Bien que l’utilité des réseaux sociaux ne soulève plus beaucoup de doutes, les entreprises doivent encore apprendre à en tirer le plein potentiel.
L’avènement des réseaux sociaux dans le monde du travail est annoncé depuis quelque temps déjà. L’année dernière encore, on répétait que 2007 allait marquer le début d’une ère nouvelle en ce sens.
L’immense popularité des communautés en ligne dans la population en général – à lui seul, le site Facebook compterait 8 millions d’adeptes au Canada et 600 000 au Québec – a laissé croire aux analystes de ce début de siècle que les entreprises y trouveraient leur compte tôt ou tard. La prophétie avait du vrai, car on peut dire aujourd’hui que le phénomène jouit d’un certain élan dans le secteur des affaires. En tout cas, son impulsion est telle que l’on en parle maintenant dans les médias grands publics, comme le National Post et le Wall Street Journal.
Au-delà de la simple recherche sur le Web, les réseaux sociaux permettent aux travailleurs de rester en contact avec des collègues ou des spécialistes de l’industrie afin de trouver de nouvelles pistes de vente, des informations sur un sujet pointu ou des occasions de faire progresser leur carrière, par exemple. Ou encore de partager les meilleures pratiques de leur secteur.
Sans surprise, les plus enthousiastes sont les membres de la génération Y. Dans un sondage mené aux États-Unis par ABI Research entre novembre 2007 et juin 2008, les trois quarts des participants accédant à des sites communautaires avaient entre 18 et 30 ans. Une enquête récente, réalisée cette fois par Intelli Survey, indique que 77 % des salariés ayant entre 20 et 29 ans considèrent les aspects sociaux du travail comme un facteur très important quant à la satisfaction vis-à-vis de leur emploi. Autre statistique intéressante, 81 % des membres de la génération Y travaillant en entreprise se sentent « déconnectés » de l’information, des politiques et des possibilités d’avancement au sein de leur organisation.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles il existe des sites comme linkedin.com et xing.com, destinés à mettre en contact des professionnels et des membres de réseaux d’entreprise. Dans une proportion écrasante de 86 %, les travailleurs de la génération Y préfèrent s’adresser à des personnes de confiance pour recevoir renseignements et recommandations.
Justement, la raison d’être des réseaux sociaux est de permettre aux gens d’aider les gens, selon les recherches de la multinationale des services-conseils Deloitte. Les participants à une étude menée par cette entreprise estiment que l’efficacité d’une communauté en ligne tient principalement à la possibilité pour les membres d’entrer en contact avec des personnes partageant leurs intérêts. Ils attachent aussi de l’importance à l’entraide entre membres et à la capacité de la communauté de focaliser sur des sujets particuliers.
Tout n’est pas rose
Cependant, Deloitte souligne aussi que, si les réseaux sociaux exercent d’ores et déjà un impact positif sur l’efficacité des entreprises, celles-ci n’ont pas encore commencé à en exploiter le plein potentiel.
L’un des freins à cet égard est le risque que les employés soient sollicités par d’autres organisations. À l’échelle personnelle, les avantages sont énormes, rappelle le National Post. Par contre, les gestionnaires doivent être conscients que, si un employé affiche ses contacts, ses opinions et son savoir-faire sur un réseau public, cette information peut être vue à l’extérieur de l’organisation. Les employeurs ont donc intérêt à déterminer quelles informations doivent demeurer confidentielles et à définir des politiques quant à leur utilisation.
D’autre part, une étude menée par Gartner l’année dernière indique que les travailleurs sont réticents à maintenir un profil sur des sites communautaires d’entreprise. Selon la firme de Stamford, au Connecticut, les employés craignent de perdre, le jour où ils quitteront l’organisation, l’information qu’ils ont diffusée sur ces sites et qu’ils jugent leur appartenir. Pour contourner cette difficulté, Gartner suggérait alors aux employeurs d’opter pour l’utilisation des réseaux sociaux populaires (Facebook, reddit, del.icio.us, etc.) à des fins professionnelles.
Écueil plus grand encore pour les entreprises, les communautés en ligne qu’elles mettent sur pied peinent à rassembler une masse critique de membres, rapporte le Wall Street Journal. À ce sujet, Deloitte révèle que 35 % des communautés vouées à la promotion commerciale comptent moins de 100 membres et moins du quart en ont plus de 1 000. En outre, un grand nombre de ces projets se soldent par un échec.
Selon Deloitte, ces résultats s’expliquent par le fait que les entreprises s’attardent trop à la technologie. Plutôt que d’investir dans des logiciels de prévisions et des plateformes de réseaux sociaux, elles devraient affecter leurs ressources à l’identification et à l’atteinte de membres potentiels. Il est nécessaire de faire appel à des spécialistes ayant l’expérience des communautés en ligne. À ce propos, la firme rapporte que 30 % des entreprises qu’elle a sondées ne compte que sur un employé à temps partiel pour s’occuper de leurs communautés.
La mesure du succès de pareils projets pose problème également. Alors que les entreprises créent des réseaux sociaux dans le but d’accroître le bouche à oreille et la loyauté de la clientèle, leur principal critère d’évaluation demeure le nombre de visites sur le site. Il serait plus efficace de s’attarder aux classements de Google et aux liens entrants, suggère Deloitte.
En bout de piste, s’il est vrai que les réseaux sociaux vont révolutionner la façon dont les entreprises communiquent avec leur clientèle, il reste manifestement un bout de chemin à faire avant que cela ne se réalise concrètement.
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