Plus que jamais, les organisations cherchent à intégrer à leur effectif TI des personnes sachant tirer avantage des technologies au profit des affaires.
Marquées par les difficultés, voire les échecs, qu’elles ont connues au fil des ans dans la mise en place de progiciels de gestion intégrés, les entreprises se montrent aujourd’hui plus prudentes. Le marché est entré dans une période de transition vers des projets d’implantation plus spécifiques, ou qui s’échelonnent sur plusieurs étapes.
Selon des chiffres dévoilés en mars dernier et provenant d’une étude de la firme américaine Computer Economics, le coût total de possession de 51 % des progiciels de gestion intégrés (PGI, ou ERP en anglais) est supérieur au budget disponible. Pire encore, 20 % des projets de PGI affichent un rendement de l’investissement négatif – c’est-à-dire que du strict point de vue de la rentabilité, il eût été préférable de ne pas les réaliser.
De telles statistiques en disent long sur les risques associés à la mise en œuvre d’un PGI et sur les très grandes difficultés rencontrées par les organisations à cet égard depuis de nombreuses années. Il est devenu impossible aujourd’hui de suivre le modèle traditionnel. « On n’adopte plus une technologie sans se poser de questions comme on le faisait avant l’an 2000 », indique à ce sujet le directeur principal des services-conseils en technologie de PWC, Yves Leclerc. « Les hauts dirigeants n’approuvent plus les projets technologiques qui n’ont pas été soumis à une analyse de rentabilisation poussée », rappelle-t-il.
Fractionnement des projets
« Les échecs d’implantation de systèmes d’entreprise étaient particulièrement liés au risque encouru par le déploiement massif d’un nouveau progiciel », mentionne Jean Magny, président de Genius Solutions, firme travaillant auprès de PME du secteur manufacturier. Selon lui, la mise en œuvre d’un tel système à la grandeur d’une entreprise provoque un bouleversement considérable des processus d’affaires et des ressources humaines. « S’il y a encore des dirigeants qui choisissent de déployer la version complète d’un PGI, ils le font davantage par phases, attendant d’avoir récolté les avantages d’une première étape avant d’entamer la deuxième. En procédant ainsi secteur par secteur, elles peuvent réduire les risques associés au projet », dit-il.
François Paré, vice-président, ERP au sein de la firme Fortsum (appartenant au groupe GFI Solutions), abonde dans ce sens: « Le contexte économique et celui des affaires ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Les entreprises font des acquisitions et doivent composer avec de nouveaux concurrents et toutes sortes de nouvelles situations. Aussi, les prémices d’un projet prévu pour trois ou cinq ans vont nécessairement changer en cours de route. » En ce sens, un projet à long terme, déployé dans l’ensemble de l’entreprise, a toutes les chances de battre de l’aile s’il n’est pas révisé périodiquement.
« Les entreprises ont à choisir entre l’installation de progiciels complets ou de différents systèmes représentant les solutions les plus performantes dans un créneau particulier », indique Christian Vaillancourt, associé principal et chef de la direction de DCV & Associés, qui commercialise un système de gestion du cycle d’investissement. Il explique que l’on peut sans crainte choisir la deuxième option sachant que les défis d’intégration sont moins grands qu’il y a dix ou quinze ans et qu’il est possible aujourd’hui de relier entre eux plusieurs logiciels.
De son côté, Jean Magny constate que les organisations sont beaucoup moins nombreuses à vouloir installer une version de PGI complète. « On réalise que c’est devenu utopique, même lorsqu’on choisit les progiciels les plus chers », dit-il. « Les fournisseurs eux-mêmes se rendent compte qu’on ne peut avoir une solution de bout en bout couvrant tous les besoins d’affaires », renchérit Yves Leclerc.
Personnaliser ou adapter?
Pour Christian Vaillancourt, la clé d’une mise en œuvre réussie réside dans l’automatisation des processus d’affaires. Or, au sein de nombreuses organisations, les processus ne sont pas clairement définis, observe-t-il. « Un PGI est une machine qui doit modéliser les processus. La machine fait ce qu’on lui indique de faire. Dans un système dont on dit qu’il est bâti selon les meilleures pratiques, les processus de gestion sont déjà définis. On doit s’y adapter. Sinon, on aura à personnaliser le progiciel, ce qui peut s’avérer très onéreux lorsqu’il y aura des mises à niveau à installer », explique-t-il.
« Plus la personnalisation nous éloigne de la version standard du système, plus les risques sont élevés », précise Yves Leclerc, racontant qu’après avoir investi beaucoup d’argent à modifier leur progiciel, certaines organisations ont constaté qu’elles ne pouvaient pas appliquer les mises à niveau sans dépenser des sommes supplémentaires importantes.
De ce point de vue, il y a un équilibre à respecter. Les histoires d’horreur qui ont jalonné les implantations de PGI au fil du temps résultent vraisemblablement d’une préparation déficiente aux inévitables changements précédant l’adoption d’un nouveau progiciel. On est plus conscient aujourd’hui des efforts qu’exige un tel projet en matière de transformation de l’organisation. Aussi, les dirigeants d’entreprises ont abandonné la mentalité qui consistait autrefois à considérer que le système devait s’adapter au client, et non le contraire.
Selon Danielle Levasseur, chef des services de l’information par intérim à l’Université McGill, il faut trouver le juste milieu entre une personnalisation trop poussée du progiciel, qui aura pour effet de lier les mains de l’entreprise lorsqu’elle voudra procéder à des mises à jour, et les compromis nécessaires pour adapter ses façons de faire. « On ne pourra atteindre cet équilibre que si l’on a mis une place une architecture souple et bien définie », indique pour sa part Yves Leclerc.
À la croisée des chemins
Pour Danielle Levasseur, une phase de transition a débuté dans le marché des PGI, et les développeurs de grands progiciels travaillent à adapter leur offre à la nouvelle réalité. « Déjà, ils proposent des solutions-créneaux, commercialisées par des partenaires, à l’intention des clients qui ne souhaitent pas utiliser certains modules standards de leur progiciel », fait observer Christian Vaillancourt.
Les problèmes majeurs traditionnellement rencontrés dans les projets de PGI ont forcé les spécialistes TI et leurs clients à envisager une nouvelle approche. Les exemples de réussite étant rares dans les cas d’implantation de progiciels à fonctionnalités complètes, les organisations prennent les mesures pour accroître le taux de succès.
Ayant appris des erreurs du passé, elles ont beaucoup amélioré leur préparation aux projets de mise en œuvre. Si, comme le dit Yves Leclerc, il leur reste encore à peaufiner le suivi qu’elles doivent faire au fil des projets, elles commencent à réaliser que la valeur d’un progiciel ne découle pas seulement de la technologie, mais des processus d’affaires également.
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