Vedette montante du marché des systèmes d’entreprise, le logiciel service (Software as a service, ou SaaS) suscite un intérêt marqué à défaut d’une adoption à grande échelle. Les bienfaits qu’on lui prête – coût total de possession réduit, délai plus court de réalisation des avantages, peu ou pas de dépenses en équipement et mise à niveau plus facile des systèmes – commencent à être plus largement reconnus.
Cette situation est conforme à ce que l’on constate dans le reste de l’industrie, la croissance du logiciel service en général devant se maintenir à un taux annuel composé de 26 % d’ici 2014, selon le cabinet d’études américain IDC. Il s’agit là d’une croissance six fois supérieure à ce qui est prévu pour le secteur du logiciel dans son ensemble.
Environ 10 % des clients se montrent réceptifs à ce modèle, selon le vice-président, ERP de Fortsum (GFI Solutions), François Paré. Cela peut paraître peu, surtout que les clients intéressés n’achètent pas nécessairement ces solutions. « Par contre, on ne voyait un intérêt que chez 1 % des clients il y a quelques années à peine », ajoute-t-il.
Hésitation des entreprises
Malgré ses avantages, le logiciel service est loin d’être arrivé à maturité, indique Yves Leclerc, directeur principal, services-conseils en technologie, PWC. Selon lui, beaucoup d’éducation et de sensibilisation doivent être faites auprès des entreprises, qui entretiennent des préjugés vis-à-vis du modèle. « Pourtant, les problèmes de sécurité et d’intégration qui sont souvent évoqués relativement au logiciel service sont gérables », estime-t-il.
La situation est un peu la même dans les PME, où moins de 5 % de la clientèle s’intéresse à ce concept, d’après Jean Magny, président de Genius Solutions. On peut considérer cela comme un début prometteur compte tenu du fait que, traditionnellement, la PME utilise moins assidûment les logiciels d’entreprise. Comme l’indique le président de Genius, il n’y avait pas de progiciels de gestion intégrés dans les organisations de moins de cent employés il y a tout juste dix ans.
Le scepticisme des organisations découle en grande partie du désir de conserver ses données dans ses propres locaux à des fins de contrôle et de sécurité.
« Les entreprises québécoises ne font pas partie des utilisateurs précoces », observe à ce sujet Christian Vaillancourt, associé principal et chef de la direction de DCV & Associés. Même son de cloche chez Jean Magny, selon qui les PME québécoises préfèrent souvent des fournisseurs internationaux afin de s’assurer de traiter avec des entreprises bien établies.
Du reste, le logiciel service demeure un phénomène américain dans sa globalité, 73 % du marché étant concentré aux États-Unis selon des statistiques fournies par IDC.
« Le défi n’est pas le fournisseur, mais l’implantation et la façon de vivre le changement dans l’organisation », dit Christian Vaillancourt. Aux dirigeants qui affirment ne pas être prêts, il répond que « le plus grand frein à l’innovation est la perfection. » De son côté, Jean Magny reconnaît toutefois que des motifs fondés peuvent empêcher une organisation d’avoir recours au logiciel service. Par exemple, une entreprise manufacturière utilisant des logiciels de conception assistée par ordinateur, très performants, mais aussi très lourds, a besoin d’une infrastructure imposante qui la force à avoir de grands serveurs dans ses propres locaux, explique-t-il.
L’écart entre les fonctionnalités offertes par ce modèle et les solutions traditionnelles est un autre frein possible à une adoption plus large du logiciel service dans le marché des systèmes d’entreprise.
Toutefois, la situation change rapidement, d’après ce que rapporte le spécialiste du domaine Frank Scavo dans la publication en ligne The Enterprise System Spectator. Selon lui, de nombreux fournisseurs proposent maintenant des produits pouvant pratiquement être considérés comme des « progiciels complets » en matière de fonctionnalités.
Nouvelle courbe de l’évolution des TI
Pour François Paré, nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle dans laquelle les utilisateurs accèdent à partir de terminaux divers – téléphones mobiles, ordinateurs portables, etc. – à des données d’entreprises hébergées en un endroit que l’on ne connaît pas, situé n’importe où sur la planète. C’est dans cet esprit que l’on a créé le modèle du logiciel service, où l’on centralise de vastes environnements que les organisations n’ont plus le moyen de se payer et auxquels elles accèdent à l’aide d’un simple navigateur Web. « Ironiquement, on retourne à l’époque des ordinateurs centraux et des terminaux passifs », souligne-t-il. Aussi, les grands fournisseurs de PGI sont à mettre en place les parcs de serveurs qui permettront d’héberger les volumes de données colossaux provenant des applications de leurs clients. Leur défi, dit François Paré, est de « démocratiser » le modèle de façon à le rendre abordable pour la PME. Selon Yves Leclerc, même des organisations conservatrices comme les compagnies d’assurance ont adopté le logiciel service récemment, « démontrant que n’importe qui peut le faire ».
Reste à voir dans quelle mesure se réalisera la croissance explosive que l’on prédit à ce modèle et à quel moment les entreprises d’ici se joindront plus largement au mouvement.
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François Paré GFI Solutions |
Yves Leclerc PWC |
Jean Magny Genius Solutions |