Pour mousser les achats des Fêtes, les commerçants ont établi le Black Friday à l’intention du grand public. De quoi aurait l’air le même concept mercantile pour les organisations?
Chaque année, le lendemain du congé du Thanksgiving (l’Action de grâces de nos voisins du Sud), a lieu le Black Friday, une journée où des rabais considérables sont offerts aux consommateurs du grand public.
À chaque fois, les médias font grand état des files interminables qui se forment, tôt le matin, devant les commerces, de la ruée à travers les portes au moment de l’ouverture des magasins et du capharnaüm qui sévit dans les rangées, alors que des dizaines de personnes jouent du coude (ou des poings) pour mettre la main sur un produit dont le prix de vente est grandement amoindri. En ligne, les internautes ont cliqué frénétiquement sur leurs souris pour obtenir des produits qui auront été livrés par la poste ou par messagerie.
Cet événement fort populaire – peut-être davantage cette année, en raison de la crise économique – fait le bonheur des individus, mais sûrement aussi celui des commerçants qui doivent faire un peu de profit sur le volume des ventes et écouler une portion de leur inventaire.
Et si le concept était mis en pratique par les fournisseurs et les revendeurs de produits et services liés aux TIC, à l’intention des organisations à la recherche de soldes?
Imaginons la scène : au beau milieu de la nuit, des responsables des achats, de directeurs de l’informatique et des vice-présidents aux technologies, chaise pliante et thermos de café à la main, iraient se mettre en rang sur le trottoir en face de l’entrepôt d’un revendeur ou le local d’un fournisseur de produits technologiques. À l’aube, les reporters de Direction informatique et de quelques médias traditionnels les interrogeraient sur leurs listes d’achat, alors qu’une télé Web spécialisée ferait une intervention en direct sur la Grande Toile.
Cinq minutes avant l’ouverture, les acheteurs serreraient les rangs devant les portes, alors que des « associés », à l’intérieur du commerce, leur feraient de grands signes d’encouragement jusqu’à l’heure d’ouverture. Alors, avec empressement et dans une grande bousculade, les gens entreraient dans les commerces et partiraient à courir en direction des rangées où se trouvent les catégories qu’ils désirent obtenir.
Comme les besoins d’une organisation sont beaucoup plus considérables que ceux d’un individu, c’est un véritable travail d’équipe, digne d’une équipe de football, qui serait requis pour mettre la main sur un grand volume de produits. Certains feraient des ouvertures parmi la foule alors que d’autres repousseraient les consommateurs belligérants, en attendant les collègues chargés d’apporter les plates-formes de chargement requises pour empiler des dizaines de postes de travail, d’ordinateurs portatifs et de serveurs lames.
Les esprits s’échaufferaient dans le rayon des unités de stockage, tandis que des opposants se crêperaient le chignon pour des barrettes de mémoire vive. Du côté des logiciels, une escarmouche ferait tomber avec fracas un présentoir de boîtiers contenant dix, cinquante ou cent licences de la dernière version du logiciel indispensable au bon fonctionnement des organisations.
Par ici les services!
Au rayon des services, les consultants et les développeurs seraient littéralement submergés de requêtes par des gestionnaires en manque d’expertise, dont le plus grand désir serait de réserver un bloc de temps « à prix d’ami » dont ils pourraient bénéficier dès que possible.
Soudainement, une voix dans les haut-parleurs annoncerait une extension de garantie ou un niveau de service sur place rehaussé, ce qui ferait accourir des dizaines de gens d’un bout à l’autre de la surface de vente, comme des explorateurs à la conquête du Klondike. Par surprise, au milieu d’une allée, un valeureux commis enlèverait une bâche d’une palette de boîtiers de licences de progiciel de gestion intégré à prix dérisoire, ce qui causerait un émoi sans précédent et une bagarre digne d’un village d’irréductibles Gaulois…
Une fois en possession des éléments technologiques désirés, les acheteurs se dirigeraient vers les caisses, feraient la file pendant de longues minutes, paieraient leurs achats rubis sur l’ongle et sortiraient de l’édifice, en quittant ainsi une incroyable cohue et un vacarme assourdissant.
Dans le stationnement, ils reconnaîtraient le personnel d’entreprises voisines et s’informeraient de leurs trouvailles. « Je vois que tu as fait le plein de moniteurs panoramiques? » « Ma parole, c’est un beau serveur central que tu as acquis aujourd’hui! » « Oh la la! J’en connais un qui va installer un autocommutateur privé à protocole IP demain matin! » « Un logiciel de gestion de la relation client? Quel chanceux! »
Visiblement satisfaits de leurs achats, tous ces gens chargeraient leurs véhicules de leurs acquisitions et partiraient en direction de leurs entreprises. Une fois sur place, les biens seraient rangés dans un local verrouillé. Les responsables des TIC iraient ensuite voir les dirigeants de leurs organisations, pour leur annoncer qu’ils ont mis la main sur les produits tant désirés. Tous deux se réjouiraient de leurs économies et attendraient avec engouement le moment opportun pour faire une annonce-surprise aux employés…
… Malheureusement, le Black Friday n’existe pas pour les produits destinés aux organisations. En fait, le personnel des organisations a la certitude qu’ils paieront plus cher les produits acquis pour l’entreprise pour laquelle ils oeuvrent que les produits acquis pour leur domicile.
Ils peuvent toutefois se consoler : les produits acquis à fort prix sont d’une qualité et d’une robustesse à toute épreuve et dureront très longtemps… N’est-ce pas?
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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