DROIT ET TI – Il y a vingt-cinq ans, les avocats spécialisés en droit des technologies de l’information expliquaient avec insistance à leurs entreprises clientes l’importance d’un contrat de licence. Aujourd’hui, les imprimantes 3D sont arrivées, avec leur lot de questions juridiques…
Il y a quelques années, au congrès annuel de l’Association canadienne de droit des technologies de l’information, le président du congrès a demandé aux participants de jouer les devins. Ils ont été invités à décrire (sur un papier, à la main, tout de même…) une invention qui, selon chacun d’eux, allait avoir un fort impact au niveau juridique dix ans plus tard.
Je me souviens d’avoir écrit comme invention, sur mon papier, « les fichiers .pdf en trois dimensions ». Or, l’impression en 3D est déjà arrivée, deux ans avant ma prédiction. Il ne s’agit pas proprement dit d’un fichier .pdf en trois dimensions, mais le concept est le même…
L’impression en 3D
En se servant d’un fichier de données, une imprimante 3D utilise diverses formes de technologies créant des « couches » de produit fini, afin de créer des produits en trois dimensions. Bientôt, des consommateurs pourront « imprimer » bien des choses en trois dimensions, incluant peut-être des jouets, peut-être certains bijoux, et peut-être même certains objets fonctionnels comme une spatule ou une pièce de remplacement pour une tondeuse à gazon…
Un peu de la même façon que le droit d’auteur a connu des remises en question lors de l’avènement du partage de fichiers en ligne, le droit de la propriété intellectuelle pourrait être secoué par l’impression 3D. Ce ne sont plus des fichiers musicaux qui seraient possiblement distribués, mais le dessin du jouet, du bijou, de la spatule, de la pièce de tondeuse…
Il y a des questions de droit d’auteur, mais aussi de droit des brevets et du dessin industriel qui se posent.
La modification mineure
On n’aurait pas idée de modifier une chanson en format .mp3, mais on modifie régulièrement des logiciels à code source libre. Il est raisonnable de prévoir qu’avec les outils qui sont ou seront disponibles, un utilisateur pourrait facilement modifier légèrement son fichier d’impression 3D, pour éviter des problèmes de plagiat ou simplement personnaliser l’objet en question. Or, au niveau du dessin industriel, un recours est disponible au propriétaire de l’oeuvre seulement si l’oeuvre copiée est presqu’identique.
Au niveau du droit d’auteur, la protection est un peu plus grande, mais pas infaillible, surtout si l’objet qui l’on a copié n’est pas très distinctif. On ne peut empêcher quelqu’un de créer une spatule ou un autre objet utile, en vertu du droit d’auteur, à moins qu’il soit spécial dans sa forme et que ce caractère spécial soit copié. Par ailleurs, il faut aussi se souvenir que la plus récente mouture de la Loi sur le droit d’auteur accorde un certain nombre de droits d’utilisation personnelle des oeuvres protégées par le droit d’auteur, même copiée directement.
Au niveau du brevet, la protection serait probablement supérieure, car le brevet protège une invention ou un fonctionnement. Même si un objet est modifié par une personne effectuant une impression 3D, si l’objet fonctionne d’une manière qui est protégée par un brevet, il pourrait y avoir infraction. Encore faut-il que le détenteur du brevet en ait connaissance! Ce qui n’est pas facile si les infractions se produisent individuellement dans des sous-sols de banlieue…
Au niveau des marques de commerce, ce serait une utilisation illégale de la marque d’un objet que de la reproduire sur une impression 3D; ce serait aussi potentiellement illégal de la modifier…
Les détenteurs de droit devront donc effectuer des choix et mettre en oeuvre des stratégies de protection de leurs droits de propriété intellectuelle, afin d’obtenir le meilleur ratio de protection par rapport au temps et à l’argent investi sur cette protection.
C’est un euphémisme de dire que des développements sont à venir.