urgente, et on veut engager plus de 150 personnes au cours des deux prochaines années. Nous engagerions 20 personnes dès demain matin, si nous le pouvions. Humagade, avec ses seniors, donnera de la profondeur à notre équipe. »
De l’indépendance et de l’ambition
Par ailleurs, cette transaction se caractérise par l’implication de deux entreprises québécoises indépendantes dont les intérêts consolidés demeureront en sol québécois. Cette caractéristique est importante pour une industrie dont la croissance des dernières années a eu lieu par le biais d’investissements d’entreprises hors Québec.
« On parle souvent de l’industrie “québécoise” du jeu vidéo, mais il s’agit beaucoup d’une industrie étrangère. Ubisoft est une entreprise française, Activision qui a acheté Beenox est américaine, Eidos qui vient d’arriver à Montréal est britannique, Electronic Arts est américaine, souligne M. Moisan. À part A2M, qui a été fondée à Québec sous le nom de Megatoon, il n’y a pas beaucoup d’entreprises à propriété québécoise quand on y regarde de plus près. C’est agréable de créer un groupe qui deviendra le deuxième plus gros studio indépendant au Québec. On a bien l’intention de croître, on n’a pas du tout l’intention de vendre. »
D’ailleurs, M. Moisan affirme que Frima Studio a l’ambition de devenir un joueur important de la scène indépendante du jeu vidéo, et d’être un dominant plutôt que dominé.
« Nous voulons devenir une multinationale et non être achetés par une multinationale, affirme-t-il. On ne veut pas faire que du service, car nous voulons développer nos propres propriétés. On a déjà des titres qui connaissent un bon succès aux États-Unis, comme Ciao Bella qui est populaire auprès des femmes dans le marché du [jeu grand public] (casual gaming en anglais). Nous avons lancé Peter Flat, qui sera aussi lancé sur Second Life. Oberon, l’un des plus grands distributeurs de jeux grand public, a signé une entente avec le réseau virtuel pour y implanter 50 nouveaux jeux, dont deux sont des jeux de Frima. »
« Nous ne voulons pas juste offrir des jeux aux autres. Nous voulons créer nos propres propriétés, et c’est un des éléments clés dans la transaction. Le but ultime est d’avoir [avec Peter Flat] notre propre Caillou, et de se rendre jusqu’aux pantoufles et aux serviettes de bain… », dit-il en riant.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
À lire aussi cette semaine: Coup de filet de la SQ chez les pirates informatiques Chirurgie robotisée en HD L’actualité des TI en bref Prévention des fraudes informatiques : encore du chemin à faire Du pratique au superflu