C’est toujours en pleine tempête qu’on se dit qu’il aurait mieux fallu faire de bonnes copies de sécurité, qu’on aurait donc dû mieux protéger nos circuits électriques… Mais est-ce vraiment nécessaire? Retour en humour sur des catastrophes quotidiennes et météorologiques.
En fait, le titre complet de cette chronique devrait être « J’aurais donc dû dondaine la ridaine » tellement l’expression renvoie à une lamentation folklorique. C’est un « j’aurais donc dû » comme dans « faire le plein », « payer ma pension », « éviter ce bar », « réparer les freins », « arroser la braise », « attacher le chien » ou « me la fermer ». Mais, en cet exécrable été 2009 instable sur le plan météo, c’est aussi comme dans « faire des sauvegardes », « brancher un parasurtenseur » ou « m’acheter un système d’alimentation sans coupure ». Je vous dis ça parce que depuis quelque temps, il n’y a pas que des pans d’autoroute qui partent avec la pluie, il y a aussi de l’équipement et des données informatiques.
Aux abris!
Samedi dernier, comme c’est pratique courante depuis un mois, une cascade d’orages a entrepris de déverser des océans de flotte sur mon patrimoine. Encore une fois, mes gouttières ont débordé, de grosses branches d’arbre sont tombées, mon entrée s’est crevassée de rigoles et la partie montagneuse de mon bois s’est transformée en déferlante. (NDLR: Nelson habite dans une verte campagne… ce qui le rend bien heureux, la plupart du temps…) Mais cette fois, telle une prime au rendement, le tonnerre s’en est pris à mon réseau informatique qu’il a gratifié d’une bonne pichenotte. « Oh bordel, vite tout le monde, il faut fermer et débrancher les ordis! » Puis, par comble de méchanceté, il a fait tomber un hêtre sur des fils électriques et le grand calme du temps de la vie sans stress s’est fait entendre pendant quelques heures. Crrrrrrrrrrrrac! Ptaffff! Chhhhhhhhhhh.
Mais le mal était fait. Ce que je sais maintenant (je n’écris pas « ce que je comprends maintenant », nuance importante), c’est que le câble RJ-45 entre mon routeur et mon concentrateur a cessé de fonctionner, les ressources Ethernet sur la carte mère du PC de ma blonde (l’ordi le plus important de ma maisonnée) ont été bousillées, le moniteur ACL branché à la base de raccordement de mon ThinkPad est devenu bleuâtre et un vieux disque monté dans une boîte USB que j’avais raccordé à mon PC et oublié par négligence s’est retrouvé aussi mort que le roi George.
Ce que j’ignore, c’est ce qui va arriver de « bien étrange » à partir de maintenant. Il se peut que le disque de tel ordi se mette à générer des messages d’erreur, qu’une puce quelque part soit devenue dyslexique, que le câble entre tel équipement et tel autre commence à éprouver des ratées, que le moniteur du ThinkPad cesse de rendre service une fois pour toutes et ainsi de suite, ad nauseam. Ce sera une kyrielle de petits problèmes possiblement attribuables à l’accident électrique. Mais je n’en aurai jamais la preuve, seulement des soupçons.
Le syndrome de la surtension subite
C’est comme ça, les surtensions subites. Crac, quelques volts en trop pénètrent instantanément, violemment et rageusement dans votre réseau électrique (trois circuits dédiés dans mon cas) et, psshhh, il ne reste plus qu’à évaluer les dégâts. Pas toujours, pas partout, pas de la même façon. On est au pays de l’aléatoire. Pourquoi ce disque, ce câble, cette puce ou ce moniteur et pas tel ou tel autre? Allez savoir! Peut-être sont-ce là des équipements déjà affaiblis, des bidules à la limite de leur vie utile? Possible. Mais il arrive que le neuf soit également frappé. En un mot, je n’y comprends que dalle!
Par contre ce que je sais, c’est que mon système d’alimentation sans coupure sur lequel mon PC à moi est raccordé n’a pas fonctionné après la brusque coupure dans l’alimentation. Vous avez raison. Depuis trois ans qu’il est en service, je ne l’ai jamais vérifié et j’aurais dû le faire. Mais bon! Je ne suis pas un ingénieur méthodique, je ne suis qu’un journaliste bordélique. Je sais aussi que j’aurais dû placer des parasurtenseur un peu partout dans mes prises de courant, en tout cas dans celles utilisées par mon réseau informatique. J’en avais repéré de très bons, des pas trop cher, l’autre jour et, bof, par soi-disant manque de temps, j’ai procrastiné.
Pire, je sais que j’ai frisé l’horreur indicible. Imaginez si tout avait pété! Dans mon réseau, seul le PC de ma blonde s’adonne quotidiennement aux joies de la sauvegarde. Le mien, entendre le gros PC qui me sert de machine principale (courriel, documents, etc.) est trois mois en retard en matière d’archivage (je vous tape ce texte et je frémis). Mon gros Mac, cette machine où reposent mes photos de famille, ma musique des dix dernières années et tous mes essais vidéo, sans oublier mes archives professionnelles des années 1980 et 1990, n’a aucun « backup ». Cela parce que depuis sa mise en fonction, l’an dernier, j’entends acheter un disque externe Firewire de quelque 500 Go afin de pouvoir lancer la Time Machine et enclencher le processus d’archivage; les disques que j’ai ici chez moi sont trop petits. Encore là, je tataouine, j’oublie. Quant à ma machine Linux, je n’en ai rien à cirer. Je me dis que si elle meurt, je la ressusciterai; je n’y ai que du logiciel gratos, généralement des paquetages qui viennent de chez monsieur Ubuntu, de chez matante Suse ou de chez la cousine Fedora. En cas de malheur, je réinstallerai à partir des DVD.
Vous avez compris que j’arrive à me donner bonne conscience. Suivez mon raisonnement tordu. Quelles sont les chances qu’un orage me bousille quelque chose d’irremplaçable? Qu’un disque saute et me fasse perdre des données essentielles? Qu’un PC ronronnant dans l’allégresse devienne un hideux capharnaüm de misères assorties? Autrement dit, quelles sont les chances que je gagne le gros lot avec mon billet de loterie? Que je me tue pour avoir négligé d’attacher ma ceinture? Que Revenu Canada décide de venir m’enquêter? Qu’un coyote fasse disparaître ma chatte? Tordu, non?
Capable de récupérer mes copies de sauvegarde?
Attendez, vous n’avez rien lu. Et si je les ai faites, mes copies de sauvegarde, quelles sont les chances que je pourrai tout récupérer? Saurai-je sur quoi cliquer, dans quelle séquence, sur quel disque tout réinstaller? En aurai-je le temps, la patience, voire le goût? N’ayant jamais vraiment été en situation d’expérimenter un tel exercice de reconstitution, vais-je savoir quoi faire pour que tout se passe dans le bonheur et la sérénité?
Ne vais-je plutôt me contenter de garder ces archives incrémentales comme je le fais, depuis toujours, avec mes 600 quelques documents MacWrite, des articles de magazine gravés sur un CD qu’il me faudrait transformer, un à un, en format Word pour pouvoir les lire, ou encore avec ma comptabilité Simple Comptable des années 1990 sur ruban DAT alors que je n’ai plus de lecteur prenant ce format en charge et que je n’ai pas l’intention de m’en trouver un? De toute façon, qu’en ai-je à foutre de ma comptabilité des années 1990 et de mes brillants articles du temps de mes premiers Mac?
Sans compter, c’est connu, que ça n’arrive qu’aux autres. À preuve, moi qui vit dans une contrée névralgique sur le plan météo, je n’ai connu que de petits désagréments réparables. Or, je sais fort bien que les probabilités que cela m’arrive à nouveau sont quasi nulles. Les avions ne s’écrasent jamais au même endroit, idem pour le gros lot qui ne se gagne jamais qu’une seule fois. Alors, à-Dieu-vat! Demain, ou un autre jour, je m’achèterai des parasurtenseurs, je m’occuperai sérieusement de mon système d’alimentation sans coupure, je m’achèterai un disque de 500 Go et je ferai mes copies de sauvegarde. Partout! Mais pour l’instant, j’ai d’autres chats à fouetter. Notamment, il me faut aller m’occuper de mon jardin; aujourd’hui le soleil semble vouloir être de la partie!
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.