L’entreprise de fabrication d’équipements de télécommunications se place à l’abri de ses créanciers aux États-Unis, au Canada et en Europe, afin de tenter de réorganiser ses opérations et espérer survivre.
Les scandales et les déboires financiers des dernières années ainsi que la morosité économique actuelle semblent avoir raison de Nortel, l’un des plus vieux fabricants d’équipements de télécommunications. L’entreprise a annoncé qu’elle avait demandé aux tribunaux du Canada, des États-Unis et de l’Europe une protection contre ses créanciers à l’endroit de certaines de ses entités en exploitation dans ces marchés.
Au Canada, Nortel a invoqué la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour l’entité Corporation Nortel Networks Limitée et certaines autres filiales. La requête devrait être signifiée formellement aujourd’hui à un tribunal de l’Ontario. Aux États-Unis, certaines filiales dont Nortel Networks Inc. et Nortel Networks Capital Corporation ont soumis des requêtes en fonction du fameux chapitre 11 du Bankrutpcy Code, devant un tribunal du Delaware. Des filiales en activité dans la zone de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique devraient en faire de même au cours des prochaines heures.
De plus, Nortel demandera à des tribunaux l’application de restrictions liées à la négociation de certains titres boursiers aux États-Unis, afin de conserver des actifs d’impôts de valeur.
Ententes
Par ailleurs, l’entité canadienne de Nortel a établi une entente avec Exportation et développement Canada qui lui permettra de continuer à accéder à une facilité de soutien financier d’une valeur maximale de 30 millions de dollars américains, et ce, pour une période provisoire de trente jours.
D’autre part, Nortel a établi une entente avec le fournisseur Flextronics de Singapour afin que la chaîne d’approvisionnement soit maintenue durant la période des procédures judiciaires. Nortel se serait engagée à acheter pour 120 millions de dollars américains en équipement d’ici le 1er juillet 2009, mais l’entente doit être approuvée par un tribunal canadien. Flextronics, en 2004, avait fait l’acquisition des installations de fabrication de Nortel dans plusieurs pays, dont celles situées à Montréal. Depuis, Flextronics a fermé l’usine de Nortel qui était située à Saint-Laurent et congédié 700 employés.
Rassurer les clients
Sur le site américain de Nortel, on retrouve une section consacrée à la restructuration de l’entreprise, on retrouve diverses coordonnées de contact à l’intention des investisseurs, des fournisseurs, des partenaires, des médias, des employés retraités et des analystes de l’industrie.
On y retrouve aussi une courte lettre où le président-directeur général Mike Zafirovski justifie la démarche par une nécessité de « retrouver des assises financières solides une fois pour toutes », afin que Nortel puisse « devenir le chef de file du secteur des communications en bonne santé financière et entièrement dévoué » qu’il devait être.
On y retrouve également un vidéo où M. Zafirovski, après avoir répété en essence les informations écrites sur le site de l’entreprise, a fait état de l’évolution récente de l’entreprise.
« Quand je suis arrivé chez Nortel, je savais que de grands défis nous attendaient. Motiver la différenciation et la satisfaction des clients, avec la plus grande intégrité, sont des éléments clés de la renaissance de Nortel. Nous avons fait des progrès significatifs au cours des trois dernières années pour [nous] transformer. Nos clients l’ont vu, alors que nos employés et nos partenaires ont produit des réalisations significatives », a déclaré M. Zafirovski, en évoquant des innovations en réseautique sans fil, en solution de réseautique à 40 Gb/s, en voix sur IP et en convergence des communications.
Situation difficile
Après avoir indiqué que ces progrès ont été réalisés sur une nouvelle fondation reposant sur l’éthique, de fortes pratiques d’exploitation et de gains de productivité « dans les deux chiffres », le grand patron a justifié les démarches judiciaires entreprises en Amérique et en Europe.
« Comme plusieurs entreprises dans l’économie d’aujourd’hui, notre situation est devenue de plus en plus difficile au cours des derniers mois. Nous faisons face à des niveaux élevés d’endettement, une structure de coûts élevés et certains coûts historiques. La crise économique actuelle et la récession mondiale ont accentué ces enjeux et considérablement réduit nos options. Face à une vision difficile de l’année 2009 et des pressions constantes des marchés, nous devons agir maintenant pendant que nous avons encore des liquidités suffisantes pour financer nos opérations courantes », a-t-il affirmé.
M. Zafirovski a indiqué qu’il avait déjà contacté plusieurs clients et qu’il prévoyait passer plus de temps avec eux au cours des prochains jours et semaines afin de les assurer que l’entreprise « s’engage à bien les servir et à leur fournir la valeur et l’innovation sur lesquelles ils s’appuient pour exploiter leurs affaires. » Il a également souligné le travail réalisé par les vendeurs, les gestionnaires et les employés de l’entreprise.
« Nous restons très engagés envers le futur de Nortel. Nous sommes passionnés à faire tout en notre possible pour aider cette entreprise à émerger de ce processus comme une entreprise plus forte et meilleure dont nous pourrons tous être fiers », a-t-il conclu.
Nortel avait rapporté des revenus de 10,95 milliards de dollars américains pour l’exercice financier de 2007. L’action, dont la valeur a déjà atteint un sommet historique de 124 $ au Canada, valait moins de 35 cents au moment d’écrire ces lignes.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.