La multiplication des plates-formes de diffusion média a généré de nombreux défis que devra surmonter l’industrie pour en tirer le meilleur avantage possible
Sous l’impulsion du développement des technologies du Web, les plates-formes de diffusion mises à la disponibilité des producteurs de contenus médiatiques (films, télévision, multimédia) se sont multipliées. On n’a qu’à penser à des phénomènes comme les Têtes à claques, qui exploitent avec succès les possibilités du Web, ou encore la télévision mobile pour saisir l’ampleur du changement en cours.
Or, le modèle d’affaires pour tirer avantage des nouvelles plates-formes de diffusion n’est pas le même que celui qui est associé aux plates-formes plus traditionnelles. Par conséquent, les producteurs qui veulent utiliser les nouvelles plates-formes, ce dont ils ont de moins en moins le choix, doivent relever le défi que représente l’adaptation de leurs modèles d’affaires aux caractéristiques commerciales des nouvelles plates-formes de diffusion pour que cette utilisation soit avantageuse.
C’est la conclusion qui ressort d’une étude, intitulée Les nouvelles plates-formes de diffusion média – des mutations profondes pour les industries de l’audiovisuel et du multimédia, que vient de publier l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) et le Regroupement des producteurs multimédia (RPM). Cette étude fait le point sur l’utilisation des nouvelles plates-formes de diffusion.
On y reconnaît qu’un nombre croissant d’options s’offrent aujourd’hui aux producteurs de contenus pour diffuser et exploiter commercialement leurs produits et qu’il est de plus en plus nécessaire, en considérant les limites du marché québécois et canadien, de multiplier le nombre de plates-formes de diffusion utilisées pour rentabiliser les contenus. En outre, la diffusion de contenus sur Internet tire une bonne partie de ses revenus de la publicité et de la commandite.
Les diffuseurs profitent aussi de la multiplication des plates-formes de diffusion qui leur fournit de plus grandes possibilités de revenus publicitaires. Les contenus diffusés sur Internet peuvent avoir été conçus spécifiquement pour cette plateforme ou avoir été adaptés pour elle.
Les distributeurs de contenus audiovisuels, telles les entreprises de câblodistribution ou d’exploitation de satellites, peuvent percevoir, quant à eux, dans l’utilisation de la plateforme Internet un moyen de s’affranchir de la lourdeur d’exploitation reliée à l’univers câblé ou satellitaire.
Les nouveaux joueurs, provenant de l’Internet, de l’informatique, des télécommunications et du logiciel, qui entrent sur le marché de la diffusion audiovisuelle, remettent en question les modèles d’affaires hérités des plates-formes de diffusion traditionnelles. Toutefois, à mesure que les besoins en contenu vidéo augmentent, ils finissent par adopter des pratiques similaires à celles des radiodiffuseurs et des distributeurs de signaux. Ils optent alors soit pour une tarification de base imposée à l’abonné, soit pour la perception des droits pour les émissions téléchargées, soit pour des revenus publicitaires ou de commandite.
Financement public
Les nouvelles plates-formes de diffusion n’échappent pas à la règle voulant que l’intervention gouvernementale soit indispensable au financement du système de radiodiffusion et de la culture. Afin de mieux refléter les changements en cours, au chapitre de la création et de la diffusion des contenus, les autorités gouvernementales sont en train de réviser le mode de fonctionnement du Fonds canadien de la télévision (FCT), qui est sous la juridiction du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Un groupe de travail a notamment recommandé d’assouplir les règles de financement et de les axer davantage sur le marché.
Comme il n’y a pas encore d’ententes sur les droits à payer aux artisans d’une émission lorsqu’elle est aussi diffusée sur Internet, il n’est actuellement pas possible, au Québec, de télécharger les émissions diffusées sur Internet. Au Canada anglais, une entente à l’effet que 3,6 % des revenus bruts distributeur seront versés aux artistes a été conclue récemment.
Dans l’attente que les multiples enjeux reliés à l’utilisation des nouvelles plates-formes de diffusion soient réglés, ici, les entreprises étrangères, notamment américaines, prennent une place de plus en plus importante sur ce marché. Il importe donc de reconnaître le rôle de plus en plus important que sont appelées à jouer les nouvelles plates-formes de diffusion sur le développement de l’industrie médiatique et d’agir en conséquence, et ce, rapidement.
Selon le rapport, il faut en premier lieu établir un lien entre les différentes plates-formes au sein des entreprises de médias, en créant un poste de direction à cet effet et en produisant les contenus dans une optique de diffusion sur plusieurs plates-formes différentes. Il faut également favoriser les alliances avec les nouveaux joueurs est aussi une voie que devraient privilégier les entreprises de médias plus traditionnelles.
Finalement, l’industrie aurait tout à gagner à instaurer des mécanismes de lutte à la diffusion non autorisée des contenus, des mécanismes de dépistage de talents fondés sur le Web 2.0 et des mécanismes reconnus de mesure de fréquentation des sites Web. L’avenir de l’industrie médiatique canadienne et québécoise en dépend.
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.