On ne se trompe sans doute pas en disant que l’innovation est le moteur de l’industrie des TI.
Qui dit innovation, dit recherche-développement, car « sans R-D, il n’y a pas d’innovation, et sans innovation, pas d’avantage concurrentiel », rappelle à juste titre Louis Allard, agent de brevets au sein du cabinet Borden Ladner Gervais.
Voilà pourquoi, sans doute, le sondage annuel de l’Industrial Research Institute (IRI) révèle que les gestionnaires de recherche-développement (R-D) sont préoccupés par la croissance de leur entreprise à l’aide de l’innovation et par l’accélération de cette dernière. D’ailleurs, 94 % des répondants indiquent que leurs investissements en R-D augmenteront cette année ou demeureront au niveau de 2011.
À ce chapitre, l’étude 2012 Global R&D Funding Forecast, menée à l’échelle mondiale et publiée en décembre dernier dans le R&D Magazine, prévoit des investissements totaux de 1,4 billion de dollars (billion = mille milliards de dollars)
en R-D sur la planète en 2012, une augmentation de 5,2 % par rapport à l’année dernière. De ce nombre, 238,45 milliards proviendront de l’industrie des TI.
Tâche exigeante, mais essentielle
La R-D est fondamentale, estime Pierre Paul Samson, CTO (ou directeur de la technologie) de la firme montréalaise Sourcevolution : « Au-delà de l’innovation, elle est nécessaire au développement, au test et au déploiement des nouvelles technologies », étapes nécessaires selon lui pour assurer la bonne marche des affaires. Élément clé de la créativité, la R-D est primordiale quant à la validation des concepts. Dans cette optique, Sourcevolution a fortement misé sur la R-D afin de développer sa plateforme mobile Freedomone, solution que l’entreprise a d’ailleurs brevetée.
« Il reste beaucoup à découvrir et à améliorer dans l’industrie des TI, même si ce secteur s’est montré très créatif et novateur au cours des trente ou quarante dernières années, poursuit M. Samson. Ce dynamisme explique peut-être l’adversité rencontrée par les entreprises TI dans l’obtention des crédits d’impôt octroyés au Canada pour la R-D. » Selon lui, il s’agit du secteur le plus difficile à cet égard.
Préférant éviter les écueils, une majorité d’entreprises québécoises des TI choisit de ne pas faire de R-D.
La tâche demande effectivement « une énergie importante et une discipline de plus en plus rigoureuse ». Pour que ses travaux soient pris en considération par le gouvernement en tant qu’avancement technologique, une organisation doit disposer des budgets nécessaires. Elle doit aussi pouvoir compter sur les ressources spécialisées qui lui permettront de faire des recherches efficaces et sur celles qui, en interne ou à l’externe, aideront à préparer un dossier convaincant.
La concurrence pour l’obtention des meilleures ressources est vive et le temps fait défaut. « Souvent, les entreprises vont confier les travaux de recherche aux mêmes personnes qui sont chargées du développement de produits, d’où la difficulté à consacrer tout le temps nécessaire à la R-D »,
ajoute Louis Allard.
Rareté des ressources
Les organisations doivent engager les personnes les plus créatives et, de façon croissante, cela doit se faire à l’échelle mondiale, indique à son tour Bernard Meyerson, Fellow chez IBM et vice-président, Innovation de cette entreprise.
« Ainsi, les organisations peuvent non seulement avoir recours à des façons de faire et à des talents divers, mais prendre pied dans des marchés qu’elles n’auraient peut-être pas connus autrement », commente-t-il.
Dans cette quête de main-d’oeuvre qualifiée, M. Meyerson estime qu’il faut travailler avec les universités pour former la future génération de travailleurs. Selon lui, il est nécessaire également de partager ressources et expertise afin d’innover et de concevoir de nouveaux produits. « L’innovation se mondialise, ce qui stimule l’activité économique, mais pose également des défis. Aussi, les entreprises et les gouvernements doivent-ils comprendre la transformation qui s’opère et adapter leurs stratégies en conséquence », explique le vice-président d’IBM.
« Certains défis sont tout simplement trop grands pour qu’une entreprise ou un pays seul puisse les relever, affirme-t-il. De plus en plus, les organisations s’adaptent à la situation en partageant leurs actifs et leurs idées à l’aide de technologies comme l’informatique en nuage ou des logiciels à code source libre. »
Créativité à l’échelle locale
Ce que l’on a tendance à oublier au Québec et au Canada, c’est que la R-D revêt une grande valeur nonobstant les crédits d’impôt, fait observer Pierre Paul Samson.
Pourtant, il y a chez nous un talent particulier pour l’innovation. « La créativité n’est pas tellement l’affaire des pays émergents; elle se manifeste davantage en Amérique du Nord », soutient-il.
Selon lui, il faut promouvoir la R-D auprès des entreprises, et cela pourrait passer par une refonte du Programme de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) du gouvernement fédéral. Les dirigeants d’entreprise doivent comprendre les avantages de la R-D au-delà des crédits d’impôt.
En bout de piste, la recherche-développement paraît difficilement contournable aujourd’hui pour une organisation ou un pays cherchant à stimuler l’innovation technologique et à se tailler une place sur l’échiquier mondial.