Dragan Nerandzic, gestionnaire en chef des technologies chez Ericsson Canada, discute des impacts du rehaussement de la bande passante chez les utilisateurs et les fournisseurs, tout comme de la diversification des applications que permettront les prochaines améliorations technologiques.
Note de la rédaction : Décidément, les technologies de télécommunication sans fil suscitent beaucoup d’intérêt. On n’a qu’à penser à l’intention de vente d’actifs de Nortel qui a suscité une controverse dont les derniers chapitres n’avaient pas été clos au moment de mettre sous presse. Le portefeuille de technologies de Nortel, notamment celles qui ont trait à la quatrième génération de réseautique mobile LTE (pour Long Term Evolution en anglais), constitue une pierre angulaire des prochaines étapes de la progression des télécommunications mobiles.
Par coïncidence, quelques jours avant l’amorce des enchères de Nortel, le gestionnaire en chef des technologies chez Ericsson Canada, Dragan Nerandzic, a discuté avec Direction informatique de l’avenir de la réseautique pour les télécommunications sans fil. Ses observations sur les défis et le potentiel qu’offrent les télécommunications mobiles pour la téléphonie et la réseautique tombent à point…
Depuis quelques années, le recours aux télécommunications mobiles s’est intensifié au Canada par la croissance importante du créneau des consommateurs, le déploiement de réseaux de troisième génération à bande passante élargie. Non seulement le nombre d’utilisateurs est en augmentation, mais les télécommunications mobiles servent, outre aux communications téléphoniques, à l’accès à Internet et au contenu multimédia, sans oublier les applications commerciales. Or, la demande n’est pas prête de ralentir et l’industrie devra faire évoluer les infrastructures pour répondre à la demande.
Dragan Nerandzic est le gestionnaire en chef des technologies chez le fabricant d’équipement Ericsson Canada. Il identifie son entreprise, présente au Canada depuis 1953, comme le plus grand fournisseur d’équipement d’infrastructure en Amérique du Nord pour la réseautique mobile commerciale qui est fondée sur les protocoles de type HSPA (High Speed Packet Access).
Interrogé à propos des paramètres majeurs sur lesquels les fabricants s’attardent pour l’évolution des systèmes de télécommunications, M. Nerandzic identifie la prestation d’un débit de pointe élevé et l’assurance que la capacité des réseaux permet l’offre de services de façon abordable.
« Nous observons une grande croissance du trafic de données qui sera presque décuplé au cours des cinq prochaines années, indique M. Nerandzic. Pour accommoder cette tendance, nous avons réalisé des avancées technologiques significatives, particulièrement en matière de réseautique sans fil. Avec la technologie HSPA, que nous avons lancée à l’origine avec [le fournisseur américain] Verizon, le débit de pointe pour les liaisons descendantes était de 3.6 Mb/s, ce qui constituait un grand avancement, car il représentait alors une capacité six fois plus élevée que les exigences originales du 3G qui étaient de 384 kb/s. »
« Aujourd’hui, des réseaux de 7,2 Mb/s sont déployés à l’échelle mondiale, même au Canada. Quant aux prochaines étapes, Ericsson a annoncé à la fin de 2008 une évolution qui offrira un débit de pointe de 21 Mb/s, soit environ sept fois plus que le déploiement original de HSPA. En février 2009, nous avons annoncé une évolution de HSPA de 42 Mb/s. »
« Nous portons notre attention sur le débit élevé pour offrir à l’utilisateur de services sans fil une expérience comparable à celle des services filaires, ajoute-t-il.
Dans certains cas, des utilisateurs auront une meilleure expérience sur un réseau sans fil que sur un réseau filaire! De 42 Mb/s en montant, cela permettra aux opérateurs d’offrir une plus grande capacité par site, donc d’offrir des services de données d’une façon plus abordable. »
Impacts croissants
Comme le marché des utilisateurs prend de l’expansion, la demande pour les appareils qui peuvent se connecter aux réseaux mobiles évolués augmente aussi. M. Nerandzic souligne la croissance du nombre de produits sur le marché au cours des derniers mois, ce qui se traduit pour les consommateurs par une variété de choix et des prix réduits. À son avis, l’augmentation du débit de données a plusieurs impacts positifs pour l’évolution du marché des télécommunications mobiles.
« Le débit élevé a un impact sur l’utilisatibilité, qui étend le potentiel de marché, qui augmente le volume d’utilisateurs et qui mène à la réduction des prix. Cela permet aussi d’étendre le nombre d’applications, qui se sont multipliées substantiellement. Plusieurs appareils non connectés peuvent maintenant être connectés en permanence, alors que nous fournissons des puces à des fabricants d’ordinateurs portatifs qui permettent à l’utilisateur de maintenir une connexion au réseau, pourvu qu’il se trouve dans une aire de desserte. »
L’augmentation de la bande passante, certes, se traduit également par l’augmentation de la capacité des réseaux par les fournisseurs. M. Nerandzic souligne que les récentes évolutions technologiques facilitent la mise à niveau des infrastructures à moindre coût.
« Nous remarquons, avec l’augmentation de la consommation de données, que la croissance du trafic de données sur les réseaux sans fil est exponentielle, souligne-t-il. Pour nous préparer aux prochaines évolutions des fournisseurs, qui sont très au courant de la situation, nous effectuons des changements technologiques à l’aide de mises à niveaux sous forme de logiciel. Pour passer de 3,6 Mb/s à 7,2, à 14,4 ou 21 Mb/s, comme il est offert dans certains pays, il suffit de changer un logiciel. Cette habileté technologique offre aux opérateurs une flexibilité de résolution d’enjeux liés à la croissance. »
Il ajoute que les opérateurs s’intéressent dès maintenant aux prochaines étapes d’évolution. « Nous développons de telles étapes avec de grands fournisseurs de services de télécommunications par la technologie LTE [Long Term Evolution] qui fournira des débits de pointe pouvant atteindre 150 Mb/s. Ce développement est fait par anticipation d’une grande expansion du nombre d’utilisateurs et de la demande de trafic sur les réseaux.
« Verizon aux É-U est en train de déployer le nécessaire afin d’implanter cette technologie dans certains marchés avant la fin de 2010. Cette technologie permettant aux exploitants de réseaux de communications de protéger leurs investissements en infrastructure et de fournir des capacités plus élevées de transmission de données. »
Applications multiples
En raison de l’intérêt pour un contenu multimédia de meilleure qualité, tout porte à croire que l’adoption des applications nécessitant une bande passante accrue passera par le marché du grand public. M. Nerandzic estime toutefois que le marché des entreprises aura aussi des bénéfices tangibles à utiliser des technologies mobiles à large bande.
« Des applications connaîtront une forte émergence comme les connexions omniprésentes pour les blocs-notes, pour la continuité des affaires ou des situations de recouvrement en cas de panne pour accéder à Internet. Également, les frais élevés qui sont exigés pour accéder à Internet dans les hôtels justifieront l’utilisation d’un tel réseau sans fil », explique-t-il.
« Les entreprises bénéficieront aussi d’une amélioration de productivité et d’automatisation par l’apport d’une connectivité aux processus de travail à des personnes ou des appareils avec lesquels ils doivent interagir. Cela surviendra surtout dans des secteurs où la main d’oeuvre est diversifiée et géographiquement dispersée, comme les véhicules dans l’industrie du transport ou bien les équipes qui travaillent sur le terrain qui veulent obtenir de l’information fondée sur l’emplacement. En obtenant des informations à distance, on peut économiser de l’argent et être plus compétitif à l’aide des technologies mobiles à large bande ».
À son avis, les connexions sans fil permanentes connaîtront rapidement une émergence. « D’un point de vue global, il y a environ quatre milliards d’abonnés aux services mobiles à travers le monde. Le cycle typique de remplacement des appareils est de deux à trois ans, selon les pays. Bientôt, les appareils à technologie 2G seront remplacés par des appareils 3G et leurs utilisateurs auront une connectivité qu’ils pourront utiliser pour connecter plusieurs appareils par des protocoles comme Bluetooth. Tout comme nous voyons des puces Wi-Fi dans plusieurs appareils aujourd’hui, nous verrons des puces HSPA dans un grand nombre d’appareils. »
Couverture accrue
Un des enjeux importants qui freine l’adoption des services de télécommunications mobiles et le recours à des applications évoluées est que les nouvelles technologies de réseautique sont longtemps confinées aux grands centres urbains. Or, M. Nerandzic souligne que la technologie HSPA utilise des fréquences dans des bandes inférieures aux spectres actuellement utilisés et que plus basse est la bande de fréquence, plus grande est la portée d’un site cellulaire. Il donne l’exemple du recours à une bande de fréquence de 850 MHz en Australie qui a permis d’obtenir une portée de 200 kilomètres à partir de la base de la tour.
« Cette installation a permis de démontrer que quelques sites peuvent couvrir de grands territoires. HSPA ouvre de nouvelles possibilités à une population non desservie, à des marchés non desservis dans les régions rurales où une demande en large bande ne peut être offerte d’autre façon. C’est ce que nous observons dans plusieurs pays où les opérateurs ont recours à une telle approche pour leurs marchés. »
« Si on voit des technologies à Toronto, Montréal et dans certains corridors, on peut s’attendre à ce qu’il y ait une expansion éventuelle au gré de la croissance de la demande », ajoute-t-il.
Avec le spectre d’ondes qui a été libéré par les canaux de télévision analogiques aux États-Unis, pour ensuite être offert en licence aux exploitants mobiles, M. Nerandzic estime que le Canada en fera autant au cours des prochaines années.
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Montréal, ville de climat?
Le centre de R&D de Montréal serait un des centres majeurs d’Ericsson hors de la Suède. M. Nerandzic souligne qu’on y a fait plus de 300 découvertes brevetées, qu’on y emploie 1 700 personnes et qu’Ericsson y a investi plus de 2 G$ au cours des dix dernières années en R&D.
Interrogé à propos du rôle du climat frisquet dans l’essai des produits, M. Nerandzic répond que la raison clé du succès du centre montréalais est le climat de la compétence qu’on y retrouve.
« L’équipe y est très compétente, nous avons accès à des gens talentueux qui proviennent des universités et des organisations locales et bien sûr la province qui soutiennent la R&D. Je crains de vous décevoir en disant que le climat à Montréal n’est pas un facteur dominant. Il y a beaucoup d’endroits plus froids ailleurs dans le monde… », indique-t-il en riant.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.