Les services administratifs d’une organisation sont souvent réticents à changer leurs processus alors qu’ils auraient beaucoup à y gagner.
Le thème
Alignement départemental aux objectifs stratégiques ou fusion corporative passent nécessairement par l’amélioration continue des processus. Les services administratifs et leurs multiples déclinaisons sectorielles ne peuvent y échapper sous un prétexte ou sous un autre, même si les dérives et les réticences y sont souvent aussi nombreuses que tenaces.
La problématique
La problématique la plus importante découle des composantes elles-mêmes de l’amélioration continue des processus concernés. En effet, comme partout ailleurs dans l’organisation, la technologie y impose, depuis les trente dernières années, un impact majeur et visible.
Aussi, en ce qui concerne l’administration, dès ses prémisses, la bureautique y a forgé son empreinte. Puis, ce fut le tour de la gestion électronique des documents, assistée par ordinateur (GDAO), suivi de la vague déferlante des logiciels intégrés (ERP). Et, enfin les diverses techniques électroniques de communication, dont font partie les outils administratifs de l’intranet. Cependant, comme dans le reste de l’organisation, la réticence aux changements y est tout aussi présente. Si cette dernière a dû céder sous le flux de la vague technologique, elle résiste vaillamment sur le plan de l’amélioration continue des processus et celui des facteurs humains.
Les faits
Régulièrement, et de par ses fonctions, l’administration corporative valide la progression effective de l’amélioration des divers processus d’affaires, au sein des directions de l’organisation. Mais c’est rarement le cas des processus administratifs en place. Malgré son âge quasi canonique et sa francisation il y a quelque 30 ans, l’EDI (Electronic Data Interchange) n’est toujours que peu ou pas employée, sauf par les très grandes organisations.
Pourtant, les avantages d’une telle pratique ne sont plus à démontrer et les outils sont généralement disponibles, simples et souvent gratuits, avec les technologies du Web. Malgré cela, un gestionnaire de haut niveau, ainsi qu’un stylo à bille qui fonctionne, sont toujours requis pour signer les chèques de paiement des factures et souvent les chèques de paie des employées, dans les PME locales. Alors que ces services sont largement disponibles, de façon simple, efficace et peu onéreuse, auprès de toutes les institutions financières.
De toute façon, le signataire autorisé procède les yeux fermés sur une liste de chèques prêts à signer, préparée par le service comptable. Cette même liste, déjà électronique, pourrait être transmise tout aussi électroniquement à la banque avec un bon à payer. Les fonds seraient alors transférés de compte à compte dans la nuit, pour le jour suivant. Ressources cléricales et responsables affairés y auraient gagné en temps et en efficacité, fournisseurs et employés, en satisfaction.
L’évolution
Cela prouve, une fois de plus, combien les réticences aux changements sont encore tenaces dans les organisations. Certes, au cours des dernières décennies, tous les secteurs d’activités, ou presque, ont passé leurs départements d’activités fondamentales (métiers) par une ou plusieurs phases de révision d’abord, puis d’améliorations continues de leurs processus. Sauf, généralement, le service administratif de l’organisation et ses diverses déclinaisons sectorielles. Le schéma comportemental vis-à-vis de ce point particulier est presque toujours le même. Les lacunes sont identiques. Et les manques sont régulièrement congrus. Cela semble être dû principalement à 6 grands phénomènes particuliers.
1- Une question de culture
De réputation, mais aussi dans les faits, très souvent les services de l’administration demeurent toujours le département le moins avant-gardiste et le moins imaginatif de l’organisation. Innovation et administration ne semblent pas aller de pair. Qui aujourd’hui dispose d’un programme de R&D en administration? Pourtant, toute connaissance, pratique ou processus, ne peuvent-ils pas être améliorés?
2- Une question de protectorat
L’administration est classiquement très proche de la haute direction, tant par ses fonctions, ses responsabilités, ses besoins en décisions, que par l’organigramme corporatif. L’administration est également le département de l’organisation sur lequel la haute direction fait le moins de pression et auquel elle octroie un haut degré de confiance. L’administration se trouve alors sous une sorte de « protectorat » corporatif, non formel et non verbalisé.
Pourtant, l’administration de par sa position phare devrait être un modèle d’efficacité et d’efficience corporative pour l’ensemble de l’organisation. La révision des processus, puis leur amélioration continue, devraient y figurer comme un « savoir être » naturel et permanent. De même, la pratique des métriques en la matière devrait y être un réflexe comportemental. L’administration devrait participer tout autant que les autres départements à l’atteinte des objectifs corporatifs, en plus d’être un modèle convaincant.
3- Une question de perception
Même si, quelque peu hautainement parfois, certains responsables de services administratifs se targuent d’être incontournables, la réalité semble bien différente. L’administration, contrairement à la légende urbaine, ne fait jamais partie du secteur d’activités fondamentales, celui que l’on caractérise comme le « métier » de l’organisation (core business). Aussi, l’administration est-elle un service auxiliaire. Même si elle demeure obligatoire, et supporte en permanence certaines fonctions vitales des aspects « métiers » organisationnels. Comme c’est le cas de plusieurs autres services fonctionnels corporatifs, dont les TI.
Ainsi, c’est en sa qualité de services fonctionnels que l’administration corporative pourra être impartie, toute ou en partie. Cependant, suivant la conjoncture environnementale de l’organisation, certains aspects de l’administration peuvent avoir des impacts directs sur certaines composantes stratégiques, comme les savoirs, la propriété intellectuelle et les compétences des ressources humaines.
4- Une question d’évaluation
L’administration est rarement jugée sur son impact spécifique sur les finances corporatives. « L’administration c’est l’administration. L’organisation en a besoin et elle ne sautait s’en passer », clameront, haut et fort, plusieurs dirigeants. Certes, il n’est pas question ici de clouer l’administration au pilori. Mais, il est important de rationaliser les choses et de s’assurer que tous les équipiers internes de l’organisation soient conscientisés aux mêmes réalités. Ils doivent voir leur position corporative respective par le même bout de la lorgnette.
Ainsi, n’en déplaise à ses partisans, l’administration n’est pas un centre de profit pour l’organisation, mais bel et bien un poste de coût. Sur cette constatation, l’organisation peut, pour en limiter l’impact, en impartir certains pans, ou en acquérir les fonctionnalités en mode ASP. La position de l’administration pourrait alors être évaluée en fonction des ratios supportant le trinôme : coûts-services-éléments confidentiels et stratégiques.
5- Une question d’influence
Un des rôles cruciaux de l’administration est de supporter par ses activités la gestion des différentes ressources de l’organisation. Elle va en administrer les intrants et les extrants. Pour se faire, l’administration a régulièrement les mains plongées dans le « confidentiel » et le « stratégique », ce qui lui confère une position de pouvoir et par conséquent d’influence. L’administration a une action directe, donc stratégique, sur les principales ressources de l’organisation.
Cependant, dans les défis actuels et futurs de l’administration se trouvent celui d’administrer harmonieusement cette multitude de services internes, destinés à la vie corporative des ressources humaines de l’organisation. C’est l’expression d’un tel talent qui positionnera le niveau de l’harmonie et la sérénité de l’aspect social de l’organisation. Voilà un défi, s’il est souvent passé inaperçu, va devenir de plus en plus crucial et stratégique dans ces prochaines années de pénurie, de concurrence et de rétention difficile de main d’œuvre.
6- Une question de participation
Au sein de toutes organisations actuelles, les TI et les directions « métiers » sont rongées par la qualité totale, l’amélioration continue des processus, le « juste à temps », le « plus avec moins », les bonnes pratiques, ISO 20000 et ITIL, le cas échéant. Aussi, les services de l’administration, même s’ils ne font pas partie du secteur d’activités fondamentales de l’organisation, se doivent également d’aligner, à défaut de fusionner, leurs objectifs et leurs actions sur ceux de l’organisation. Pour cela, ils doivent reprendre à leur compte l’énumération précédente et en faire également leur liste de vœux « sacerdotaux ». Aucun processus, aussi anodin soit-il, ne devrait y échapper.
La conclusion
Peut-on encore être responsable de l’administration corporative, ou bien peut-on diriger un service administratif départemental d’une organisation, et ne pas être sensibilisé à l’utilité de réviser et d’améliorer régulièrement ses processus, afin de moderniser ses tâches? Est-il possible d’opérer au sein d’une organisation sans être en permanence obnubilé par les efforts nécessaires pour aligner ses objectifs avec les objectifs corporatifs?
L’administration se révèle être, encore bien plus que les TI, une candidate toute désignée pour en arriver à une fusion corporative intime, permettant un travail collaboratif, et interopérable avec les autres départements. Il est grand temps que l’administration corporative, avec un grand « A », en arrive à assumer une part à sa hauteur de l’efficacité et de la rentabilité de l’organisation. Il est temps de voir les choses autrement, et avec un peu de positivisme, de transformer ce poste de coût en centre de profit, afin de cesser d’être « un mal nécessaire ». Bonnes pratiques, innovations administratives imaginatives et saine gestion.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.