À Webcom-Montréal, le spécialiste Mitch Joel a suggéré aux organisations d’amorcer leur utilisation des médias sociaux en faisant table rase du passé. Il a affirmé que l’avenir du marketing numérique passait par la relation directe avec le consommateur.
Au cours d’une allocution prononcée à la conférence Webcom-Montréal, Mitch Joel, qui est le président de l’agence montréalaise Twist Image, a indiqué qu’il était rare que des marques avec lesquelles il collabore soient convaincues que le monde ait changé avec l’essor des médias sociaux.
« Pourtant, lorsque vient le temps de réserver un voyage ou de trouver un livre, les gens se connectent au monde numérique à la maison… mais on dirait que leur pensée s’efface dès qu’ils entrent au bureau », a-t-il souligné.
M. Joel, qui est également chroniqueur, auteur et conférencier, a évoqué le conquérant Hernán Cortés qui, lors de son exploration du Mexique au 14e siècle, aurait brûlé ses bateaux pour prévenir la défection de ses membres d’équipage.
En modernisant l’expression « brûler les bateaux », Mitch Joel a suggéré aux organisations d’appliquer en quelque sorte une commande « CTRL-ALT-DEL » et de réinitialiser leur marketing et leurs communications à l’égard des médias sociaux.
Ainsi, les organisations devaient faire table rase des pratiques du passé et amorcer leurs initiatives dans les médias sociaux d’une façon différente.
« Les choses ont changé et il faut établir un nouveau parcours, a-t-il indiqué. Les publicités en bandeaux ne sont que des publicités, le marketing par courriel n’est que du marketing… Mais la plateforme est nouvelle : si on ne pense pas à la façon de se réorganiser pour prendre profit de cette nouvelle plateforme, alors nous échouerons. Si on ne pense pas à la façon par laquelle nous y construirons une marque, nous raterons la chance qui se présente à nous. »
Relation directe
Le spécialiste a évoqué une donnée de la firme Comscore qui estimerait que le nombre de clics sur les bannières publicitaires aurait diminué de moitié entre 2007 et 2009, et que le nombre restant de clics serait produit par 7 % de l’auditoire. À son avis, cette forme de publicité n’est plus efficace.
M. Joel a affirmé que l’avenir du marketing dans l’univers numérique se situait plutôt dans la relation directe entre la marque et le consommateur.
« Les grandes marques se font essorer par les détaillants qui les gouvernent en les forçant à réduire leurs marges de profit. Pourquoi Apple est-il entré dans le commerce de détail ? Pour établir une relation directe avec le consommateur. Les marques qui se réinitialiseront seront celles qui penseront à leur façon d’interagir avec les consommateurs », a indiqué M. Joel.
Le spécialiste a ajouté que les relations prennent du temps à être construites, et que les individus sont intéressés à établir une relation avec des êtres humains, et non avec des marques.
D’autre part, en évoquant le recours à un téléphone évolué et à un service express d’achat en ligne pour réaliser des achats impulsifs, l’expert a affirmé que le commerce en ligne « aura l’air d’une blague » en comparaison avec le commerce mobile qui, à ses yeux, constitue l’avenir des relations mercantiles.
« Mais la réalité est que la plupart des entreprises sont totalement égarées », a indiqué M. Joel, qui a mentionné l’échec de certaines organisations qui avaient confié leur stratégie de marketing dans les médias sociaux à des personnes de 24 ans simplement parce qu’elles avaient un compte sur Facebook – « C’est comme si on m’engageait à titre d’électricien parce que je sais comment changer une ampoule ! »
« Comment peut-on exiger de l’innovation, de la créativité et une pensée radicalement différente si on ne peut l’imaginer ? Avoir une vision est un peu comme recevoir une transfusion : il faut porter attention aux aventures des nouveaux consommateurs », a suggéré M. Joel.
Consommation mobile
L’auteur du livre Six Pixels of Separation, publié en 2009, a souligné que les organisations se devaient d’entamer rapidement leur réflexion à l’égard de l’utilisation des médias sociaux aux fins du marketing, car pour la première fois de l’Histoire, les individus prennent les devants sur les marques quant à l’adoption d’un canal de communication.
D’autre part, M. Joel a évoqué les ventes de téléphones évolués qui sont dorénavant supérieures à celles des ordinateurs, la popularité croissante de la réalité augmentée avec ses couches d’information qui se superposent aux images captées sur les écrans des appareils mobiles, et l’instantanéité de l’accès au contenu et aux applications qu’offrent les tablettes électroniques.
L’expert a fait état d’une meilleure relation et d’une synergie accrue entre le consommateur et les technologies de l’information, au moyen du toucher et de la convivialité.
« La technologie devient de plus en plus invisible et il se passe un grand détachement (untethering) : cela change la façon par laquelle les consommateurs et les entreprises traitent avec le marketing. Les organisations devraient avoir une seule stratégie qui serait fondée sur le mobile, le web et le tactile. »
Agir différemment
Enfin, M. Joel a constaté que des organisations appliquaient des approches traditionnelles de marketing aux nouveaux canaux de communication et se demandait pourquoi leurs initiatives n’étaient pas concluantes.
Il a donné l’exemple des sites web transactionnels dont seulement 5 % permettraient aux internautes de dire tout ce qu’ils pensent des produits d’une entreprise. Pourtant, sur 150 milliards d’évaluations en ligne, la moyenne des notes serait de 4,3 sur 5 étoiles.
M. Joel a affirmé qu’une évaluation négative pouvait mieux se traduire en vente qu’une évaluation positive, parce qu’elle renforcerait les raisons pour lesquelles une personne ne devrait pas se procurer un produit, mais aussi les raisons pour lesquelles ledit produit conviendrait à d’autres personnes.
« Si votre produit est pourri, les médias sociaux ne vous sauveront pas, tout comme la publicité et les relations publiques ne vous sauveront pas », a souligné M. Joel.
De l’avis du spécialiste, le véritable défi des marques commerciales réside dans le fait qu’elles ne veulent pas d’interaction réelle, mais plutôt que le consommateur « se taise et achète ». Il a affirmé que les marques devront prendre conscience que les individus parlent de leurs produits dans les médias sociaux et qu’elles ont tout intérêt à engager la conversation avec les consommmateurs.
« Votre marque n’est pas ce que vous dites qu’elle est, mais plutôt ce que Google, Facebook, Twitter, ou LinkedIn en disent… », a indiqué M. Joel, en paraphrasant l’éditeur du magazine américain Wired Chris Anderson.
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.