Le Centre d’exposition de l’Université de Montréal conjugue l’art et la science pour démystifier les impacts de l’intelligence artificielle (IA) sur notre vie. À travers les créations de cinq duos d’artistes et de chercheurs en bioéthique, l’exposition Les nouveaux états d’être s’interroge sur les dimensions affectives et relationnelles de l’utilisation de cette technologie.
Le développement de l’IA dans toutes les sphères de la société et sa présence de plus en plus marquée au quotidien suscitent des prises de position polarisées, notamment d’un point de vue éthique.
Selon la commissaire Aseman Sabet, ce débat s’applique particulièrement au domaine de la santé, dans un contexte où l’IA transforme la façon de diagnostiquer, de traiter et de prévenir les maladies.
Dans cette perspective, Sabet a sélectionné cinq bioéthiciens spécialisés en recherche sur les enjeux associés à l’IA et les a jumelés à cinq figures montantes de l’art contemporain. Invités à dialoguer, les duos ont produit une œuvre issue de leurs réflexions.
Cette démarche vise à stimuler une remise en question publique sur ces réalités à la fois sociales et philosophiques.
Pour l’artiste français Grégory Chatonsky, le questionnement éthique découle surtout de la relation ambiguë entre l’humain et les machines. Suite à des discussions avec la chercheure Laurence Devillers, il a mis en scène ces rapports incertains avec l’installation en deux volets intitulée Passibles.
La première partie de l’œuvre met en avant-plan des formes issues de l’impression 3D qui évoquent des segments du corps humain. Derrière, un écran projette des animations créées par apprentissage profond, ainsi que des images provenant de bases de données policières, comme des empreintes digitales.
Dans le second volet, une vidéo présente des situations anodines du quotidien en milieu urbain. Tandis que des sous-titres décrivent les scènes présentées de façon neutre, la bande sonore relate ces mêmes événements de manière tragique, rappelant une situation de guerre.
L’ambiguïté entre ce qui est dit et ce qui est montré, associée à la présence des membres humains rappelant un organisme fragmenté, créent une sensation d’incertitude. Le visiteur se demande qui, de l’humain ou de la machine, domine l’environnement.
L’illustrateur montréalais Clément de Gaulejac, qui a collaboré avec la chercheure Pascale Lehoux, a sculpté une œuvre lumineuse qui forme l’énoncé AI solves problems but it doesn’t have any (L’intelligence artificielle résout des problèmes mais n’en a aucun).
Sans ponctuation, la phrase se présente aussi bien comme une affirmation qu’une question, et se veut une forme d’invitation à songer aux potentiels problèmes associés à l’IA, au-delà de ses avantages immédiats.
Cette remise en question des relations entre l’humain et l’IA se retrouvent dans les œuvres des autres duos, notamment dans l’installation sonore de l’artiste québécoise Sandra Volny et du bioéthicien américain Robert Truog, qui se concentre sur la notion d’empathie.
L’exposition, présentée jusqu’au 14 décembre, constitue le premier volet du projet interdisciplinaire AIship.
Cette initiative collective vise à favoriser les rencontres citoyennes et les discussions entre toutes les parties prenantes du développement de l’IA en santé, dont les professionnels, les patients, les bioéthiciens, les artistes, les membres de la communauté de l’IA, ainsi que les décideurs publics et privés.