Pour Marie-Josée Lalande, la jeune dirigeante de la firme de service-conseil Kinessor, miser sur les rapports humains suscite la fidélité des clients et la loyauté du personnel.
Qu’une firme de service-conseil québécoise soit dirigée par une femme de moins de quarante ans est une situation peu courante. En 2005, quelques mois après avoir joint à titre d’associée la firme Kinessor de Montréal, qui oeuvrait en bureautique, en finance et en technologies de l’information, Marie-Josée Lalande prenait la tête d’un cabinet qui se concentrerait dorénavant sur les TIC. Mais les circonstances qui l’ont menée vers l’industrie sont tout aussi singulières. Spécialisée en commerce international, elle a étudié et fait un stage en France à la fin des années 90, mais l’expiration de son visa l’a obligée à revenir au Québec. Or, la rencontre d’un employé de Cognicase à l’aéroport Charles-de-Gaulle a débouché trois jours plus tard en son embauche par le président de la firme, Ronald Brisebois.
Mme Lalande apprécie « avoir fait ses classes avec les grands de l’industrie au Québec » au tournant de l’an 2000. Son séjour chez Cognicase, dont elle est partie à son compte lors du rachat par CGI en 2005, a grandement influencé son approche commerciale. « On avait une certaine latitude : nous avions des objectifs d’affaires, mais aussi une liberté. L’offre de service à commercialiser était tellement large que chacun était formé pour tous les centres d’expertise. Il fallait développer notre discours et nos relations, ce qui était bien important. Ronald Brisebois avait une excellente vision d’entreprise et a su rassembler beaucoup de gens », explique-t-elle avec enthousiasme. « D’avoir travaillé avec une si grande équipe a permis d’avoir un large bassin de connaissances et de contacts. Ce fut une excellente école et cela m’a procuré une crédibilité. J’ai encore des contacts aujourd’hui avec des gens que j’ai connus à l’époque, qui sont des clients, des employés ou des compétiteurs. »
Aujourd’hui, la firme qu’elle dirige compte une cinquantaine d’employés et de collaborateurs. Outre le service-conseil en gestion, en développement et en infrastructure informatique, l’entreprise offre des services de formation personnalisée, d’analyse des besoins en progiciels, du conseil stratégique et de l’aide au recrutement de personnel. Sa clientèle se trouve partout au Québec, surtout dans le secteur parapublic. « Nous avons été recommandés à la plupart de nos clients en région. Le Québec est grand, mais c’est un petit marché où tout le monde se connaît », souligne-t-elle.
« Touche » humaine
Certains affirment, à tort ou à raison, que l’approche d’une femme d’affaires diffère de celle d’un homme. Peu importe, Mme Lalande estime que la présence d’une femme à la tête d’une firme, tout comme dans l’industrie des TIC en général, suscite l’attrait et la curiosité. « Puisque les femmes sont une rareté, l’attention est sur nous: lorsque je dis à un client que j’ai une candidate, il répond “Ah oui?” et désire la rencontrer. Elles sont les bienvenues dans une équipe. Mais c’est un peu stéréotypé de dire qu’elles ont un apport humain, qu’elles sont plus minutieuses et qu’elles apportent leur “touche” », estime-t-elle. Alors que sa firme évolue en présence de sociétés de grande envergure, Mme Lalande dit accorder une grande importance aux rapports humains. Elle attribue la loyauté des clients, des employés et des partenaires à l’attention portée envers la qualité des relations, ce qui contribuerait grandement à la progression de sa firme.
« L’offre et le service à la clientèle sont importants. Un client satisfait revient tout le temps. Cela nous permet de tirer notre épingle du jeu. On peut être en compétition avec les grands et se distinguer en étant rigoureux et passionnés, en offrant un service hors pair avec beaucoup d’écoute », estime-t-elle. Mme Lalande ajoute que le développement des relations d’affaires va de pair avec l’amitié. Ainsi, un consultant doit avoir les compétences et les aptitudes requises à la desserte d’un client, mais la firme doit s’assurer qu’il y aura un bon jumelage entre les deux parties. « On veut que la personne s’intègre facilement à l’équipe du client, qu’elle cherche la solution requise et qu’elle l’aide à l’implanter, qu’elle accompagne le client par un transfert de connaissances, puis qu’elle se retire tout en restant à proximité pour répondre aux questions. C’est notre façon de gérer la croissance. »
À propos de la main-d’oeuvre, qui fait l’objet d’une pénurie dans l’industrie, Mme Lalande se dit « très chanceuse » de compter sur de bons employés et sur la disponibilité de sous-traitants et de consultants. « J’ai un engagement face à mes employés d’offrir des défis à la hauteur de leurs attentes et des projets stimulants. […] Je vise une belle croissance, mais il est important que je connaisse tous les employés et de savoir sur quoi ils travaillent. L’accessibilité et le contact avec les gens sont importants. Je ne pourrais pas offrir tant d’attention dans une entreprise de 10 000 employés. » Si elle rencontrait une jeune personne issue d’un autre univers que les TIC à l’aéroport Montréal-Trudeau, que ferait-elle? À cette question cliché, Mme Lalande répond sans hésitation.
« Tout bon entrepreneur qui rencontre une femme ou un homme qui a du coeur au ventre, qui a les yeux qui brillent, qui est passionné, qui veut réussir, qui a des objectifs… doit saisir l’opportunité s’il réussit à bien saisir les forces et faiblesses de la personne et à la positionner dans un poste où elle pourra se développer. Nous en rencontrons qui n’ont pas tout le bagage requis pour faire du service professionnel tout de suite, mais leur potentiel fait qu’on n’hésite pas à inciter des clients à les rencontrer. Beaucoup de jeunes au Québec sont dynamiques. Nous sommes vraiment choyés. »