L’omniprésence des technologies de l’information incite ou force les utilisateurs se servir de plusieurs appareils ou services à la fois dans le cadre du travail. Mais est-ce que le travail à la manière d’une pieuvre donne de meilleurs résultats en bout de ligne? Attention aux altérations cervicales…
En prenant un peu de recul, il est surprenant de constater à quel point les outils d’information et de communication ont changé la façon de travailler depuis une centaine d’années. Le téléphone, la radio, la télévision, le télécopieur, le téléphone portable, le téléavertisseur, l’ordinateur de table ou portatif, les interfaces utilisateur évoluées, la réseautique, le courriel, la messagerie instantanée et l’assistant numérique personnel constituent les principaux outils qui sont retrouvés, en quasi-totalité, dans les bureaux de travail, ou en partie dans les sacs et les poches des individus. Nous sommes bien loin de l’époque où le papier et le crayon étaient rois et maîtres.
Or, rares sont ceux et celles qui n’utiliseront qu’une de ces technologies à la fois, n’est-ce pas? En réalité, deux ou trois composantes ou fonctionnalités sont employées de façon simultanée par un nombre grandissant de personnes, qui croient ainsi pouvoir abattre plus de travail de cette façon. D’ailleurs, écrire un courriel en discutant au téléphone avec la radio en sourdine est une chose que plusieurs personnes réalisent de façon courante, sans oublier qu’une ou deux idées peuvent être jonglées en tête au même moment…
Toutefois, on peut s’interroger quant aux effets réels du travail multitâche sur la productivité. Si un célèbre président américain a déclaré qu’il ne pouvait marcher et mâcher de la gomme en même temps, quoi penser alors du travail réalisé lorsque la concentration n’est pas accordée en entier à un seul processus? Dans les milieux spécialisés dans l’étude des méthodes de travail, on commence à en douter, mais dans le domaine de la psychologie, les interrogations sont plus prononcées.
Il y a quelques mois, l’animateur Michel Désautels à la Première chaîne de Radio-Canada a réalisé un entretien avec Maryse Lassonde, professeure de neuropsychologie à l’Université de Montréal, à propos des impacts du travail multitâches (l’entrevue est disponible en archive audio).
« Des études en psychologie cognitive révèlent que c’est très contre-productif de faire plusieurs choses en même temps, et ce, surtout si vous passez d’une tâche que vous êtes en train de faire à une nouvelle tâche. Ce qui crée d’ailleurs, à la longue, un genre de situation où vous provoquez un stress énorme lié à tout ce qui est environnement de travail, parce que vous êtes surchargé de demandes, et que vous n’arrivez plus à fournir. Alors s’installe un niveau de stress qui, à la longue, peut vraiment provoquer des changements au niveau cérébral », a notamment déclaré la spécialiste.
Hum…Est-ce que cela expliquerait l’état de fatigue grandissant qui est ressenti par certaines personnes au terme de leur journée de travail?
Pis encore, d’autres spécialistes s’interrogent sur les impacts des technologies de l’information, qui bombardent des contenus en format audio et vidéo vers l’être humain. Selon l’American Academy of Pediatrics, il est fortement déconseillé de laisser les bambins écouter la télévision sur une longue période avant l’âge de deux ans, et de faire preuve de modération pendant les années suivantes. Selon certaines études, la télévision serait responsable de plusieurs cas de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Incidemment, les prescriptions de Ritalin aux enfants qui sont inattentifs et turbulents en classe sont à la hausse. Coïncidence? Hum… Et dire que l’on dit que les enfants d’aujourd’hui, habiles à manier les technologies de l’information, seront demain des « super-employés »…
Il serait irréaliste de retourner au crayon de mine et au papier, mais il serait toutefois sage d’utiliser les technologies de l’information avec modération. Certes, il est difficile de ne pas basculer de fenêtre sur un ordinateur pour aller fureter sur l’Internet au cours de la rédaction d’un texte ou l’analyse d’un chiffrier. Certes encore, il est ardu de ne pas céder aux pleurs d’un enfant qui veut regarder le petit écran. Mais il peut être bénéfique de prévenir les maux que peuvent entraîner le travail multitâche et l’exposition prolongée aux TIC en optant pour le travail en série linéaire… Car la guérison d’un ou d’une technozombie qui ne sait plus où donner de la tête, elle, est loin d’être une tâche agréable pour la personne concernée.
Et vous, faites-vous la pieuvre trop souvent?