Un comité parlementaire exhorte Ottawa à suspendre l’utilisation de la reconnaissance faciale

L’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale par les entreprises et les agences gouvernementales devrait être strictement contrôlée, selon une commission parlementaire.

Dans un rapport présenté cette semaine au Parlement, le comité de l’éthique et de la vie privée de la Chambre des communes a formulé 19 recommandations, dont une pour la création d’un cadre juridique pour la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle.

Jusqu’à sa création, le gouvernement devrait imposer « une pause nationale » à l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale, a déclaré le comité, en particulier pour les services de police fédéraux.

Allant encore plus loin, le comité a également recommandé au gouvernement d’interdire aux entreprises de collecter automatiquement des informations biométriques – telles que des photos de personnes dans un bâtiment ou un centre commercial – à moins que les personnes ne choisissent de participer, et il devrait interdire aux entreprises de subordonner la fourniture de biens ou de services à la fourniture informations biométriques.

Le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, a salué le rapport. Dans un communiqué, il a déclaré que cela « confirme et réitère la nécessité urgente d’assurer une réglementation appropriée des technologies ayant une incidence sur la vie privée, telles que la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle, d’une manière qui protège et promeut le droit fondamental des Canadiens à la vie privée ».

En mai, les commissaires canadiens à la protection de la vie privée ont déclaré que le Parlement devrait limiter l’utilisation par la police canadienne de la technologie de reconnaissance faciale à des circonstances étroitement définies telles que les enquêtes sur des crimes graves.

Parmi les principales recommandations du comité, Ottawa devrait :

– Imposer un moratoire fédéral sur l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale par les agences et entreprises policières fédérales, à moins qu’il ne soit mis en œuvre en consultation confirmée avec le Commissariat à la protection de la vie privée ou par autorisation judiciaire.

– Développer activement un cadre réglementaire concernant les usages, les interdictions, la surveillance et la confidentialité de la technologie de reconnaissance faciale. Cette surveillance devrait inclure des mesures d’engagement proactives, une autorisation au niveau du programme ou une notification préalable avant utilisation, et des pouvoirs d’audit et de prise de commandes. Le cadre devrait également « énoncer des sanctions claires en cas de violation par la police ».

Le Québec est la seule juridiction à adopter une loi qui traite spécifiquement de la biométrie, qui inclut les technologies de reconnaissance faciale. Elle oblige les organisations à aviser la Commission d’accès à l’information provinciale avant d’implanter une base de données biométriques.

– Veiller à ce que les aéroports et les industries divulguent publiquement l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale, notamment par des affiches bien en vue dans la zone d’observation et sur le site Web voyage.gc.ca.

– Soumettre pour revue l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale dans les opérations militaires ou de renseignement, ou lorsque d’autres utilisations de la technologie de reconnaissance faciale par l’État ont des implications sur la sécurité nationale, au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

– Modifier les politiques fédérales d’approvisionnement pour obliger les institutions gouvernementales qui acquièrent une technologie de reconnaissance faciale ou d’autres outils algorithmiques – y compris des essais gratuits – à rendre cette acquisition publique, sous réserve de préoccupations de sécurité nationale.

Cela survient après qu’au moins un service de police canadien ait admis qu’il testait l’application de reconnaissance faciale Clearview AI à l’insu de ses supérieurs.

– Créer un registre public d’IA dans lequel tous les outils algorithmiques utilisés par toute entité opérant au Canada sont répertoriés, sous réserve des préoccupations de sécurité nationale.

– Assurer la divulgation complète et transparente des préjugés raciaux, d’âge ou autres préjugés inconscients qui peuvent exister dans la technologie de reconnaissance faciale utilisée par le gouvernement, dès que le préjugé est découvert dans le contexte de scénarios de test ou d’applications en direct de la technologie, sous réserve de les préoccupations de sécurité nationale.

– Mettre à jour la Loi canadienne sur les droits de la personne pour s’assurer qu’elle s’applique à la discrimination causée par l’utilisation de la technologie de reconnaissance faciale et d’autres technologies d’intelligence artificielle.

– Créer un droit à l’effacement (également appelé droit à l’oubli) en exigeant des fournisseurs de services, des plateformes de médias sociaux et d’autres entités en ligne opérant au Canada qu’ils suppriment tous les renseignements personnels des utilisateurs après une période déterminée suivant la fin de leur utilisation.

Pour plus de détails, l’article original (en anglais) est disponible sur IT World Canada, une publication sœur de Direction informatique.

Adaptation et traduction française par Renaud Larue-Langlois.

Howard Solomon
Howard Solomon
Actuellement rédacteur pigiste, Howard est l'ancien rédacteur en chef de ITWorldCanada.com et de Computing Canada. Journaliste informatique depuis 1997, il a écrit pour plusieurs publications sœurs d'ITWC, notamment ITBusiness.ca et Computer Dealer News. Avant cela, il était journaliste au Calgary Herald et au Brampton Daily Times en Ontario. Il peut être contacté à hsolomon@soloreporter.com.

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