Les entreprises qui souhaitent recourir à un progiciel de gestion intégré doivent s’attendre à effectuer des changements dans leurs processus d’affaires, tout comme à mettre les efforts nécessaires pour en soutirer des bénéfices. Un intégrateur spécialisé fait des constats et fournit des pistes de réussite.
Le progiciel de gestion intégré (PGI) suscite l’intérêt de bien des organisations. Les grandes entreprises qui y ont déjà recours cherchent à optimiser leurs processus ou en implanter des nouveaux, tandis que des organisations de certains secteurs d’industrie qui ne l’ont pas encore adopté en évaluent les avantages potentiels. De leur côté, les éditeurs de solutions lorgnent vers les petites et les moyennes entreprises, qui constituent un marché au fort potentiel.
Éric Fluet est vice-président, unité d’affaires SAP, chez l’intégrateur Groupe Créatech. Il confirme un intérêt des entreprises à remplacer leurs systèmes informatiques de gestion, mais il constate que plusieurs dirigeants disent « ne pas avoir le choix » en raison de l’incapacité de leurs solutions actuelles à soutenir leurs opérations.
« Malheureusement, un grand nombre d’entreprises voient [le progiciel de gestion intégré] encore comme une nécessité, mais de plus en plus le voient comme un outil pour les aider à grandir. L’entreprise en croissance a besoin de plus en plus d’information et de s’assurer que ses opérations sont allégées, et elle a besoin d’une plate-forme qui aide à intégrer l’ensemble des fonctions d’affaires et à éliminer les pertes. »
En parallèle, M. Fluet remarque une accentuation des éditeurs de PGI vers la « verticalisation » des progiciels pour des segments à l’intérieur d’une même industrie, ce qui facilite l’offre de solutions à la portée des PME. « Une solution très verticale répond à un très haut pourcentage des besoins d’une entreprise dans une industrie donnée, parce qu’elle déjà configurée pour cette industrie. Cela réduit les temps d’implantation et les coûts, ce que les éditeurs n’ont pas le choix de faire s’ils veulent aller vers les petites et moyennes entreprises », constate-t-il.
Craintes face au changement
Le recours au progiciel de gestion intégré peut avoir deux types d’impacts au sein d’une organisation. Le PGI nécessitera une adaptation à l’emploi d’un nouvel outil technologique, mais aussi l’adoption de nouveaux procédés de gestion, ce qui peut susciter des craintes de la part des employés, mais aussi des dirigeants de l’entreprise. Mais M. Fluet confirme que la réalisation d’un changement est inévitable et constitue « le » plus gros défi auquel fait face l’entreprise en quête de bénéfices.
« L’entreprise est-elle prête à faire ce changement? Car peu importe le système qu’elle implantera, il y aura un changement, à moins que le système soit développé d’une feuille blanche pour elle pour qu’il fasse les choses comme elle le fait aujourd’hui… En fait, est-ce que l’entreprise voit le changement de ses pratiques d’affaires comme étant positif ou négatif? Si c’est [positif], il y aura des bénéfices », affirme-t-il.
« C’est sûr que ce ne sera pas comme elle fait les choses présentement, et cela créera des craintes chez des dirigeants à savoir si leurs gens sont prêts à ce changement. C’est pour cela que nous mettons beaucoup d’emphase sur la présence d’une composante de gestion du changement, peu importe la taille de l’entreprise. Le succès d’un PGI dépend à 75 % des humains, qui vont apprendre un nouvel outil et avoir une nouvelle façon de faire les choses. C’est normal qu’il y ait une crainte, mais si elle est bien gérée, l’exercice apportera des bénéfices », ajoute-t-il.
Le spécialiste ajoute que les processus d’affaires qui sont imposés lors de l’implantation d’un PGI sont fondés sur près de trente ans d’expérience des éditeurs de solutions au développement de pratique d’affaires avec les leaders des secteurs d’activité.
« Lorsqu’on arrive, par exemple, dans une petite entreprise pharmaceutique, oui on change la façon de faire les choses, mais on apporte une panoplie de pratiques d’affaires qui ont été développées avec les plus grands de l’industrie pharmaceutique. On amène des connaissances développées au cours de plusieurs années », explique-t-il.
« La question est de savoir si l’entreprise est prête à changer la façon de faire les choses. Malheureusement, nous en rencontrons qui ne le sont pas et qui, souvent, choisissent le logiciel qui leur apportera le moins de changement possible, ce qui n’est pas nécessairement la meilleure approche », constate M. Fluet.
Stratégie étapiste
Comme pour nombre de projets de TIC, M. Fluet affirme que l’implantation d’un PGI par étapes apportera de meilleurs bénéfices à une organisation. « Lorsqu’on veut intégrer un processus, on veut implanter ensemble un certain nombre de modules de coeur pour garder intégré le coeur de l’entreprise, alors qu’une série d’outils seront implantés dans une deuxième ou une troisième phase. Cela permet de mieux gérer le changement, mais aussi de générer des bénéfices qui vont aussi financer les phases subséquentes », suggère-t-il.
« En faisant un big bang, les risques sont élevés et les bénéfices vont peut-être se faire attendre. Mais si on y va de façon plus précise, en multiples phases, la phase I peut servir à financer la phase II. »
Avant tout, le recours à un progiciel de gestion intégré doit être défini par les bonnes personnes qui définiront les bons besoins.
« La définition du projet doit venir du dirigeant, indique M. Fluet. Il doit bien établir la vision et bien définir les raisons et les objectifs pour lesquels l’entreprise a besoin d’un PGI, et il doit les communiquer à son équipe. Il faut ensuite cerner les processus clés pour lesquels on veut appliquer une technologie X. C’est là que les entreprises ont généralement le plus besoin d’aide, car cerner l’envergure du projet permet d’identifier ensuite l’outil ou l’application d’affaires qui sera le plus profitable. »
« Malheureusement, des entreprises font des recherches sur le marché avec des critères plus génériques et moins applicables à leurs affaires, et elles nous font remplir des appels d’offres qui n’en finissent plus. Elles passent un temps fou à comparer des logiciels sur une base qui n’est pas nécessairement appropriée pour elles et qui ne leur apporteront pas les bons bénéfices », déplore-t-il.
« Si un projet est bien défini, le choix sera plus clair lors de la comparaison des solutions. Si la réduction d’inventaire et la planification du transport et de la gestion d’entrepôt sont importantes pour une entreprise, elle doit « éplucher » cet aspect pour faire une bonne comparaison des logiciels. »
De plus, M. Fluet recommande aux entreprises d’opter pour un accompagnateur d’expérience (qui travaille en amont des intégrateurs), mais il souligne l’importance de faire le bon choix. « Un piège qu’on remarque souvent est l’embauche de technologues par des entreprises pour choisir un progiciel, alors qu’il s’agit d’un projet d’affaires. Les meilleurs accompagnateurs sur le marché sont ceux qui comprennent les processus d’affaires à automatiser, qui comprennent l’entreprise et qui préparent le projet en ce sens. »
Des mesures et du suivi
Par ailleurs, les entreprises doivent entamer le projet en établissant une image de la situation actuelle d’un processus, par l’établissement d’indicateurs clés de performance, pour mesurer l’efficacité obtenue après la période d’adaptation à l’utilisation du progiciel de gestion intégré.
« Sinon, l’entreprise aura de la difficulté à se mesurer et à voir les bénéfices, ce qui constitue souvent un problème, remarque M. Fluet. Lorsqu’on demande à des entreprises si elles ont eu des bénéfices avec leur projet de PGI, certaines ne peuvent répondre clairement parce qu’elles n’ont pas défini clairement ce qu’il fallait suivre et parce qu’elles ne l’ont pas mesuré. Comment peut-on dire qu’on a des bénéfices si on ne fait pas de mesure? »
Également, l’entreprise doit s’attendre à devoir effectuer des mises au point après la réalisation d’une phase d’implantation d’un PGI, quitte à diminuer l’envergure du projet initial. Et ce suivi, souligne M. Fluet, nécessite davantage l’implication active des gens d’affaires que celle des responsables des technologies.
« Il faudra faire des rencontres pour retoucher et optimiser le processus, parce que les affaires changent toujours, affirme M. Fluet. Les gens qui participent au projet d’implantation, soit les responsables des processus dans une entreprise, auront la responsabilité de mesurer l’efficacité du projet et de définir des phases d’optimisation si nécessaire. Ce n’est pas l’équipe d’informatique qui fera cet exercice, mais ce sont les gens d’affaires qui se « libéreront » [de leurs fonctions] pour continuer à mesurer et à améliorer de façon constante, et ce, avec le support de l’équipe d’informatique. »
« Il y aura une ou deux personnes de niveau technique pour soutenir la solution après l’entrée en fonction, mais la majorité du support nécessaire viendra des gens d’affaires qui opèrent l’entreprise au jour le jour et qui sont responsables de tenir à jour les processus implantés. C’est normal et dans le cours des choses », ajoute-t-il.