Les cas où des gens font la file pour être les premiers à obtenir un produit technologique se multiplient. Les lancements prennent la forme de happenings à grande visibilité médiatique. Est-ce que l’intérêt est suscité par celui qui achète ou par celui qui vend?
L’utilisation des technologies de l’information, en une vingtaine d’années, est passée d’un état de particularité, où seuls les plus fortunés ou les mordus en faisaient l’utilisation, à un état de commodité, où n’importe qui, du premier jusqu’au troisième âge, y a recours de façon normale dans la vie de tous les jours. Il suffit de faire le tour d’un magasin d’informatique et d’électronique pour constater à quel point le nombre de produits augmente – tout comme la surface dudit magasin, qui avoisine celle d’une patinoire de hockey.
Les ordinateurs, les consoles de jeu, les baladeurs multimédias, les téléphones mobiles et les centres de cinéma-maison se comptent par centaines d’items, d’accessoires et de logiciels qui s’ajoutent sur les rayons des commerces de détail ou dans les inventaires des boutiques en ligne. Certains produits sont pratiques et suscitent un intérêt modéré, mais d’autres suscitent une frénésie qui porte le consommateur à adopter de drôles de comportements.
Il y a quelques jours, un jeu vidéo d’une marque très populaire a été mis en vente. Certains magasins ont annoncé qu’ils ouvriraient leurs portes à minuit ou à sept heures du matin, afin de permettre aux clients qui le souhaitaient d’être les premiers à en faire l’acquisition. Plusieurs dizaines de personnes ont accepté l’invitation et se sont mises en file en milieu de nuit. À l’ouverture des portes, des représentants des médias étaient présents pour croquer des images, capter du son et recueillir des commentaires afin de produire des reportages qui seraient diffusés dans les bulletins de nouvelles ou les quotidiens.
Il était amusant de voir, d’entendre et de lire les raisons qui ont poussé des consommateurs à se précipiter de la sorte vers les magasins. Certains étaient des amateurs inconditionnels qui ont utilisé et usé « jusqu’à la corde » les versions précédentes du produit. Certains ont comme but d’utiliser avant les autres tout produit qui est populaire ou « tendance ». D’autres veulent acheter le produit maintenant et l’utiliser plus tard… lorsqu’ils auront le temps. Certains n’avaient même pas la console requise pour exécuter le jeu! Peu importe, ces acheteurs auront été les premiers à l’acheter et à y jouer s’ils ont fait l’école buissonnière ou s’ils ont déclaré à leur employeur qu’ils étaient alités par une grave maladie (gare à eux si leurs patrons les ont vus dans un reportage aux nouvelles…).
Ce rituel, qui ressemble à celui du Boxing Day ou du Black Friday, semble se produire de plus en plus souvent. Une console de jeu vidéo, un téléphone évolué ou un système d’exploitation sont susceptibles de faire courir les foules, tout comme un jouet en peluche qui parle ou une poupée fait courir les parents; souvenez-vous de la célèbre poupée Bout’chou de Coleco…
Parfois, l’engouement entraîne une rupture des stocks, ce qui incite des malins à acheter plus d’un exemplaire et de le revendre à très fort prix sur des sites d’enchère. Ceux qui n’auront pas mis la main sur le produit devront attendre un renouvellement des stocks. Mais dans d’autres cas, le produit est encore présent en grande quantité sur les tablettes plus tard le jour du lancement. Quel a donc été l’avantage d’avoir été les premiers à acheter le produit?
Les éditeurs et les commerçants se frottent les mains de voir tout cet engouement. Une campagne publicitaire bien orchestrée, des cadeaux promotionnels « en quantité limitée », quelques employés lève-tôt et quelques agents de sécurité et hop! les gens accourent.
Il est possible d’imaginer des adolescents d’aujourd’hui qui, dans plusieurs décennies, raconteront à leurs petits-enfants qu’il auront été les premiers à se procurer des centaines de produits… Les auront-ils encore en leur possession? L’équilibre entre la quantité de produits possédés et le temps accordé à chacun varie beaucoup. Dire qu’à une époque pas si lointaine, une personne achetait une guitare avec ses économies et en faisait son unique objet de loisir pour le reste de sa vie…
Verrons-nous un jour une telle frénésie dans les entreprises, où des gestionnaires feront la file tôt le matin devant les portes d’un revendeur pour se procurer un serveur, un progiciel de gestion ou un concentrateur? C’est peu probable. Mais il ne faut jamais dire « jamais »…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
À lire aussi cette semaine: Montréal remporte… Morgan Stanley OneBigPlanet est prêt pour le magasinage social L’actualité des TI en bref L’économie des TI en bref Linux Desktop en entreprise : pour bientôt?