Au moment où l’on cherche à déterminer dans quelle mesure les entreprises exploitent efficacement les technologies du Web 2.0, on annonce sur toutes les tribunes l’avènement du Web 3.0. Tous ne s’entendent pas, cependant, sur la définition de cette nouvelle mouture de la Toile.
Dans sa toute première version, Internet était formé d’une succession de pages, l’utilisateur étant invité à passer de l’une à l’autre. L’outil par excellence, la pièce centrale de ce Web 1.0, est sans contredit le moteur de recherche. D’autre part, le Web 2.0, expression datant de 2004 et dont la paternité est attribuée au promoteur du gratuiciel et du code source libre Tim O’Reilly, est fondé sur des caractéristiques telles les contenus générés par l’utilisateur, la navigation active et le partage de l’information. D’une certaine façon, ces principes culminent avec l’avènement d’outils comme YouTube et Facebook.
La prochaine version d’Internet, ou le Web 3.0, laisse davantage place à interprétation – en ce qui concerne sa définition, sa naissance et sa généralisation. Dans sa plus simple expression, le Web 3.0 est décrit par certains comme l’amalgame des mondes en ligne et hors ligne. D’un observateur à l’autre, en fait, des caractéristiques différentes sont privilégiées.
Données, intelligence et personnalisation Même si, à l’évidence, la mobilité est un facteur susceptible de définir le Web 3.0, la plateforme de la prochaine ère numérique sera constituée des données même, suggère le fondateur et PDG de LinkedIn, Reid Hoffman. Selon lui, on distinguera les données explicites, que les utilisateurs divulgueront volontairement au sein des réseaux sociaux, et les données implicites, que l’on recueillera en arrière-plan, comme les informations associées à la géolocalisation.
« On perdra toute notion de navigation, de pages et d’interfaces, précise Damien Guinet, stratège, médias sociaux chez Heaven. Les contenus seront composés uniquement de données, gérées directement par le matériel et le Web. Ce sera l’Internet des objets, une sorte de grosse convergence… un Web sémantique plus intelligent, basé sur les données, qui rendra Internet plus transparent et plus intégré à la vie quotidienne. »
D’aucuns appellent d’ailleurs le Web 3.0 « Web sémantique ». Cette notion met en lumière les capacités de la machine, qui saura lire les pages Internet de la même façon que l’homme. Dans le Web sémantique, logiciels et moteurs de recherche sondent Internet plus efficacement afin d’obtenir ce que nous cherchons. En d’autres mots, Internet fait le travail à la place des utilisateurs.
Il ne s’agit pas là du seul avantage que retirera l’utilisateur du Web 3.0, lequel pourra être adapté aux goûts et besoins de tout un chacun. Pour Ralph Van Coillie, directeur principal, Commerce électronique, sites nationaux et nouvelles initiatives chez Transcontinental, le Web 3.0 sera celui de chaque utilisateur. « De 1.0 à 2.0, nous sommes passés du Web des entreprises à celui des communautés. Le prochain sera ‘le mien’ », explique-t-il.
« J’aurai ma télévision, mes jeux, mon programme d’entraînement, mon outil de navigation sur Internet… Tout sera là, tout sera consolidé, mais juste pour moi », ajoute M. Van Coillie. Selon lui, les entreprises pourront s’intégrer à ce nouveau modèle au moyen de commandites et de publicités… Chose certaine, elles devront s’y adapter. « Par ailleurs, les deux premières phases du Web ne disparaîtront pas, mais coexisteront avec la version 3.0 », dit-il.Phase déjà entamée
Plusieurs spécialistes estiment que le Web 3.0 est déjà parmi nous. Par exemple, l’utilisation massive de réseaux sociaux a joué un rôle déterminant dans les révoltes récentes en Afrique du Nord. D’après Nova Spivak, cofondateur et PDG de Radar Networks et champion de la théorie du Web sémantique, nous sommes au seuil du Web 3.0. « Cette nouvelle ère, qui aurait débuté en 2010, n’est rien de plus que le Web 2.0 doté d’intelligence », croit-il. Son de cloche semblable chez Louis Beauregard, chef d’équipe, Centre expérience utilisateur, Bell Marchés Affaires, pour qui il est réducteur de parler de Web 3.0. Selon lui, il s’agit plutôt du Web 2.0 dans toute sa richesse. La nouvelle ère numérique consiste à mettre ensemble tous les éléments du Web 2.0 afin de créer de la valeur dans l’écosystème ainsi défini.
Du reste, le plus grand souhait de Louis Beauregard est que ces nouvelles possibilités technologiques ne se limitent pas à des considérations mercantiles, mais servent des desseins sociaux également. « On arrive au moment où l’on dispose d’outils extraordinaires pour réaliser de nouvelles choses et résoudre des problèmes restés insolubles jusqu’à présent », indique-t-il.
« Dans tout cela, nous ne devons pas perdre de vue l’aspect humain, qui demeure essentiel, rappelle pour sa part Connie Crosby, directrice de Crosby Group Consulting et co-organisatrice du PodCamp Toronto. Le développement, la mise en route et le fonctionnement des technologies reposent toujours sur l’intervention humaine. »
À coup sûr, le Web 3.0 continuera à alimenter réflexions et débats. S’il a fallu plusieurs années à l’industrie pour accepter le terme Web 2.0, on peut croire qu’il faudra un certain temps avant que l’on détermine avec certitude la nature de la prochaine version du Web et le moment de son avènement.
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