La gestion des droits numériques pour contrer la copie des disques, qui fait jaser depuis un moment, doit se faire dans le respect de la loi.
La gestion des droits numériques, soit le contrôle des documents numériques par des mesures techniques de protection, sert dans l’industrie de la musique à restreindre l’utilisation illicite des contenus musicaux. Mais ces moyens de contrôle doivent être appliqués sans causer de dommage ni contrevenir aux dispositions législatives courantes.
En conséquence de l’essor de l’informatique personnelle, le piratage de la musique est devenu une problématique majeure que les éditeurs et les distributeurs de musique tentent de circonscrire par le recours à la gestion des droits numériques. En conséquence, des logiciels de lecture de fichiers comme Windows Media Player de Microsoft et iTunes d’Apple incorporent des mécanismes de restriction ou de prévention des copies, alors que d’autres approches suscitent la controverse, comme l’installation secrète d’un logiciel fantôme sur les ordinateurs (comme l’a fait l’éditeur Sony BMG en 2005) ou l’incompatibilité de certains disques avec les lecteurs des ordinateurs ou des voitures.
Des groupes de défense des intérêts des utilisateurs et des coalitions d’artistes qui s’opposent vivement au concept de la gestion des droits numériques qui est appliqué par les entreprises de l’industrie de la musique, et parlent plutôt de gestion des « restrictions » numériques. Toutefois, que l’on soit en faveur ou non de l’approche, cette dernière ne doit pas contrevenir à la loi déjà en application.
La copie privée
Selon Me Michel Solis, avocat spécialisé en technologies de l’information, la gestion des droits numériques pour la musique soulève un débat juridique en matière de droit civil et de droit d’auteur, alors que l’application de restrictions doit se faire dans le respect des lois en vigueur. D’une part, la copie privée d’un CD pour usage personnel est permise par la loi au Canada et qu’une redevance est perçue à l’achat des CD et des cassettes vierges. D’autre part, des dispositions du Code civil stipulent qu’on a le droit de se servir de quelque chose qu’on achète de la façon dont il est généralement permis de s’en servir.
« La justice que souhaitent se faire les compagnies de disques, bien que le but soit louable, va parfois plus loin que le droit applicable. Si un consommateur de bonne foi voulait se faire rembourser en magasin un disque contenant un mécanisme de protection dont il ne peut se servir sur son ordinateur, et qu’on lui refuse en fonction d’une politique de droit d’auteur parce qu’il aurait pu en faire une copie, il peut répondre que le contrôle des copies est justement trop efficace et empêche qu’il puisse s’en servir. Techniquement, il aurait droit à un remboursement. »
Alors que le droit à la copie privée ne s’applique pas aux autres contenus de divertissement, Me Solis ajoute que la gestion des droits numériques permet aux producteurs d’appliquer le droit qu’ils sont en droit d’appliquer, pour autant que cela n’occasionne pas de dommage. « Si les [studios de cinéma] utilisent des moyens techniques pour empêcher la copie de films, il ne s’agit pas de rendre inutilisable ou de désactiver le lecteur de DVD qui sert à lire le disque copié, mais de faire en sorte qu’un message apparaisse à l’écran et indique que le disque est copié. »
Réforme controversée
Par ailleurs, le précédent gouvernement fédéral souhaitait procéder à une modernisation de la Loi sur le droit d’auteur qui traitait du principe de gestion des droits numériques.
Le projet de loi C-60, qui est mort au feuilleton, avait suscité la controverse par l’ajout de droits aux détenteurs de droits d’auteurs et par l’élimination des droits correspondants détenus par le public. Cette modernisation aurait eu des conséquences importantes sur les droits d’utilisation de plusieurs contenus au Canada tels que les documents prêtés entre les bibliothèques, les clichés de mariage pris par des photographes professionnels et la copie privée d’un disque.
Le projet de loi comportait également des dispositions de réparation pour les détenteurs de droits d’auteurs qui auraient été victimes d’un contournement des mécanismes de gestion des droits numériques (ou de sa variante reliée aux droits de l’information) ou des mesures de protection technologiques utilisées à titre de contrôle d’accès aux contenus.
Le projet de loi avorté pourrait revenir à l’avant-scène sous le gouvernement actuel en 2006, et déjà les lobbies et les groupes d’intérêt préparent leurs arguments. Il sera intéressant de voir si elle inclura des dispositions reliées à la gestion des droits numériques.