Une communauté d’affaires entièrement dédiée aux logiciels libres : ce portail virtuel québécois a vu le jour grâce à Laval, une ville-région qui entend promouvoir le libre comme outil de développement économique et de développement du savoir.
« C’est avec fierté que la Ville de Laval voit naître sur son territoire un projet comme LogiqueLibre. Un projet à l’image de notre ville, un projet d’avenir! En effet, vous le savez tous, Laval est une ville qui innove et avec LogiqueLibre, encore une fois, Laval mise sur l’innovation. Dans un contexte où on ne cesse de parler de délocalisations, de pressions concurrentielles outre-mer, d’effritement de la base manufacturière, bref, dans une économie en pleine mutation, il nous faut répéter la nécessité d’innover. »
La personne qui parle ainsi n’est pas le chef d’une entreprise de services en logiciels libres, mais Jocelyne Guertin, une conseillère municipale et membre du comité exécutif de Laval. C’est que la municipalité appuie et loue l’initiative de « la création de la première communauté d’affaires au Québec entièrement dédiée aux logiciels libres ».
Cette communauté est l’œuvre de l’Association des professionnels en développement économique de Laval (APDEL). Le projet de communauté d’affaires est soutenu par le Centre local de développement (CLD) de Laval (subvention de 25 000 $) et Industrie Canada par le biais du programme Francommunautés virtuelles (75 000 $). À ces bailleurs de fonds s’ajoutent des partenaires locaux comme Laval Technopole, le Collège Montmorency et un organisme français voué à la mutualisation et au maintien d’un « patrimoine commun de logiciels libres utiles aux missions de service public ».
Libres = dollars + savoir-faire
Présentation des logiciels libres, liste de logiciels, articles de fond, nouvelles, forum, répertoires – dont celui des prestataires dans chaque région du Québec -, calendrier de formations, etc., LogiqueLibre veut informer, inciter, partager pour « positionner » le « logiciel libre comme solution de rechange crédible aux logiciels propriétaires » et favoriser « la création de liens entre les PME et la communauté d’affaires du logiciel libre au Québec ».
Selon Damien Cloutier, un administrateur de l’APDEL, le libre constitue une occasion d’affaires : « Nous voulons offrir aux entreprises de Laval et du Québec des outils leur permettant d’accroître leur compétitivité tout en effectuant des économies et elles y trouveront leur compte, car l’approche libre est créatrice de valeur ». Encore faut-il l’utiliser, note Tien Tai Le, conseiller et responsable du projet. « Des études récentes ont démontré que 35 % des entreprises américaines et 40 % des entreprises européennes utilisent un ou des logiciels libres, souligne-t-il. Un sondage maison tenu récemment démontre que ce taux d’utilisation ne dépasse pas 25 % auprès des PME de Laval. Nous voulons rattraper ce retard ».
Au-delà des économies à réaliser, il y a l’idée d’utiliser les logiciels libres comme instrument d’indépendance et de développement économique. À cet égard, l’exemple de la ville de Laval est éloquent, même s’il n’a pas été évoqué lors de la conférence de presse du 18 juin. Selon André Dancause, responsable des technologies à la Ville et superviseur de quelque 150 systèmes informatiques différents, l’accès au code source des logiciels libres permet de les adapter aux besoins spécifiques de la ville et, partant, de développer ici un savoir-faire qui dépasse de beaucoup la simple installation et configuration des logiciels.
Allant encore plus loin, André Dancause voit dans ce développement des compétences un moyen de se libérer des prestataires uniques de support et des frais élevés que beaucoup exigent pour des services dont la qualité laisse quelquefois à désirer. En d’autres mots, le libre peut être la source de la création de PME et d’emplois au Québec. Concrètement ce mouvement est déjà en marche à Laval où des serveurs Linux sont progressivement installés et pour lesquels le support de haut niveau est en partie déjà réalisé par des entreprises du Québec.
Contrats sans appel d’offres
À l’occasion du lancement de LogiqueLibre, des personnes présentes à la conférence de presse ont évoqué lors des discussions informelles un article paru dans le quotidien Le Soleil de Québec relativement au fait que le gouvernement du Québec achète des logiciels sans procéder à des appels d’offres.
Certains ont particulièrement mal réagi aux propos d’un haut fonctionnaire gouvernemental qui a indiqué que l’industrie « vit souvent sur le coin de la table ». Mais ce qui a surtout soulevé l’ire de plusieurs, c’est que, toujours selon le fonctionnaire en question, des « contrats parapluie » sont signés de sorte qu’un ministère peut automatiquement acheter de nouvelles versions de ses logiciels auprès des éditeurs de logiciels sans qu’il y ait appel d’offres.
Ces éditeurs, on le sait, sont presque tous étrangers. On espère que cette situation ne perdure pas et qu’une véritable concurrence apparaisse. C’est le voeu de la conseillère municipale Jocelyne Guertin, qui voit dans les logiciels libres un « levier pour développer et renforcer des compétences locales, régionales et provinciales dans le domaine des technologies de l’information (…) pour que non seulement nos investissements se fassent ici, mais qu’ils demeurent ici. »