Le fournisseur Ericsson remporte l’enchère pour les actifs en technologie sans fil de Nortel. Nokia Siemens Networks, l’enchérisseur initial, accepte sa défaite. La canadienne Research In Motion, écartée du processus, a joué en vain une carte patriotique. Ericsson pourrait maintenant demander à Ottawa, via Nortel, du financement pour conclure la transaction. [Mise à jour]
Le fabricant canadien d’équipement de réseautique et de télécommunication Nortel a trouvé un acheteur pour le premier ensemble d’actifs qui a été mis aux enchères, soit ses actifs et ses propriétés intellectuelles qui ont trait aux technologies sans fil CDMA et LTE. L’entreprise qui a remporté la mise est d’origine scandinave, mais ce n’est pas celle qui a formulé l’offre initiale. C’est la suédoise Ericsson, avec une offre de 1,13 G$ US (1,22 G$), qui a remporté la mise.
Nortel avait paraphé, à la mi-juin, une entente de type stalking horse avec l’entreprise finlando-germanique Nokia Siemens Networks qui établissait le prix de vente de ses actifs à 650 M$ US (703 M$). Le processus permettait à d’autres parties intéressées de soumettre des mises supérieures, ce qui est survenu lors du processus qui a pris fin le 25 juin.
La mise d’Ericsson, qui inclut une promesse d’offre d’emploi à au moins 2 500 des employés qui étaient attitrés aux activités vendues par Nortel, doit être a été approuvée par les tribunaux au Canada et aux États-Unis qui supervisent la restructuration de Nortel.
Ericsson heureuse
Ericsson, en réaction à sa victoire, a précisé qu’elle comptait affecter 400 des 2 500 employés provenant de Nortel à la recherche et au développement de la technologie LTE.
Aussi, l’acquéreur des actifs de Nortel a souligné qu’il obtient des contrats avec plusieurs fournisseurs de services de télécoms en Amérique du Nord qui ont des réseaux fondés sur la technologie CDMA, dont Verizon, Sprint et Bell Canada.
Ericsson compte 1 800 employés au Canada, dont 1 500 travaillent au centre de recherche et développement qui est situé à Montréal.
Nokia déçue
Nokia Siemens, qui a perdu l’enchère, s’est dite déçue de ne pas avoir remporté la mise, en affirmant que son offre finale reflétait « un juste prix » et que sa participation au processus n’avait pas comme philosophie une victoire à tout prix. Le fournisseur d’équipement a néanmoins affirmé son souhait d’intensifier sa présence sur le marché nord-américain.
Le 20 juillet, l’entreprise a obtenu un contrat d’établissement d’un réseau sans fil 3G de la part de Globalive Wireless. Il s’agit d’un nouveau venu dans le marché des communications mobiles qui a obtenu des licences lors des enchères de spectre qui ont été tenues par Industrie Canada en 2008.
Nokia a aussi obtenu, en 2008, des contrats de fourniture de matériel de la part de Bell, Telus et Vidéotron.
RIM mécontente
Une entreprise qui est visiblement contrariée par la tournure de cette transaction est Research In Motion, de Waterloo en Ontario.
Le fabricant de la marque d’appareils portatifs évolués Blackberry, dans un communiqué publié le 20 juin – soit quelques jours avant l’enchère – a indiqué qu’on lui avait interdit de soumettre une mise en raison de son intérêt envers d’autres activités commerciales de Nortel.
En affirmant qu’elle aurait été prête à débourser 1,1 G$ US pour les éléments en réseautique sans fil de Nortel qui ont été mis aux enchères, RIM a indiqué qu’une clause du processus allouait la qualification de l’entreprise seulement si elle promettait de ne pas soumettre d’offres pour d’autres actifs de Nortel durant une année. L’entreprise a affirmé que Nortel, ses conseillers et le responsable du processus de vente nommé par les tribunaux avaient refusé des tentatives de discussions visant l’achat de plusieurs actifs.
Le coresponsable de la direction de RIM, Jim Balsillie, a semblé vouloir jouer la carte du patriotisme en disant qu’il « est très déçu qu’une technologie de file mondiale, dont le développement a été payé en partie par les contribuables canadiens, semble destinée à quitter le Canada et qu’Exportation et Développement Canada soit prêt à aider [cela] en prêtant 300 M$ à un autre enchérisseur ».
RIM a affirmé que la perte de la propriété canadienne dans les activités commerciales liées aux technologies CDMA et LTE de Nortel « pouvait affecter des intérêts nationaux et avoir des impacts potentiels sur la sécurité nationale ».
Quelques jours plus tard, Nortel a répondu aux allégations de RIM. Nortel a déclaré que RIM, qui faisait partie d’un nombre d’enchérisseurs potentiels qui avaient manifesté leur intérêt envers les actifs en vente, ne s’était pas opposé aux procédures d’enchères qui ont été établies par les tribunaux du Canada et des États-Unis à la fin du mois de juin.
Nortel a indiqué que RIM a fait parvenir le 15 juillet dernier une lettre où elle demandait la permission d’être un enchérisseur qualifié pour participer au processus. Nortel a précisé que des travaux ont eu lieu pour tenter de définir des conditions de confidentialité acceptables avec RIM, mais l’entreprise de Waterloo aurait refusé de suivre les procédures établies par les tribunaux.
De plus, Nortel a souligné que tout enchérisseur qualifié devait signer une entente de confidentialité dont une disposition assure l’implication directe de Nortel dans les négociations futures qui ont trait à la vente de ses actifs.
« Cette disposition n’empêche pas des offres futures par un enchérisseur pour acquérir des actifs qui seront compatibles avec n’importe quel processus établi par Nortel ou les tribunaux », a affirmé l’entreprise, avant de souligner que tous les enchérisseurs devaient respecter les règles établies afin de participer au processus.
Soutien gouvernemental?
Le possible prêt de EDC, dont Jim Balsillie de RIM avait fait mention dans sa déclaration, avait été mis à la disposition de Nokia Siemens.
Le 19 juin, soit le jour même de l’annonce du processus de mise aux enchères des actifs de Nortel, Exportation et Développement Canada avait annoncé qu’un prêt de 300 M$ serait octroyé à Nokia Siemens pour l’achat des actifs et le maintien d’emplois de R&D au Canada, si l’entreprise en question remportait l’enchère. « La participation d’EDC à cette transaction vise donc à garantir que le plus grand nombre possible d’emplois spécialisés, professionnels et de R-D restent au Canada », avait alors déclaré EDC.
Or, il est possible que Ericsson tente d’obtenir un soutien financier similaire de la part du gouvernement fédéral.
Le journaliste Greg Meckbach du portail IT World Canada – une publication du réseau IDG dont fait partie Direction informatique – rapporte une déclaration du directeur financier d’Ericsson, Hans Vestberg, qui a affirmé que l’entreprise verra si elle peut obtenir un financement similaire de la part du gouvernement du Canada.
M. Vestberg a ajouté qu’une telle demande constituait la prochaine étape du processus de complétion de la transaction, qui pourrait prendre fin au troisième trimestre de cette année.
Chez Exportation et Développement Canada, le responsable des relations avec les médias Phil Taylor a précisé que l’offre de financement impliquant Nokia Siemens avait été formulée à la demande de Nortel et non à la demande du fabricant finlando-germanique.
« Nous sommes ouverts à évaluer toutes les propositions de financement qui proviennent de Nortel. Il y a eu un peu de confusion dans les médias: [dans ce cas-ci] nous aidons Nortel qui nous a approchés pour demander une aide de financement pour l’une des propositions, soit celle de Nokia Siemens », a-t-il expliqué.
« Nous avons aussi discuté avec [d’autres entreprises] qui ont été impliquées dans l’enchère, mais la seule proposition qui est venue de Nortel est celle de Nokia Siemens. Ce n’est pas nous qui choisissons les [requérants], mais Nortel. Nous n’avons jamais été approchés par RIM ni Ericsson… Cela doit provenir de Nortel ».
« Dans le cas de Ericsson, si Nortel nous approche et nous demande si on peut faire quelque chose, nous allons évaluer la transaction. [Notre offre] est ouverte à n’importe quelle entreprise, à condition qu’elle respecte notre mandat, soit de porter bénéfice au Canada par des emplois ou par le maintien de centres d’excellence au Canada », a ajouté M. Taylor.
[Mise à jour] Alors que les tribunaux qui supervisent le processus de restructuration de Nortel ont donné leur aval à l’achat de ses actifs en communication sans fil par Ericsson, la prochaine étape consiste en l’approbation de la transaction par Industrie Canada, en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Cette loi stipule que le ministère fédéral doit approuver toute acquisition d’une propriété canadienne par des intérêts étrangers lorsque la transaction est supérieure à 312 M$.
Cette transaction suscite également des remous au sein de l’arène politique, alors que le gouvernement de l’Ontario et les partis politiques fédéraux réclament que le gouvernement fédéral examine attentivement la transaction.
À suivre…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.