La virtualisation est aujourd’hui une composante légitime des parcs technologiques organisationnels. Pourtant, il lui reste beaucoup de chemin à parcourir.
La virtualisation a progressé de façon indéniable dans les organisations au cours des dernières années. David Senf, vice-président, Infrastructure et solutions d’infonuagique chez IDC Canada, confirme que la plupart des grandes organisations, la majorité des moyennes entreprises et un nombre croissant de petites entreprises ont recours à la virtualisation au Canada. « Nos sondages font état de ratios de 40 % à 50 % de serveurs virtualisés et d’une moyenne de 17 serveurs virtuels par serveur physique, indique-t-il. La virtualisation a entraîné des changements dans l’offre des fournisseurs de matériel technologique et dans les pratiques d’approvisionnement des organisations ».
M. Senf ajoute que la dynamique a changé au niveau des fournisseurs de solutions au cours des dernières années. VMware, qui avait la grande majorité des déploiements de serveurs virtuels, est concurrencé par Citrix et par KVM sous Linux, mais aussi par Microsoft dont l’hyperviseur Hyper-V, inclus avec Windows Server, a fait d’importantes percées.
D’autre part, alors que la virtualisation touchait principalement aux serveurs il y a quelques années, d’autres actifs technologiques, comme les unités de stockage et les postes de travail, sont maintenant dans la mire de plusieurs organisations.
Gestion améliorée
Après avoir obtenu des gains par la réduction du nombre de serveurs et la diminution des besoins en électricité et en climatisation, les organisations doivent passer à l’étape suivante, soit l’amélioration de la gestion de la virtualisation.
« Plusieurs organisations clientes perçoivent la virtualisation comme un élément essentiel de leur infrastructure technologique, estime Grant Aitken, le directeur général de VMware Canada. Elles commencent à adopter des processus et des outils avancés pour assurer que la virtualisation offre la plus grande disponibilité, la meilleure stabilité et la plus grande gérabilité possible pour soutenir leurs applications commerciales courantes. »
« Le vrai gain se trouve dans l’administration, dans la facilité et la rapidité de déploiement d’un serveur, indique Omar Cherkaoui, professeur du département d’informatique de l’UQAM. L’installation d’un serveur physique pouvait prendre de quelques semaines à quelques mois, alors que l’installation d’un serveur virtuel prend quelques secondes. Alors que les coûts humains sont les plus importants en informatique, un administrateur peut gérer une soixantaine de serveurs virtuels, contre une quinzaine de serveurs physiques. »
Or, il reste encore du chemin à parcourir en matière d’administration de la virtualisation. Par exemple, les coûts de gestion augmentent au sein du coût total de possession de la virtualisation parce que les organisations n’ont pas automatisé l’application de rustines et de mises à jour, le provisionnement ou la réalisation de tâches liées au cycle de vie des machines virtuelles. Selon David Senf d’IDC Canada, l’automatisation occupera une place plus importante dans un avenir rapproché.
« L’automatisation facilite la vie et réduit le temps consacré à l’entretien. Les organisations commencent à voir l’automatisation comme le Saint-Graal à atteindre pour réduire leurs coûts de gestion, mais aussi le ratio de serveurs virtuels par administrateur. Dans plusieurs organisations ce ratio n’est pas si différent que celui d’un environnement physique, parce qu’on y gère encore les serveurs virtuels de la même façon! »
Le créneau des outils de gestion de la virtualisation fera l’objet d’une activité commerciale accrue au cours des prochaines années. Alors que des initiatives de normalisation et d’interopérabilité existent, mais progressent peu rapidement, les organisations aux environnements virtualisés hétérogènes devront recourir à des logiciels de tiers pour faciliter leurs activités d’administration.
Écarts de performance
Malgré les progrès accomplis par la virtualisation au sein des organisations, il demeure qu’un grand nombre de serveurs n’ont pas été virtualisés. Or, ce qui freinerait l’application de l’approche n’est pas l’argument historique du caractère essentiel d’une application, mais le niveau de performance qui serait obtenu dans un environnement virtuel. Grant Aitken affirme que la plus récente génération de la plateforme de VMware mise sur la capacité et la performance de la virtualisation pour soutenir les charges importantes. « Aujourd’hui il n’y a presque plus de limitation au niveau des types et de l’ampleur des charges qui peuvent être virtualisées », déclare-t-il.
David Senf, pour sa part, estime que le traitement des charges dans une machine virtuelle n’est pas sensé pour certaines applications de haut niveau.
« Certes, les fournisseurs diront qu’on peut virtualiser n’importe quelle charge, mais certaines applications ne sont pas entièrement compatibles avec les machines virtuelles. Il est préférable pour l’instant de continuer à les exploiter telles quelles. »
À l’égard des systèmes de mission, l’application de la virtualisation serait perçue de façon différente d’une organisation à l’autre. « Certains organismes, dans des cas isolés, feront beaucoup d’études et analyseront en détail tous les aspects avant de prendre une décision », indique Serge Savoie, associé et directeur des ressources humaines de la firme TechnoConseil de Québec, qui dessert surtout le marché gouvernemental.
« Un client préférera virtualiser ses systèmes de mission pour se protéger. Avec les demandes liées à la relève intersite, la virtualisation de ces systèmes de mission permet plus aisément la reprise des activités », ajoute de son côté son collègue Xavier Tremblay, concepteur en virtualisation.
Selon M. Cherkaoui, le blocage important qui empêcherait une organisation d’opter pour la virtualisation se situerait au niveau de l’être humain et de sa réticence au changement. « C’est une question de donner le temps aux gens de s’approprier la technologie », estime-t-il.