L’Indice du commerce électronique au Québec termine une première année d’évaluation des achats en ligne. À l’aube d’une deuxième vague d’adoption, les instigateurs de l’indice soulignent le retard des PME québécoises à vendre sur la Toile.
La plus récente évaluation mensuelle de l’Indice du commerce électronique au Québec, qui est produit par l’organisme Cefrio, l’agence VDL2 et la maison de sondages SOM, révèle que 15 % des adultes québécois auraient acheté des produits et des services sur Internet pour une valeur totale de 320 millions $ en août 2008, avec une dépense moyenne de 362 $ par individu.
Ces données permettent aux responsables de l’Indice de boucler une première année de mesure des tendances des consommateurs québécois quant aux achats en ligne. Ainsi, 16 % des adultes québécois, soit environ 900 000 adultes, auraient acheté en ligne pour environ 3,5 milliards $ de produits et services de septembre 2007 à août 2008, avec une dépense moyenne de 314 $ par individu.
Les ventes en ligne réalisées en douze mois par les internautes québécois équivaudraient au chiffre d’affaires annuel du détaillant Wal-Mart au Québec, au double des ventes de détail des logiciels et des ordinateurs, à 3,8 % du commerce de détail et à 5,9 % de ce commerce à l’exception de l’alcool, de l’essence et des automobiles qui ne sont pas vendus en ligne.
En comparaison, les données compilées au début de l’indice faisaient état d’achats estimés à 220 millions $ et d’une dépense moyenne de 244 $ par individu en septembre 2007.
Les dépenses mensuelles sur Internet auraient augmenté de 16 % de mai à août 2008 et de 30 % de juin à août dernier.
« Lorsqu’on considère les achats réalisés sur le Net, on observe que la proportion de cyberacheteurs a augmenté de 5,6 % de l’ensemble des adultes québécois en 2001 et 6,7 % en 2002 à 16 % en 2007-2008 », indique Najoua Kooli, directrice de projet au Cefrio. Elle précise que les données comparatives proviennent de moyennes trimestrielles établies lors d’études NETendances antérieures.
« Depuis 2005 [où 15,6 % des adultes achetaient en ligne], on voit qu’il y a une augmentation faible, mais stable de gens qui achètent en ligne au Québec », constate-t-elle.
Amenuisement et prédominance
Le profil du consommateur type sur Internet est encore comparable au profil de l’internaute type : il s’agit d’un individu jeune, fortuné et provenant d’un ménage nombreux. Toutefois, l’écart entre les femmes et les hommes s’amenuise.
« On peut être porté à croire que les 18-24 ans achètent davantage que les 25-34 ans ou les 35-44 ans, mais ce n’est pas le cas puisqu’ils présentent des pourcentages semblables », constate également Mme Kooli.
Elle ajoute que les proportions de consommateurs en ligne étaient plus élevées à Montréal (18 %) et à Québec (17 %) que dans les régions (13 %), mais souligne que la valeur moyenne des achats mensuels dans les régions, à 336 $, était plus grande que dans les deux centres urbains.
Les produits les plus populaires, de septembre 2007 à août 2008, étaient les livres, les revues et les journaux en ligne, ex aequo avec les vêtements, les bijoux et les accessoires (14,4 %). Les appareils électroniques (11,4 %), le matériel informatique (9,8 %) et les billets de spectacles (9,7 %) complètent le « top 5 ».
Les présentateurs de l’Indice ont confirmé la prédominance d’achats dans certaines catégories par les hommes (appareils électroniques, matériel informatique, produits automobiles) et par les femmes (vêtements, bijoux et accessoires, livres, revues et journaux en ligne), tout comme la présence de pics d’achats en fonction des saisons.
Enfin, plus du tiers (36 %, représentant 1,2 milliard $) des achats en ligne des internautes québécois auraient été réalisés hors du Québec au cours de l’année analysée, avec un pic mensuel en mai 2008 de 58 % ou 146 millions $.
L’Indice du commerce électronique au Québec est réalisé à l’aide d’entretiens téléphoniques mensuels auprès de 1 000 adultes francophones ou anglophones
Décalage
Selon Philippe Le Roux, le président de la firme VDL2, l’Indice du commerce électronique au Québec confirme que cette forme commerciale qui n’est pas majoritaire, mais constitue une composante de la structure de la vente au détail au Québec. Les gens qui achètent déjà sur Internet y font davantage d’achats, mais il y a un certain plafonnement au chapitre de l’adoption.
« Il y a une catégorie de la population qui est [hâtive] à adopter cette pratique d’acheter sur Internet et qui l’adopte de façon de plus en plus courante. On risque probablement de voir dans les prochains mois une barrière sauter, c’est-à-dire qu’une deuxième catégorie de la population va y embarquer », estime M. Le Roux.
À propos des achats réalisés à l’étranger par les Québécois, en vertu desquels 100 millions $ par mois échappent aux chiffres d’affaires des commerçants du Québec, l’expert estime que les entreprises québécoises peuvent saisir une opportunité en ligne dans un contexte de ralentissement économique.
« Il y a environ 16 % des internautes québécois qui achètent sur Internet, alors qu’il y a seulement 7 % à 9 % des entreprises québécoises qui vendent sur Internet. Il y a un gros décalage entre la demande et l’offre. Ça peut être vu comme une faiblesse ou comme une opportunité, alors que les entreprises peuvent concentrer leurs efforts sur un positionnement sur le commerce électronique afin de récupérer une partie du montant qui leur échappe. Ce montant va croître de mois en mois, d’année en année… »
En soulignant que les principales motivations des internautes américains à acheter sur Internet sont l’obtention de meilleurs prix et l’opportunité de les comparer, M. Le Roux estime que les entreprises québécoises qui ne publient pas leurs prix sur Internet se désavantagent grandement.
« Un certain nombre de marchands ne publient pas leurs prix parce qu’ils ne veulent pas se retrouver en mauvaise posture. Le problème est que celui qui n’affiche pas ses prix est considéré par les internautes comme n’ayant pas d’offre. C’est plus nocif que de publier ses prix et de justifier, par le service et la qualité, pourquoi ils sont plus élevés », indique-t-il.
Changements de mentalité
À propos des raisons qui expliquent la carence du commerce transactionnel en ligne au Québec, M. Le Roux estime que les PME sont aux prises avec un conflit de générations, alors que la haute direction, plus âgée, est moins familière et est moins favorable au commerce électronique que les plus jeunes. L’éclosion de la « bulle techno » au tournant du siècle en aurait aussi porté plusieurs à affirmer que les promesses commerciales du commerce en ligne ne s’étaient pas réalisées, ce que nie M. Le Roux en précisant qu’elles sont survenues à plus long terme que prévu.
Surtout, il estime que la perception des entreprises doit changer afin que les initiatives soient fructueuses. « Le commerce électronique est perçu comme étant un projet informatique et technologique, alors qu’il s’agit d’un enjeu de commerce. Celles qui se lancent [avec une telle mentalité] sont conduites à des échecs ou des demi-échecs. Alors que les consommateurs se préoccupent du prix et de l’expérience d’achat, les entreprises se posent des questions technologiques », croit M. Le Roux.
« Il faut confier le commerce électronique aux gens qui s’occupent du commerce, pas à ceux qui s’occupent de l’électronique. Avec le Web 2.0, il y a beaucoup d’outils qui permettent de faire du commerce sans avoir à investir dans la technologique. Les technologies jouent un rôle majeur, mais il s’agit d’un défi de commerce », affirme-t-il.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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