L’impartition des activités de technologie de l’information peut rapporter gros aux entreprises, mais l’adoption de cette stratégie ne produit pas toujours les effets escomptés.
En effet, on fait souvent état du pourcentage élevé d’ententes d’impartition annulées avant d’arriver à échéance ou renégociées peu de temps après leur signature, parce que le client n’a pas réalisé les économies ou les améliorations de services attendues. Cela dit, l’entreprise qui impartit certaines fonctions TI ne court pas seulement le danger que cette approche rate. L’impartition peut comporter des risques, même lorsque l’entente entre les parties est satisfaisante.
Toute organisation possède des ressources diverses : des ressources « physiques » comme des usines, des stocks, des technologies ou des brevets; des ressources « humaines » comme les connaissances de ses employés ou leurs contacts; et des ressources « organisationnelles » comme sa culture d’entreprise, ses pratiques de gestion ou ses systèmes d’information.
Les organisations se distinguent les unes des autres par leur habileté plus ou moins grande à se doter de ressources de qualité élevée et à les assembler d’une manière qui rend possible la création de fortes capacités organisationnelles. Par exemple, certaines entreprises disposent de capacités informatiques supérieures à la moyenne parce qu’elles ont su se doter d’une architecture TI plus flexible que celle de leurs concurrents. D’autres ont une longueur d’avance parce qu’elles ont réussi à recruter des informaticiens plus compétents que ceux employés par la concurrence.
Selon cette optique, l’impartition TI peut représenter une solution gagnante pour l’organisation qui, faisant appel à une firme externe, réussit à mettre la main sur des ressources qui lui manquaient (par exemple, une main-d’œuvre experte, des gestionnaires de projet chevronnés ou des méthodes de travail robustes).
Malheureusement, d’autres entreprises commettent l’erreur d’impartir des ressources TI dont l’exploitation et la combinaison constituaient pour elles un avantage concurrentiel. Pis encore, d’autres entreprises, en externalisant certaines de leurs ressources TI, se défont en fait de cartes que leurs rivaux pourront carrément utiliser contre elles!
Évaluer le risque
Avant de confier le contrôle d’une ressource à un impartiteur, tout dirigeant devrait notamment se demander :
• si celle-ci a de la valeur, c’est-à-dire si la perte éventuelle de contrôle sur cette ressource pourrait avoir un effet sur la croissance et la prospérité de l’organisation;
• si cette ressource est rare; si c’est le cas, il vaudrait sans doute mieux ne pas la confier à un impartiteur, puisque ce dernier pourrait éventuellement donner à ses autres clients l’occasion d’en profiter – des clients parmi lesquels pourrait bien se trouver un concurrent de l’organisation;
• si l’acquisition de cette ressource par un concurrent pourrait l’aider à imiter l’organisation plus rapidement que prévu; par exemple, l’entreprise qui se débarrasse de ses employés en TI en les confiant à son fournisseur de services pourrait éventuellement voir ces travailleurs tomber aux mains d’un adversaire qui, autrement, aurait dû se contenter d’attendre que son propre personnel devienne plus expérimenté.
En résumé, l’organisation qui impartit des ressources TI de cette nature court non seulement le risque de perdre certaines des capacités qui lui permettaient de se démarquer. Elle risque aussi que ces ressources TI – et les capacités qui y sont associées – soient disséminées jusque chez ses concurrents.
Cependant, il est possible de réduire ces risques de différentes manières.
Il est possible pour les organisations qui font affaire avec un impartiteur de protéger leurs secrets les plus importants. Les dirigeants arriveront parfois à ce résultat par la voie juridique, mais ils pourront souvent l’obtenir en limitant l’accès qu’a l’impartiteur à certaines ressources, qu’il s’agisse de données ou d’employés clés.
De plus, les dirigeants gagneront parfois à continuer d’exploiter à l’interne certaines ressources devant absolument être combinées avec les ressources imparties pour permettre l’acquisition d’un avantage concurrentiel. En externalisant seulement une partie de la recette de son succès, une organisation diminuera grandement le risque d’être copiée par ses concurrents.
Évidemment, le recours à ces deux stratégies de mitigation des risques peut être coûteux. Dans certains cas, il peut aussi empêcher l’organisation qui impartit certaines de ses ressources de réaliser grâce à cette approche tous les gains qu’elle aurait pu générer. En définitive, il faut se poser la question : le jeu en vaut-il la chandelle? À vous de voir!
Pour obtenir plus de détails sur cette recherche
Consultez Bahli, Bouchaib et Suzanne Rivard (2007), « Information Technology Outsourcing Risk: A Resource-Based Perspective », Advances in Management Information Systems, volume 8, p. 119-134, à cette adresse.
La diffusion de ces résultats de recherche est rendue possible par une subvention octroyée par le Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC) à Benoit Aubert (HEC Montréal), Bouchaib Bahli (Université Concordia), François Bergeron (Télé-Université), Anne-Marie Croteau (Université Concordia) et Suzanne Rivard (HEC Montréal) dans le cadre d’un programme de recherche sur la Gestion stratégique des technologies de l’information.
Bouchaib Bahli est professeur associé au département des sciences de la décision et de gestion des systèmes d’information à l’École de gestion John Molson de l’Université Concordia. Suzanne Rivard est professeure titulaire à HEC Montréal, où elle préside notamment la Chaire de gestion stratégique des technologies de l’information (TI).
Ce texte est le quatrième d’une série d’articles vulgarisés que le groupe publiera d’ici la fin de ce projet, en 2010. Chaque article visera à présenter aux dirigeants francophones des connaissances de pointe dont l’application, sur le terrain, favorisera le succès de leurs initiatives en TI.
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