Maurice Druon, l’ex-secrétaire perpétuel de l’Académie française, a tenu en début de semaine des propos controversés à l’endroit de la qualité de la langue française au Québec. La constatation des efforts de francisation réalisés au cours des dernières années, notamment dans le secteur des TIC, aurait pu lui donner une perception différente de la réalité…
M. Druon, dans un article paru dans le magazine Le Figaro et au cours d’un débat tenu à Radio France Internationale, a exprimé sa faible appréciation de la langue française utilisée au Québec, en fustigeant la féminisation des appellations d’emploi, la comparant même à la langue parlée dans la région du Poitou au 17e siècle. Ce n’est pas au Québec que j’irai prendre des leçons de langue française! s’est exclamé le doyen de l’institution, en faisant remarquer que c’est ladite institution qui est chargée de donner des règles à la langue.
De cette controverse, on déplore la généralisation des propos tenus par M. Druon à l’endroit du français utilisé au Québec, puisque la situation du français, notamment dans le domaine des technologies de l’information, n’a plus grand-chose à envier de l’ancienne mère patrie (qui, en passant, n’avait qu’à envoyer des renforts au 18e siècle lorsque la situation s’est corsée… Mais revenons à nos moutons).
À plusieurs égards, le niveau de qualité et de respect de la langue française associée aux technologies de l’information figure sûrement en tête de liste parmi les pays de la Francophonie, et il suffirait à M. Druon de quelques cliquetis de souris d’ordinateur (s’il en a un) pour constater à quel point nul n’est toujours prophète en son propre pays.
L’Office québécois de la langue française, avec ses ressources compétentes et dévouées, adapte depuis longtemps la terminologie fortement issue des États-Unis pour établir des termes appropriés dans la langue de Molière. Le Grand dictionnaire terminologique, publié en version papier et accessible gratuitement via l’Internet, regorge de centaines de mots et d’expressions qui sont plus qu’adéquats à utiliser non seulement dans un contexte professionnel, mais également dans la langue de tous les jours. Un bon exemple est celui du mot courriel, qui a éventuellement été adopté par la Commission générale de terminologie et de néologie de la France en 2003, alors que email ou mél sont couramment utilisés chez nos cousins d’outre-mer. La banque de données Termium, exploitée par le ministère Travaux publics et Services gouvernementaux Canada au gouvernement fédéral, est une autre ressource qui contient des termes francisés d’une qualité qui n’a rien à envier aux autres.
Un autre signe évident de la qualité du français utilisé au Québec dans le contexte des TIC se situe dans les contenus produits par les médias d’ici. À l’aide d’un ordinateur branché à la toile, il aurait été facile de constater les efforts réalisés par les journaux et les magazines (parmi lesquels se trouve, en toute humilité, l’imprimé et le site Internet de la publication que vous consultez en ce moment) ainsi que les émissions de télévision et de radio à l’intention du grand public ou d’un créneau spécialisé. Le Carnet Techno, du confrère Bruno Guglielminetti à la Société Radio-Canada, est un autre exemple de la grande qualité du français employé par les journalistes du domaine. De l’autre côté de l’océan, il y a certes des publications qui apportent autant d’attention à la langue, mais il y en a plusieurs qui ressemblent plutôt à une publication « unibilingue » (mot inventé à l’instant) à tel point les termes anglais foisonnent dans les textes.
Les éditeurs québécois font également de grands efforts pour produire des logiciels qui emploient un français d’une qualité impeccable, et qui réussissent à vendre beaucoup plus qu’une seule copie à l’ouest de Gatineau et à l’est de Cap-aux-Meules. Avec l’avènement des interfaces programmées distinctement des fonctionnalités principales, l’offre d’interfaces multilingues est grandement facilitée non seulement pour les éditeurs d’ici, mais également pour ceux d’ailleurs qui auparavant justifiaient le caractère unilingue de leurs programmes par des difficultés techniques. Certes, il y a des entreprises québécoises francophones qui produisent des logiciels et des sites Web seulement en anglais, mais ils constituent l’exception plutôt que la règle.
Avec un peu de recul, les propos de M. Druon font un peu sourire, car ils ne reflètent pas la réalité. S’il avait passé un peu de temps ici à écouter et à lire nos contenus et nos propos, ou si du moins il avait utilisé l’Internet pour confirmer ou infirmer ses perceptions, il aurait tenu un autre discours à propos de la qualité de la langue de chez nous. L’exemple du français employé dans le domaine des TIC au Québec prouve que des perceptions et des présomptions peuvent parfois être erronées.
Ainsi, les propos de M. Druon ne méritent pas de passer à l’histoire, mais plutôt à la corbeille sur le bureau de votre ordinateur…