Speedware est redevenue une propriété québécoise par le rachat de ses activités montréalaises par ses dirigeants, par ses employés et par Fondaction. L’entreprise peut ainsi poursuivre l’expansion de ses activités principales, soit la modernisation d’applications.
Il y a quelques jours, l’entreprise Speedware de Montréal, qui est spécialisée dans les solutions de modernisation d’applications informatiques, a annoncé l’obtention d’un mandat de distribution d’un logiciel de conversion néerlandais.
À la suite de cette annonce, Speedware a fait savoir à Direction informatique que ses dirigeants et sa cinquantaine d’employés, de concert avec Fondaction, le Fonds de développement de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), avaient procédé il y a quelques semaines au rachat des activités montréalaise de l’entreprise pour 12,9 M$ auprès d’Activant Solutions.
Activant Solutions, un développeur américain de solutions de gestion commerciale qui sont destinées aux distributeurs et détaillants spécialisés de petite et moyenne envergure, avait procédé à l’achat des actions de Speedware en mars 2005 et ainsi dépensé 120 M$. Or, Activant Solutions ne se serait jamais intéressé aux activités de développement et de modernisation d’applications qui étaient la spécialité de Speedware.
Dans un article publié récemment par le quotidien montréalais The Gazette, le chef de la direction de Speedware, Andy Kulakowski, indiquait qu’il est devenu évident presque immédiatement après l’acquisition de l’entreprise par Activant, que les nouveaux propriétaires ne souhaitaient pas investir ou faire croître la portion montréalaise de l’entreprise qui oeuvrait en modernisation d’applications.
L’article du journaliste Peter Hadekel relate que M. Kulakowski, après avoir essuyé auprès d’Activant un premier refus relatif à une proposition de rachat, a sollicité en catimini la communauté québécoise des investisseurs afin d’y trouver des alliés financiers. Une offre de rachat non sollicitée qui a été formulée en 2007 aurait intéressé Activant, mais la crise financière qui pointait à l’horizon a fait avorter le projet.
À la fin de 2009, Activant aurait perçu dans l’offre formulée par les dirigeants de Speedware une opportunité d’obtention de revenus, ce qui a résulté en la transaction récemment complétée entre les deux parties.
Par le biais d’une coopérative, avec le soutien de Fondaction et un prêt de la Banque de Montréal, les dirigeants et les employés de Speedware sont ainsi devenus les propriétaires des actifs québécois qui ont trait aux activités de modernisation d’applications.
Intérêts divergents
Nick Cristiano, le responsable des finances chez Speedware, explique que l’entreprise québécoise avait amorcé une expansion hors de son coeur de métier peu après son entrée en bourse en 1991. L’entreprise spécialisée dans la modernisation d’applications, qui avait été fondée en 1976 sous le nom d’Info-Boutique, a changé son nom lorsqu’elle est devenue une entreprise publique.
Speedware a acquis des actifs liés à une application d’intelligence d’affaires au début des années 90, mais c’est à la suite d’une réorganisation en 2001 que l’entreprise de Montréal a effectué trois acquisitions dans le domaine des progiciels de gestion intégrés: en 2003, Speedware a acquis Enterprise Computer Systems, de Greenville en Caroline du Nord, qui desservait les marchés verticaux des détaillants en matériaux de construction et des quincailleries; en 2004, Speedware a acheté les actifs de eXegeSys, de Salt Lake City en Utah, qui ont été jumelés à ceux d’une autre entité pour former OpenERP, qui était spécialisée dans un progiciel à plateforme libre pour le secteur manufacturier; la même année, Speedware a fait l’acquisition de Prelude Systems, de Plano au Texas, dont les progiciels étaient destinés au marché de la distribution industrielle.
« Mais les activités montréalaises en modernisation de Speedware étaient non-corepour Activant : elles n’ont jamais fait partie de leurs plans, rapporte M. Cristiano. Parce que nous étions profitables et que nous faisions bien nos affaires, ils nous ont gardés, tout en sachant qu’ils n’investiraient pas dans notre entité. Nous générions de l’encaisse pour Activant. »
« Mais comme toutes leurs acquisitions ont été faites à l’aide d’une dette publique, Activant a cru bon de se concentrer sur son coeur de métier, soit les progiciels de gestion intégrés. Alors, ils ont laissé aller la partie de Speedware qui était consacrée à la modernisation », ajoute-t-il.
M. Cristiano précise que la transaction établie entre Speedware et Activant ne comporte aucune restriction d’ordre territorial. 80 % du chiffre d’affaires de Speedware provient du marché des États-Unis.
Compétition interne
Interrogé quant aux avantages qui auront découlé des cinq années au cours desquelles Speedware a été la propriété d’Activant, M. Cristiano répond qu’aucun élément n’aura été vraiment profitable pour les activités en modernisation d’applications de l’entité québécoise.
« Les clientèles étaient vraiment différentes : les clients d’Activant choisissent une application déjà complétée, alors que Speedware aide les siens à continuer l’exploitation d’une application existante en la modernisant. On devenait des fois des compétiteurs […] Il n’y a pas eu de ventes croisées auprès de leurs clients, et notre logiciel en intelligence d’affaires n’a pas été offert à leur clientèle », constate M. Christiano.
« C’est sûr que de faire partie d’une grande entreprise, lorsqu’on participait à des appels d’offres auprès des gouvernements, faisait peut-être en sorte qu’on nous regardait différemment, tout comme le fait que Speedware existait depuis 1976. Mais on n’a pas obtenu d’avantages tangibles pour notre succès… »
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.