Il existe une foule de petits logiciels divers, développés dans un but précis. Ils sont efficaces, bien conçus, font usage de technologies récentes, etc. Sont-ils utiles? Notre chroniqueur prend, parmi d’autres, l’exemple des logiciels de gestion de collection.
Pour vous décrire en un mot ce dont j’aimerais vous entretenir aujourd’hui, il me faudrait oser lancer un néologisme tel « futiliciel » ou, si je veux être encore plus original, « superfétatoiriciel ».
Je vous parle d’un beau produit, d’un logiciel peu onéreux, simple à comprendre et agréable à utiliser, avec lequel vous passez des heures et des heures à vous bricoler un système absolument merveilleux, jusqu’à ce que vous vous aperceviez que ça ne vous avance à peu ou pas dans la vie. C’est le cas de quatre excellents titres Bruji que je viens de tester, Bookpedia, DVDpedia, CDpedia et Pocketpedia, des titres vendus 19 $CA séparément.
La problématique? Nous sommes plusieurs à aimer nous détendre dans le confort de notre foyer en lisant, en regardant un film, ou en écoutant de la musique, des pratiques relaxantes, voire enrichissantes sur le plan intellectuel, pouvant ne coûter qu’une fraction d’une sortie au centre-ville. De plus, nous ne sommes pas tous abonnés à une bibliothèque, membres d’un club vidéo, clients du iTunes Store ou adepte de Limewire. Les statistiques démontrent que nous sommes nombreux à acheter et à accumuler.
Car qui dit livres, films et musique, dit collection de bouquins, de DVD ou de CD, et qui dit collection, dit envahissement, capharnaüm, titres égarés, amis emprunteurs et perte de contrôle. On s’est tous posé ces fameuses questions : « À qui ai-je prêté tel bouquin? », « Où ai-je mis tel film? » ou « Me semblait que j’avais ce Eric Clapton? »
La solution? Comme nous disposons à la maison d’un système informatique, il suffirait de lorgner du côté des logiciels de gestion de collection, des produits de catalogage en gain de popularité sur Internet et, pour la plupart, disponibles en versions d’essai. Je vous parle de programmes souvent multiplateformes (incluant Linux), comme Readerware, Delicious Library, Library Thing ou Collectorz.
Toutefois, c’est vraiment avec les produits de Bruji, des logiciels indubitablement profondément et lourdement Mac, que je suis tombé en amour (pendant quelques heures, s’entend!). Ils me sont apparus comme étant les mieux faits, les plus fiables et agréables à utiliser. Tandis que Bookpedia permet de gérer sa collection de livres, DVDpedia en fait autant pour ses films, CDpedia pour ses CD musicaux et Gamepedia pour ses jeux. Quant à Pocketpedia, il synchronise toutes ces merveilles dans son iPod ou son iPhone.
Comme leur concurrence, ces logiciels font essentiellement deux choses. Ils reconnaissent un titre (livre, jeu, CD ou DVD) et en présentent une fiche parfois très complète récupérée chez les grands détaillants en ligne (par exemple les différentes propriétés Amazon ou sur des sites de référence). Il en résulte une base de données où on peut classer ses entrées à sa façon préférée. De plus, il est possible d’ajouter une foule de champs plus particuliers. Par exemple, on pourra, sur chaque fiche, inscrire une cote de bibliothèque relative à l’endroit, dans notre maison (sur quelle tablette, dans quelle pièce, etc.) où on a rangé l’ouvrage, on pourra indiquer à qui et à quelle date on l’a prêté, on pourra déterminer s’il est d’intérêt familial ou adulte, etc..
Quant aux langues acceptées, outre l’anglais, la ligua franca des choses du Net, il y a l’espagnol, le français, l’allemand, l’italien et le hollandais. Pour les amateurs de romans, de musique ou de films québécois, cela signifie que l’époque où tout n’était qu’anglo-américain est révolue.
Par exemple, DVDpedia a reconnu du premier coup « 20 h 17 rue Darling », un film (pas si tant connu qu’il ne le devrait) réalisé en 2003 par Bernard Émond, mettant en vedette Luc Picard. Le problème, c’est qu’il a prétendu que la date de parution était juin 2008. Même irritant avec Bookpedia du côté d’Adélaïde de Marie Laberge. On y apprend notamment ce qui suit (incluant la faute d’orthographe) : « Ce livre est le début d’une série de trois à posséder à tout pris. » En réalité, Adélaïde est le tome 2 d’une trilogie. Ce qui signifie que les résultats obtenus peuvent ne pas être vérité d’évangile et qu’il faut tout vérifier.
Évidemment, la qualité des informations obtenues est celle qui figure aux sources que sont Amazon et autres sites de références.
Pour générer une fiche, les Bruji proposent trois méthodes : un petit lecteur USB de code à barres, une caméra Web iSight d’Apple (celles de Logitech et de Microsoft que j’ai essayées ne sont pas reconnues par le logiciel), ou le bon vieux clavier. La première façon de procéder est vraiment la plus simple; clic, c’est fait. C’en est stupéfiant! La seconde est la plus bizouneuse; il faut être patient; ça marche rarement du premier coup. Quant à la troisième, elle vient pallier aux deux premières dans l’éventualité où il n’y a pas de code à barres sur le produit ou que ledit code n’est pas reconnu. Ça arrive. Il suffit de compléter un champ ou deux, comme le nom de l’auteur ou le titre. Dès lors, le logiciel recherche le reste.
Par exemple, le best-seller international « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez a été reconnu d’un simple clic de mon petit lecteur. Quelques secondes plus tard, une fiche complète (merci Amazon.fr) apparaissait sur cette édition précise. Exactement la même satisfaction avec n’importe quel film des frères Coen.
Mais petite variante dans le cas du « Pavillon de femmes » de Pearl Buck. Mon édition datait des années 1970 et n’avait ni code à barres, ni numéro ISBN. J’ai donc dû taper « Pearl Buck » dans le champ « auteur » et, dès lors, tous les titres répertoriés sous Pearl Buck dans les sources d’info du logiciel se sont affichés. Je n’ai eu qu’à cliquer sur le bon. Seule vraie ombre au tableau, la pochette n’était pas la même. Elle était celle d’une réédition datant des années 1990. Même scénario dans le cas du roman à succès de René Fallet, « Le triporteur », mon édition du bouquin remontant à la fin des années 1960.
Par contre, dans le cas de « La femme qui boit », un autre excellent film de Bernard Émond, il m’a été impossible de trouver de l’info. J’ai dû compléter la fiche à la main, tout comme d’ailleurs, ce merveilleux CD lancé l’automne dernier par Gilles Bélanger, « Douze hommes rapaillés ». Mais encore ici, le logiciel Bruji a tout prévu. En utilisant la caméra Web iSight, on peut photographier la pochette du livre, du CD ou du film et elle s’intègre dans la fiche. Mais la procédure est ici rudimentaire; il ne semble pas possible de bidouiller la photo résultante dans un utilitaire graphique.
Quelle que soit la méthode utilisée, le résultat est très beau et très incitatif à y consacrer des heures de loisir. L’interface de présentation est celle de iTunes, incluant l’affichage Cover Flow. On peut aussi passer au mode plein écran et de consulter les fiches avec une zappette Apple Remote.
La question qui se pose ici est : « que faire de cette info, laquelle n’est pas fiable à 100 %? » Dans mon cas, moi qui possède quelque 5 000 bouquins, la réponse est « rien ». Je connais mes livres, je sais où et comment ils sont rangés et, quand j’en prête un, je place un carton avec le nom de l’emprunteur à l’endroit où était le livre dans mes étagères. Même système pour mes films sur DVD. Pour moi, il est plus simple de chercher un livre dans ma bibliothèque (il y a une logique de classement facile), que de le faire en allant m’asseoir devant un ordi. Bookpedia a beau offrir une base de données de mes livres, si je les ai mal classés physiquement, s’ils traînent partout dans ma maison, je ne suis guère mieux avancé.
De toute façon, je n’ai ni le temps, ni le goût, ni le volume suffisant, pour imaginer et implanter un système de classement avec cotes de rayonnage que j’ajouterais manuellement à chaque nouvelle inscription. L’inconvénient, c’est que si, en mon absence, quelqu’un cherche un ouvrage, il aura beau se faire confirmer par Bookpedia ou DVDpedia que je l’ai et que c’est un produit génial. S’il ne sait où je l’ai rangé, il risque de ne pas le trouver.
Un autre argument veut qu’il soit possible d’oublier de quoi il est question dans tel livre, dans tel film. Auquel cas, une consultation de sa base de données vient régler le problème. Cela est vrai, mais on peut tout aussi bien se contenter de taper le nom du film ou du livre dans Google, ce qui arrive au même et, possiblement, à mieux.
Quant à ma musique, j’ai cessé de gérer des CD depuis qu’iTunes (Apple) est apparu. Je les ai tous copiés en format AAC (et je continue de le faire au fur et à mesure que j’en achète). Ce logiciel d’Apple est le meilleur gestionnaire musical que je connaisse. Pour tout vous dire, quand mon lecteur de CD, celui du salon, a sauté l’an dernier, je ne l’ai pas remplacé.
Tout cela pour dire qu’en moins de deux minutes, il est effectivement possible de balayer la couverture d’un livre ou le boîtier d’un film, pour en créer une fiche et passer au titre suivant, même en complétant un champ ou deux à la main. Mais, pas dans mon cas. Pour qu’il en soit autrement, il me faudrait ne pas être obligé de vérifier la qualité de l’info ajoutée à la fiche. Il me faudrait également avoir mis au point un système de repérage physique de livres ou de films comme dans une vraie bibliothèque. En ce sens, l’exercice proposé par Bookpedia ou DVDpedia s’avère inutile. Beau, agréable, mais inutile.
Mais alors pourquoi un tel engouement? Peut-être parce qu’il est possible de transférer jusqu’à mille titres de sa base de données « pedia » sur son iPod ou son iPhone grâce au logiciel Pocketpedia. Cela permet de vérifier dans une boutique si on possède tel livre, tel film, tel CD, tel jeu, avant de l’acheter, ou de l’ajouter à la liste de ceux que l’on souhaiterait se procurer. Sans compter qu’il existe de petites applications particulières aux téléphones intelligents, p. ex. SnapTell, qui, grâce à l’appareil photo inclus dans ce genre de bidule, saisissent la couverture de livre ou du film et enclenchent une recherche sur le Net. Il en résulte des pages d’info où on apprend ce que la critique en a dit, combien ce produit se vend, etc. Évidemment, personne ne va s’acheter un Storm ou un iPhone 3G pour cette raison. Mais, bon, si on en a déjà un, pourquoi ne pas en profiter? Dans mon cas, après quinze essais successifs, il m’a fallu en moyenne trois minutes et demie pour photographier un livre avec mon iPhone et être en situation de consulter l’info obtenue.
De retour chez soi (à moins qu’on ait l’irrésistible impulsion de le faire directement de son iPhone – iPod touch), on peut magasiner en ligne le produit culturel convoité. On peut même en profiter pour vendre quelques titres dont on veut se débarrasser. Il devient ainsi facile de dynamiser sa base de données, à la limite, de la partager, d’intéresser ses amis aux titres qu’elle renferme, de zieuter vers les leurs. Certains logiciels, par exemple Library Thing, rendent possible cette sorte de réseautage social.
Oui, mais si on n’entend pas passer à l’ère de la téléphonie 3G, pourquoi devrait-on se lancer dans les frais de se créer une base de données « *pedia » ou tout autre de la même farine? Possiblement parce qu’on a besoin d’inventorier ses biens. Une bibliothèque c’est génial, mais son rendu électronique dans une base de données aussi belle que celle proposée par Bruji, c’est encore mieux, non? Ça pourrait être utile dans le cas d’une réclamation d’assurance, non?
Moi? Je n’aime pas les inventaires de biens personnels et je suis loin d’être convaincu de la nature irréfutable des prétentions d’une base de données « *pedia » présentée à un assureur. Bref, je maintiens mon verdict. Les logiciels de catalogage de collections dont ceux de Bruji sont des produits simples, beaux, amusants et très agréables à utiliser, mais, en pratique, fort peu utiles. D’où mon néologisme de « futiliciels ».
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.