L’entreprise a suivi un parcours erratique depuis qu’elle s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Ayant été démantelée, il est ardu de savoir ce qui subsiste d’elle. Analyse et chronologie des événements.
Komunik a fait sa marque en développant et en commercialisant des solutions de gestion des ressources en communications, notamment dans les secteurs de l’impression, de la gestion documentaire et du marketing relationnel. Mais depuis plus d’un an, les événements se bousculent pour l’entreprise – difficultés financières, protection contre les créanciers, rachat en partie de l’entreprise par une entreprise du même nom que celle qu’elle avait acquise précédemment, suspension de la négociation de ses actions, etc. – au point où l’on ne sait plus exactement ce qui reste de l’entreprise. Un rappel des principaux événements de l’histoire récente de l’entreprise s’impose.
Tout débute en février 2007 lorsque Komunik acquiert une entreprise lavalloise du nom de Groupe Datamark Systems, qui fournit des services d’impression de documents commerciaux. À cette époque, Alain Paquin est le président et chef de la direction de l’entreprise. À la suite de l’acquisition, qui a été complétée en juin 2007, Komunik a mis sur pied trois filiales au secteur d’activité distinct, soit Datamark qui fournissait des services d’impression, Konversation qui fournissait des services de marketing relationnel et Intramedia qui fournissait des services-conseils en impression. Rappelons que Datamark était une société cotée à la bourse de Toronto et que cette acquisition a permis à Komunik de devenir une société publique (la cote a d’ailleurs été changée de DMK à KOM en juin 2007).
Cette acquisition a eu une répercussion importante sur les résultats financiers de Komunik. Les revenus du premier trimestre financier de 2007, publiés en septembre 2007 ont atteint 14,5 M$ – contre 1,6 M$ au premier trimestre de l’année précédente – à la suite de l’inclusion des revenus de Datamark qui générait des revenus beaucoup plus importants qu’elle. L’entreprise dévoile également une perte trimestrielle de 674 261 $.
Au même moment, Komunik indique que Jeffrey Zunenshine, qui était président et directeur général de Groupe Datamark Systems depuis 1978 et qui était vice-président et directeur général de l’unité d’affaires Datamark depuis l’acquisition, avait « accepté de quitter la société ».
Évolution rapide
À la fin d’août 2007, l’entreprise annonce l’achat de l’entreprise Globel Direct de Calgary, qui quelques semaines plus tard déposera un plan d’arrangement avec ses créanciers sous le parrainage de Komunik. Mais en octobre 2007, Komunik met fin à la procédure d’acquisition de Globel Direct, qui doit alors établir un autre plan d’arrangement avec ses créanciers.
Au niveau des finances, la situation se détériore graduellement : alors que le deuxième trimestre 2007 a produit des revenus de 30 M$ et un maigre bénéfice net de 11 342 $, les résultats du troisième trimestre 2007, qui ont été dévoilés en mars 2008, font état de revenus de 26,9 M$ et d’une perte nette de 1,5 M$.
En mai 2008, l’entreprise élimine 50 postes aux usines d’impression de Toronto et de Winnipeg, qui étaient précédemment exploitées par Datamark, en raison d’une baisse d’activité.
Cette baisse d’activité et le fardeau de l’acquisition – Datamark étant une entreprise bien plus considérable que Komunik – ont bientôt raison de l’entreprise qui éprouve des difficultés financières croissantes : elle termine l’exercice 2008 avec une perte nette de 6,2 M$. Au lendemain de l’annonce de ces résultats, en juillet 2008, Komunik annonce le remplacement d’Alain Paquin à la tête de l’entreprise par Sébastien Demers, le chef des opérations financières et cofondateur de Komunik.
En novembre 2008, l’entreprise demande et obtient de la Cour supérieure du Québec une ordonnance qui la met à l’abri de ses créanciers, selon les termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. L’entreprise a fait cette demande afin de se restructurer.
Dépeçage
L’exercice de restructuration qui débute alors prend la forme d’un dépeçage en bonne et due forme de l’entreprise, puisque ses actifs seront rachetés par un certain nombre d’entités différentes.
La première en date, en février 2009, sera la firme Intema Solutions – connue antérieurement sous le nom de CPL Technologies – qui fournit des solutions d’intégration des technologies aux activités de marketing et de services à la clientèle, laquelle se porte acquéreur de certains actifs commerciaux de la filiale Konversation pour 400 000 $.
Une nouvelle Datamark
On apprend ensuite que des actifs opérationnels de Komunik, soit la majeure partie des actifs restants, ont été achetés par Datamark Systems le 30 mars 2009. Il ne s’agit évidemment pas du même Datamark qui a été acheté par Komunik en 2007 (Groupe Datamark Systems). Il s’agit en fait d’une entreprise à numéro – 4488385 Canada inc. – qui a été mise sur pied par Terry Pomerantz, de Gestion Immobilier T.R.A.M.S. qui se définit comme un groupe immobilier à intégration verticale et par… Jeffrey Zunenshine, l’ancien président et directeur général de Groupe Datamark Systems qui a été remercié à la suite de l’acquisition de son entreprise par Komunik.
D’ailleurs, à cette date, on pouvait lire sur le site de Datamark Systems: Nous sommes heureux de vous annoncer que la vente des actifs opérationnels de Komunik a été finalisée. 4488385 Canada Inc. (connu sous le nom de DATAMARK SYSTEMS), débute ses opérations dès aujourd’hui. […] La compagnie prévoit des investissements additionnels avec l’objectif de stabiliser et améliorer sa performance et capacité. Et qui plus est, on invite ceux qui veulent en savoir plus à communiquer avec Jeffrey Zunenshine, qui est maintenant président et cochef de la direction de Datamark Systems, qui a pour mandat « de s’assurer que la transition se fasse de façon harmonieuse ».
Sur le site Web de Datamark, l’information sur l’entreprise réfère à la dénomination « Groupe Datamark Systems » et établit la fondation de l’entreprise en 1974.
La Bourse intervient
Le 5 mai 2009, on apprend que la Bourse de Toronto, où étaient négociées jusqu’alors les actions de Komunik, a suspendu la négociation de ses actions ordinaires. Cela sous-entend qu’une telle négociation avait lieu jusqu’à ce moment et que par conséquent l’entreprise avait toujours une existence légale, bien que la valeur de l’action était nulle.
Alors, la question qui se pose est : que reste-t-il de Komunik? Question simple, dont la réponse n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît. En fait, personne ne veut répondre à cette question. On se limite à la formule classique « pas de commentaires » et on réfère à un tiers qui ne s’avère en définitive guère plus bavard. Il y a premièrement Jeffrey Zunenshine, qui réfère au cabinet d’expertise comptable et de services-conseils à l’entreprise RSM Richter, qui a été mandaté pour restructurer Komunik. Ce cabinet ne veut pas commenter ni fournir quelques précisions que ce soit, si ce n’est les avis publics ayant mené aux actions mentionnées précédemment.
Idem pour Luigi Lobasso, le chef de la direction de Datamark Systems, qui en réfère à l’avocat de la compagnie, Me Jacques Vincent, du cabinet Lamarre Perron Lambert Vincent. Ce dernier se contente de confirmer les faits rapportés plus haut, sans fournir d’explication, notamment en ce qui concerne l’arrêt de la négociation des actions ordinaires de Komunik.
En outre, il affirme que Komunik n’entretient aucun lien avec Datamark. « Datamark Systems aujourd’hui est une corporation incorporée le 31 décembre 2008 qui a racheté les actifs de Komunik, mais il n’y a pas de lien entre les deux compagnies, dit-il. […] Datamark a racheté substantiellement tous les actifs de Komunik, mais pas tous les actifs. Une partie des actifs a été vendue à Intema Solutions et il y a potentiellement d’autres actifs qui ont été exclus, mais ça, je n’en suis pas au courant. »
Et en ce qui concerne les activités restantes de Komunik, il précise que « ce sont les rapports du contrôleur qui disent ce que la compagnie fait en ce moment. Je ne reviendrai pas là-dessus, car je ne suis pas le procureur de Komunik. Tous les rapports sont chez RSM Richter. Mais je ne vois pas avec quoi la compagnie va opérer, puisqu’elle a vendu ses actifs à Datamark. »
Décidément, les zones d’ombre persistent…
Komunik : la chronologie d’une déroute
1974 : Fondation de Groupe Datamark Systems 2000 : Fondation de Komunik par Alain Paquin et Sébastien Demers Février 2007 : Annonce de l’acquisition de Groupe Datamark Systems Juin 2007 : Fin de l’acquisition de Groupe Datamark Systems Juillet 2007 : Résultats financiers annuels (excluant Datamark) : revenus de 8,1 M$, bénéfice net de 475 556 $ Août 2007 : Annonce de l’acquisition de Globel Direct de Calgary Septembre 2007 : Départ de Jeffrey Zunenshine. Octobre 2007 : Abandon de la procédure d’acquisition de Globel Direct Mars 2008 : Résultats de troisième trimestre : revenus de 26,9 M$, perte nette de 1,5 M$ Mai 2008 : Élimination de 50 postes ou 8 % de la main-d’oeuvre Juillet 2008 : Résultats financiers annuels : revenus de 95 M$, perte nette de 6,2 M$
Alain Paquin quitte la direction de Komunik et Sébastien Demers le remplace Novembre 2008 : Obtention d’une protection des tribunaux en vue d’une restructuration Février 2009 : Achat de l’entité Konversation par Intema Solutions Mi-mars 2009 : Résultats financiers de troisième trimestre sur SEDAR : revenus de 20,7 M$, perte nette de 3,3 M$ Mars 2009 : Achat de la partie des actifs restants par Jeffrey Zunensine, dont la compagnie à numéro est renommée Datamark Systems Mai 2009 : Fin de la négociation des actions de Komunik à la Bourse de Toronto
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.