Le lauréat du prix Ingénieux 2017 de l’Association canadienne des technologies de l’information (ACTI) dans la catégorie grande organisation publique offre des gains d’efficacité au milieu des soins primaires.
La version électronique de l’Échelle canadienne de triage et de gravité (eÉCTG) de Canada Care Ontario améliore l’exactitude du triage à la salle d’urgence et contribue à optimiser l’évolution de l’état de santé des patients. Le triage – le processus par lequel les patients sont triés selon le niveau de priorité de leur état – est un défi difficile à relever pour le personnel infirmier sous pression des salles d’urgence. Au Canada, ces décisions se prennent en fonction de l’Échelle canadienne de triage et de gravité (ÉCTG; en anglais, Canadian Triage and Acuity Scale ou CTAS), mais le personnel de pointe du processus fait ce travail de catégorisation des patients sous pression.
Une recherche a démontré l’inefficacité du processus de triage, où bon nombre de patients sont mal servis. En fait, seulement 37 % des patients faisaient l’objet d’une évaluation de triage correcte, selon un rapport sur cette question publié en 2010 par le Bureau du vérificateur général de l’Ontario. Pour la majorité des patients dont l’évaluation était incorrecte, leur niveau de priorité a été sous-estimé, c’est-à-dire que ces patients ont été vus plus tard qu’il l’aurait fallu, compte tenu de leur maladie ou de leurs blessures.
En mars 2015, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario a annoncé son intention de s’attaquer à ce problème et a confié à la division de l’accès aux soins d’Action Cancer Ontario (ACO) le mandat de créer un système propre à améliorer les processus de triage dans la province.
L’équipe responsable de construire ce système a dû surmonter plusieurs obstacles, à commencer par la dette technologique du système de santé ontarien. Les hôpitaux de la province utilisaient un ensemble varié de systèmes patrimoniaux difficiles à intégrer, provenant de 13 fournisseurs différents. Près du cinquième des systèmes étaient sur papier. Les flux de travail aux services des urgences étaient également variés : dans certains, le processus de triage se faisait en une seule étape; ailleurs, on appliquait un modèle en deux étapes.
L’équipe a résolu ce problème en offrant trois configurations de son système. La première, Application Basic, est conçue pour les établissements dépourvus d’une application mature, y compris les utilisateurs de formulaires sur papier. Ces hôpitaux devaient installer l’application directement et s’en servir pour le calcul du triage.
La deuxième configuration, Application Complex, est destinée aux établissements dotés d’un système informatique qui ne couvre pas les activités de triage. Dans ce cas, une application de triage génère une cote qui est envoyée au système du service des urgences de l’hôpital au moyen d’un lien. Une fois ouvert, ce lien saisit les données de triage appropriées dans le système patrimonial de l’établissement.
Dans la troisième option, celle qui a nécessité le plus de travail, les algorithmes de triage de l’ÉCTG sont intégrés directement dans le logiciel de l’établissement hospitalier. « Nous ne faisons que certifier le fait que le même cerveau de triage est maintenant intégré à leur système, de sorte qu’ils génèrent les mêmes cotes à l’ÉCTG », dit Steve Scott, directeur du programme eÉCTG à Action Cancer Ontario.
Toutes ces options tirent leur fonctionnalité d’une application offerte dans le nuage public. L’équipe a choisi d’héberger cette application dans le nuage Azure du centre de données publiques de Microsoft. L’une des principales raisons d’opter pour une infrastructure infonuagique est sa capacité de traiter des charges de travail de taille variable.
« Nous savons que l’influx de patients est très variable. Du point de vue des TI, cela nous obligeait à construire en fonction du pire scénario », explique Steve Scott, qui ajoute que cette contrainte présentait un problème d’achat de matériel pour les systèmes sur place. « Sur le plan du rapport coût-efficience, ce n’est pas une bonne approche, car la plupart du temps, le niveau d’achalandage est constant. L’application se prêtait donc bien à une solution infonuagique. »
L’organisme a dû collaborer étroitement avec le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et avec le gouvernement ontarien, car l’administration provinciale n’avait encore jamais exploré de solutions infonuagiques.
« Avant même d’aborder la portion technique du système, nous avons dû surmonter quelques obstacles culturels touchant aux renseignements de santé protégés et à la sécurité de l’information dans le nuage en général », poursuit Steve Scott.
« L’intégration à l’échelle locale des fonctions de sécurité et de protection offertes par le nuage coûterait une fortune et nous empêcherait de nous tenir à jour en matière de solutions infonuagiques, qui ont la capacité de changer d’échelle et de mettre à niveau ces contrôles de sécurité d’une manière uniforme. »
Pour répondre aux préoccupations relatives à la confidentialité des données infonuagiques, l’équipe a eu recours au centre de données canadien de Microsoft et a bloqué toute communication transfrontalière des données sur les patients, ajoute Steve Scott.
Action Cancer Ontario a mis le personnel médical à contribution dès les premiers stades du projet, car la facilité d’emploi est un facteur essentiel dans un milieu où tout bouge rapidement et où la pression est forte. Traditionnellement, les projets du secteur public tendent plutôt à se développer en cascade, mais l’équipe ne pouvait pas prendre le risque de produire un système non conforme aux attentes des praticiens de la santé.
« Nous nous sommes basés sur des récits d’utilisateurs », explique Steve Scott. Cette démarche centrée sur l’utilisateur explore les tâches quotidiennes et fonctionne à rebours pour construire la fonctionnalité en fonction de ces tâches. « Sur ce plan, quand nous avons été prêts à aller de l’avant avec notre modèle d’intégration à trois options fondamentalement implanté dans le nuage, nous nous sommes trouvés à entrer sur le marché d’une façon très peu conventionnelle. »
ACO a opté pour le fournisseur Accenture pour développer et tester le code qui répondait à ces récits d’utilisateurs, tandis que l’équipe interne contrôlait l’orientation technique du projet. « L’un des premiers autres jalons a été un prototype d’abord mis au point avec un groupe de travail clinique d’administrateurs de soins infirmiers et de services des urgences », dit Steve Scott. « Dès le premier jour, nous avions un prototype à présenter à plusieurs hôpitaux pour obtenir leur rétroaction. »
Un des autres avantages d’eÉCTG est le nouvel influx en temps réel de données sur la santé publique. « Nous avons reconnu que la décision de triage ne se limite pas à une décision de triage. La lutte contre les infections est un autre aspect concret de la salle d’urgence », ajoute Steve Scott.
Dans le flux de travail conventionnel, les services des urgences envoient leurs données à un dépôt central, et il faut des semaines pour les incorporer et en produire des rapports. Le logiciel eÉCTG livre cette information instantanément à un système central, où les données sont agrégées et mises à disposition pour l’analyse. Cette fonctionnalité en option accélère le repérage des problèmes émergents par les établissements hospitaliers.
« Aujourd’hui, je vois combien de gens ont fait l’objet de mesures de lutte contre les infections et combien sont arrivés aux salles d’urgence depuis cinq, dix ou quinze minutes », affirme Steve Scott. « Je peux savoir pourquoi. Sont-ils allés à l’étranger? Était-ce dans un pays touché par un virus? C’est excellent pour la surveillance syndromique. »
Le système eÉCTG est actuellement fonctionnel dans 13 hôpitaux. Il a accru le taux d’évaluations de triage correctes à 92 % dans les audits de recherche après le lancement et dans les deux premiers établissements; en date de juin 2017, il avait servi à trier plus de 80 000 patients. D’ici un an, 90 % des patients des services des urgences bénéficieront de ce système.
L’ACTI a remis les prix Ingénieux aux lauréats à l’occasion d’un dîner de gala, le 9 novembre 2017. IT World Canada (ITWC) a agi à titre de média commanditaire.
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