Avec tous les changements apportés par Microsoft aux feuilles de route de Windows XP, Vista et 7, il est devenu normal d’être très mêlé. Cette semaine, des médias ont même annoncé que XP pourrait être soutenu quasiment jusqu’en 2020*. Voilà pourquoi nous nous efforçons, à l’instant, de donner l’heure juste.
Parfois Microsoft ne l’a pas facile. Prenez plus tôt cette semaine. Il s’avère que le blogue d’un de ses porte-parole, Brandon LeBlanc, a été la source d’une confusion sur Internet.
Après avoir parlé de la beta du Service Pack 1 de Windows 7 qui venait d’être lancée au Microsoft Worldwide Partner Conference (WPC) présentement en cours, le blogueur est passé aux droits de rétrogradation (downgrade rights) de Win 7 vers Win XP qui venaient semble-t-il d’être modifiés. Un embrouillamini relatif au cycle de vie a suivi et a fait la une de plusieurs médias, ce qui a obligé l’auteur à publier des précisions dès le lendemain.
Essentiellement, LeBlanc annonçait que la possibilité de rétrograder venait d’être assurée tout au long du cycle de vie de Win 7, un cycle de dix ans se terminant en octobre 2019. Jusque-là, l’Empire avait soutenu que l’on pouvait rétrograder jusqu’à 18 mois après l’achat d’une licence de Win 7, à moins qu’avant cette date n’arrive le SP1 de ce système d’exploitation, ce qui mettait un terme à la possibilité.
Pour justifier cette décision, le porte-parole de Microsoft évoquait de sérieux rapports démontrant que les entreprises étaient incapables de se tourner sur un dix sous. Il leur fallait du temps. Par exemple, IDG soutenait, le mois dernier, que 64.7% des entreprises avaient commencé leur migration vers Windows 7 ou étaient pour le faire dans les six prochains mois et que 89% des firmes échantillonnées disposaient de plans définitifs pour entreprendre leur migration vers Win 7 dans les 24 prochains mois.
Il faut se rappeler qu’aux dernières nouvelles, XP était encore (et de loin) le système d’exploitation le plus utilisé. En juin dernier, il détenait une part de marché de 62,43 % (selon NetMarketShare), part qui était cependant de 71,79 % en août 2009. On parle ici de quelque un milliard d’utilisateurs. Quant à Windows 7, le SE qui aura cours jusqu’en 2012 (date présumée de sortie de Win 8), il occupait 13,7 % du marché, une progression lente, mais constante, huit mois après son lancement de l’automne dernier. Win 7 est d’ailleurs sur le point de dépasser Vista qui, en juin, régnait encore sur 14,68 % de l’ensemble.
Qu’est-ce qu’un droit de rétrogradation? C’est une pratique remontant bien avant Win XP qui est basée sur le fait que certains logiciels essentiels à une entreprise n’évoluent pas toujours avec les versions de Windows. Microsoft permet ainsi à ses clients qui viennent d’acquérir des PC avec licence OEM (c’-à-d. des PC où Windows est préinstallé par Dell, HP, Acer, Lenovo, etc.), d’appliquer les droits de licence de la version de Windows fournie avec l’appareil à une version plus ancienne. De cette façon, l’entreprise peut continuer légalement à utiliser son application antédiluvienne. Il est important de bien comprendre que la licence est liée à un PC donné, pas à n’importe que PC.
Par exemple, ceux qui vers 2002 ou 2003 achetaient des postes de travail sous Win XP Pro, se faisaient offrir la possibilité de rétrograder ces appareils vers Win 2000 Pro, NT Workstation 4.0 ou Win 98 SE. Plus tard, les proprios légaux de Windows Vista Enterprise eurent le droit de reculer à XP Pro, 2000 Pro, NT 4.0, NT 3.51, Win 98 ou Win 95 (pas un mot au sujet de Win ME…). Quant à Win 7 Pro et Intégrale, il est actuellement permis de passer à des moutures comparables sous Vista ou XP. Il suffit de bien lire l’EULA (le bréviaire de la licence) pour s’en rendre compte.
Mais il y a une limitation importante, comme qui dirait un « catch ». Un PC avec une version OEM de Windows peut être vendu jusqu’à deux ans après le lancement d’une nouvelle version de Windows. Ainsi, il a été possible de vendre des ordis avec XP Pro préinstallé jusqu’en hiver 2008-2009 (Vista étant apparu en janvier 2007) et il sera possible d’en faire autant avec des machines Vista jusqu’à l’automne 2011.
Par ailleurs, si le plan de match de Microsoft fonctionne tel que prévu, Windows 8 sera lancé quelque trois ans après Win 7, soit quelque part à l’automne 2012. Dès lors, il sera possible de vendre des PC avec Win 7 OEM jusqu’à la fin de 2014.
Malgré la présence de Win 8 (et de Win 9 en 2015 ou de Win 10 en 2018?), Win 7 sera soutenu jusqu’en 2019, comme on l’a dit plus haut. Est-ce que cela inclura les SE utilisés en mode rétrogradation? Autrement dit, vient-on de découvrir une façon d’emmerder Microsoft avec Win XP jusqu’en 2019? Non! La politique de Microsoft quant aux cycles de vie (ici et ici) est « relativement » claire. En théorie, les SE de Microsoft bénéficient d’un soutien complet (Mainstream Support Phase) pendant cinq ans, suivi, dans le cas de versions dites « business », de cinq années additionnelles (Extended Support Phase), une couverture un peu moins avantageuse. Le tableau ci-contre a été pris sur le site de Microsoft.
Mais cela ne signifie pas pour autant que XP sera abandonné en décembre 2011, dix ans après son lancement initial. C’est qu’en 2008, Microsoft avait accepté d’en prolonger la couverture de quatre ans en raison, notamment, de la déconfiture de Vista, la plus mal-aimée des versions de Windows. Ce qui explique pourquoi la date de guillotine pour le Extended Support de Win XP, toutes moutures confondues, est désormais celle du 8 avril 2014. À cette date (à moins de revirements majeurs pour l’instant imprévisibles), Win XP, du fond de son cercueil définitivement cloué, aura été rejoindre NT 4.0 et Win 2000 au paradis des SE à l’âge canonique de 14 ans. J’ignore cependant si Microsoft lui plantera un pieu à travers le cœur.
Passé cette date, il sera bien entendu légal d’acheter des licences de Win 7 et de rétrograder vers XP ou vers Vista (hum!), pour peu que l’ordinateur OEM ait été acheté avant la fin de l’automne 2014 (deux ans après l’apparition de Win 8). Ceux qui le feront devront toutefois être conscients que ce SE ne sera plus soutenu et qu’ils n’auront pas le droit de changer de machine. Il n’y aura plus de correctifs de bogues, pas plus qu’il n’y aura de rustines de sécurité, ni de dépannage. Microsoft n’en assumera aucune responsabilité; ce sera aux risques et périls des inconditionnels. En fait, une fois la licence payée, que l’on passe à Win XP ou, tant qu’à y être au MS-DOS 6.0, Microsoft n’en aura probablement rien à cirer!
Quant à savoir, enfin, s’il sera possible de rétrograder de Windows 8 vers Win XP, il faut apparemment oublier ce scénario; la limite de rétrogradation a été uniformisée à deux produits plus anciens. Autrement dit, l’on ne pourra que passer à Win 7 ou à Win Vista.
Dieu du ciel que c’est compliqué!
* Lire cet article publié le 12 juillet 2010 par ComputerWorld.
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.