Le gouvernement fédéral veut exiger des entreprises de télécommunications la mise en place d’équipements et la transmission de renseignements. Le but visé : permettre aux enquêteurs policiers et économiques d’intercepter les communications cellulaires et réseaux des criminels.
La ministre de la Sécurité publique du gouvernement fédéral Anne McLellan a déposé cette semaine à la Chambre des Communes le projet de loi C-74 qui vise à obliger les fournisseurs de services de télécommunications à donner aux instances de surveillance policière et économique l’accès aux communications électroniques de personnes suspectes, ainsi qu’à transmettre des informations relatives à leurs comptes. Ces mesures visent à contrer les actes criminels et terroristes ainsi que la concurrence commerciale déloyale.
La loi, si elle est adoptée, forcera les prestataires de services de téléphonie cellulaire et d’accès à Internet à mettre en place des équipements et des logiciels qui permettront à des personnes autorisées, soit des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité, du Commissaire à la concurrence, de la Gendarmerie royale du Canada ou de tout service de police, d’intercepter et d’isoler des communications. Cette interception pourra être réalisée de façon simultanée par plusieurs des organismes autorisés à le faire, et ce, pour plusieurs utilisateurs à la fois.
La loi forcera également les fournisseurs à remettre aux instances d’enquête des informations relatives aux utilisateurs de leurs services qui sont soupçonnés d’enfreindre la loi, comme le nom, l’adresse, les numéros de téléphone fixe et mobile ainsi que l’adresse IP. Cette personne peut être un individu, une société de personnes, un gouvernement, un organisme administratif ou une personne qui agit pour le compte d’autrui. Les fournisseurs devront fournir les données de transmission reliées aux fonctions de composition, de routage, d’adressage ou de signalisation qui indiquent l’origine, le type, la direction, la date, l’heure, la durée, le volume, la destination ou la terminaison d’une télécommunication produite ou reçue au moyen d’une de leurs installations.
Le projet de loi indique aussi que des inspecteurs pourront accéder à tout lieu où se trouvent des appareils de transmission, des documents, des renseignements ou des objets concernant l’application de la loi. Ils pourront examiner ces éléments, tester les équipements, utiliser tout système informatique s’y trouvant pour vérifier les données, imprimer des informations et utiliser le matériel de reproduction ou de télécommunication au besoin.
En cas d’une violation de la loi, le texte indique qu’un employeur ou un mandant sera responsable d’une violation commise par son employé ou son mandataire, alors que les dirigeants, administrateurs ou mandataires qui ont ordonné ou autorisé ou bien consenti ou participé à la violation seront considérés comme étant ses coauteurs. Selon les infractions et les violations commises, les amendes maximales varieront de 50 000 $ à 100 000 $ pour une personne physique et de 250 000 $ à 500 000 $ pour une personne morale.
Dans le respect des règles
Le texte du projet de loi précise que les interceptions de communications devront faire l’objet d’un mandat obtenu auprès des instances judiciaires, ce qui a été confirmé par un porte-parole du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada, sauf si la situation est jugée urgente et que des blessures physiques ou des dommages matériels importants sont susceptibles d’être subis par des victimes.
Les corps policiers et les organismes de contrôle devront appliquer des mécanismes internes de vérification de l’application de la loi selon les règles, alors que le Commissaire à la protection de la vie privée pourra procéder à la vérification des méthodes employées par ces instances. Le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada a mené des consultations auprès de l’industrie des télécommunications et organisations de défense des droits de la personne et des libertés civiles dans le cadre du projet.
S’il est adopté, le projet de loi prévoit un délai de douze mois pour la mise en conformité des entreprises canadiennes de télécommunications. Ces dernières devront investir des centaines de milliers de dollars pour mettre en place les équipements nécessaires aux fins d’interception des messages par les instances policières.
Toutefois, le projet de loi risque de mourir au feuilleton et son adoption pourrait être reportée aux calendes grecques si le gouvernement libéral fédéral est renversé au cours des prochains jours…