Le ministre de l’Industrie dépose un décret pour obliger le CRTC à se fier davantage au libre marché en matière de réglementation.
Le ministre de l’Industrie du gouvernement fédéral conservateur, Maxime Bernier, a déposé devant le Parlement canadien un décret dans le cadre d’un processus visant à imposer au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) des instructions politiques officielles en matière d’application de la réglementation sur le marché des télécommunications.
Alors que le ministre Bernier prononçait un discours lors du Sommet des télécommunications à Toronto, Colin Carrie, le secrétaire parlementaire du ministre de l’Industrie déposait une proposition de décret qui a été renvoyée au Comité permanent de l’Industrie, des sciences et de la technologie.
Une fiche d’information, publiée en annexe au communiqué annonçant le dépôt du décret, stipule les instructions qui pourraient être imposées au CRTC.
Ces instructions font référence à des principes de libre concurrence et d’application symétrique et de neutralité des mesures réglementaires destinées à faire progresser des objectifs non économiques. Elles ont aussi trait à la neutralité technologique et la concurrence des ententes d’interconnexion et des régimes d’accès, ainsi que la révision du cadre réglementaire qui prescrit l’accès réglementé aux services de gros.
Ces instructions somment également le CRTC « d’utiliser seulement les mesures d’approbation tarifaires les moins envahissantes et les moins onéreuses possible », de maintenir et de publier des normes de rendement des services et de « continuer d’explorer et de mettre en oeuvre de nouveaux moyens de simplifier son processus réglementaire afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité de la réglementation. »
Transfert de responsabilité
« Laissez-moi vous dire quelque chose bien clairement : le gouvernement ne devrait pas décider de l’évolution de ce marché de plus en plus complexe. Cette responsabilité incombe à vous – les producteurs et les consommateurs. De même, nous ne devrions pas déterminer quelles technologies sont supérieures et devraient connaître une croissance plus rapide. Le marché doit plutôt décider », a dit le ministre Bernier dans son discours prononcé au Sommet des télécommunications
« Notre gouvernement veut agir sur deux plans. En premier lieu, nous devons nous assurer que toutes les entreprises – peu importe leur taille – ont une chance de réussir. En deuxième lieu, nous voulons nous assurer que les consommateurs sont protégés et qu’ils ont accès aux meilleurs services à un prix abordable. Notre gouvernement s’engage à moderniser le mode de réglementation de l’industrie des télécommunications au Canada. Notre but est de garder le pays parmi les chefs de file les plus dynamiques dans ce secteur », a-t-il ajouté.
Le ministre s’est référé au rapport final du Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications qui indiquait qu’il fallait remplacer la présomption actuelle de la Loi sur les télécommunications selon laquelle tous les services devraient être réglementés par une présomption législative stipulant qu’une réglementation s’appliquerait dans des circonstances particulières destinées à protéger les usagers ou à maintenir la concurrence sur les marchés.
Il a indiqué que la Loi sur les télécommunications adoptée en 1993 comportait des objectifs visant à accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes et à favoriser le libre jeu du marché en matière de fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation lorsque nécessaire », mais que des divergences en matière d’interprétation par le CRTC avait porté le gouvernement à déposer des instructions « qui instruisent le CRTC de se fier, dans la plus grande mesure possible, au libre jeu du marché tout en respectant les dispositions de la Loi (et) de réglementer les services de télécommunications seulement lorsque cela est nécessaire. »
« La preuve est clairement établie partout dans le monde. La liberté économique apporte des avantages aux particuliers, aux collectivités et aux pays. (…) Une concurrence plus forte dans le secteur des télécommunications – appuyée par une politique cohérente axée le plus possible sur les forces du marché en vertu de la Loi – mènera à des prix encore plus bas et à de meilleurs services. Elle stimulera l’innovation et entraînera une plus grande productivité dans la prestation des services. Nous prendrons les mesures nécessaires pour protéger les besoins et les droits des consommateurs au fil des changements qui surviendront dans le contexte réglementaire », a également déclaré le ministre Bernier.
À la suite de la publication prochaine des instructions en matière de politique dans la Gazette du Canada, le public et les acteurs de l’industrie pourront commenter le projet, puis le libellé des instructions sera examiné à la lumière des commentaires et des mémoires reçus et à la suite d’un débat parlementaire. Les instructions seront ensuite sanctionnées par un décret et renvoyées au CRTC pour leur mise en oeuvre.
Peu de réactions
Incidemment, très peu d’entreprises de l’industrie des télécommunications ont réagi publiquement à l’annonce du ministre Bernier.
Dans un communiqué, l’entreprise Rogers a dit appuyer « une bonne partie du rapport sur la politique en matière de télécommunications » et soutenir les efforts du gouvernement visant à façonner la politique canadienne en matière de télécommunications, mais a ajouté « qu’il est très important pour les consommateurs et les entreprises du Canada que le CRTC ne déréglemente pas le marché de la téléphonie pendant que Bell et TELUS continuent d’y exercer une grande influence et de dominer le marché avec des parts de plus de 92 %. »
Bell et Telus n’ont pas émis de communiqué en réaction à l’annonce du ministre Bernier, alors que Cogeco Câble, qui œuvre dans le marché concurrentiel des communications téléphoniques, n’a pas publié de déclarations à cet effet. Le câblodistributeur Vidéotron, qui œuvre lui aussi dans le domaine de la téléphonie, n’a pas été en mesure de commenter l’événement au moment de la publication de l’article.