Les TIC contribuent au réchauffement de la planète, tout en offrant des moyens de le réduire. C’est du moins ce qui ressort d’une récente conférence sur le thème de l’Internet vert de prochaine génération.
Personne ne remettra en question l’impact environnemental des technologies de l’information et des communications (TIC), qui génèrent une quantité substantielle de déchets dangereux , en plus de contribuer au réchauffement de la planète. En fait, les spécialistes estiment que 3 % à 4 % des émissions de gaz à effet de serre, qui sont responsables du réchauffement de la planète, sont dues aux TIC, plus particulièrement à l’énergie consommée pour faire fonctionner les divers appareils et aussi pour les refroidir.
Mais l’impact environnemental des TIC n’est pas que négatif, et c’est le message que voulaient passer les organisateurs d’un Atelier sur l’Internet vert de prochaine génération (IVPG), en l’occurrence Prompt, qui avait lieu à Montréal cette semaine. « Je ne voudrais pas que les gens aient une image négative des TIC, en ne retenant que leur impact environnemental négatif », souligne Charles Despins, président et directeur général de Prompt, un organisme à but non lucratif qui aspire à augmenter la compétitivité du secteur québécois des TIC par l’entremise de partenariats industrie-université en R&D. « Il y a bien plus que ça. Mais parfois, les gens ne perçoivent pas le lien qu’il y a entre la protection de l’environnement et les TIC. Il y a douze mois, personne ne parlait d’informatique verte. »
Bien que l’impact environnemental de la production de déchets électroniques soit tout sauf négligeable, c’est l’apport des TIC au chapitre du réchauffement de la planète qui préoccupait le plus la quinzaine de conférenciers qui participaient à l’événement, dont c’était la première édition.
« Bien plus que l’efficacité énergétique, c’est le changement climatique qui est le principal défi environnemental aujourd’hui, de lancer Bill St. Arnaud, directeur de la recherche pour Canarie. Parfois, certaines initiatives s’avèrent plus efficaces au niveau de la consommation d’électricité à l’utilisation, mais au total elles contribuent à accroître les émissions de gaz à effet de serre. C’est par exemple le cas des ampoules fluocompactes qui consomment moins d’énergie, mais dont la fabrication génère plus de gaz à effet de serre que les ampoules conventionnelles. »
Créé dans la foulée d’une réflexion mondiale ayant cours actuellement sur l’Internet de prochaine génération, l’événement a réuni 75 personnes, issues d’entreprises, d’universités et d’organisations gouvernementales canadiennes, américaines et chinoises, pour discuter des moyens permettant de réduire l’empreinte environnementale des TIC et plus particulièrement de l’Internet de prochaine génération. C’est que la mise en place d’une nouvelle infrastructure Internet sera bientôt nécessaire pour répondre aux besoins en bande passante qui augmentent de façon exponentielle. Le coeur du réseau Internet (backbone) n’a pas subi de modification majeure depuis 30 ans.
« L’infrastructure actuelle ne pourra pas accommoder les besoins futurs en bande passante, ça, c’est clair. Partout dans le monde, on est en train de repenser l’architecture d’Internet et on s’est dit que nous pouvions, ici, à Montréal, donner une tangente environnementale à la réflexion. Tant qu’à mettre sur pied une nouvelle architecture, pourquoi ne pas la rendre moins dommageable pour l’environnement? C’est pour ça qu’on a créé cet atelier », d’expliquer Charles Despins.
Une partie de la solution
Si les TIC ont une part de responsabilité dans la détérioration de l’environnement, elles constituent aussi une partie de la solution à ce problème, en rendant possibles de nouvelles façons de faire ayant moins d’incidence sur le réchauffement de la planète. Des experts cités par Prompt estiment, en fait, que les TIC et les applications connexes peuvent réduire de 15 % les émissions de gaz à effet de serre. C’est notamment le cas des outils de télétravail qui, en limitant les déplacements, permettent de réduire la quantité de gaz carbonique (CO2) produite, lequel a une incidence sur le réchauffement de la planète. En permettant d’accroître la productivité et l’efficience de certaines activités, les TIC permettant aussi de diminuer la consommation de ressources.
« Les TIC permettent de repenser les façons de faire, pour être capable de réduire de façon globale l’impact environnemental de l’activité humaine et d’atteindre l’objectif de Kyoto, qui est de deux tonnes de gaz carbonique par personne par année », précise Bill St. Arnaud. « Les TIC peuvent aider à atteindre 90 % des objectifs de Kyoto d’ici 2012 », de renchérir Charles Despins.
Au niveau plus spécifique de l’Internet de prochaine génération, les conférenciers ont proposé diverses avenues permettant de réduire l’impact environnemental d’Internet, tout en accroissant sa performance. Parmi celles-ci, il y a un recours accru aux techniques de virtualisation et de segmentation des ressources, ce qui permettra un plus grand partage de celles-ci entre les utilisateurs et donc d’optimiser leur utilisation. « Les ressources seront attribuées à différents réseaux virtuels de façon dynamique, en fonction de la demande », d’expliquer Mathieu Lemay, président d’Inocybe, qui préconise aussi l’installation des centres de données dans les régions nordiques, où les besoins en équipement de refroidissement sont moins importants que dans les grands centres urbains.
Plus intelligent, plus efficace
En se référant au réseau sans fil d’Ericsson, qui est d’une grande complexité, Pierre Boucher, directeur R&D chez Ericsson Canada, croit pour sa part qu’il faut accroître l’intelligence d’Internet. « Un réseau sans fil comme le nôtre ne peut être géré par des êtres humains, c’est physiquement impossible. On n’a pas le choix d’automatiser le processus et de recourir à des techniques d’intelligence cognitive. »
Cette intelligence cognitive pourrait aussi être intégrée aux divers appareils qui supportent le réseau et permettent d’y accéder, tels les ordinateurs, les serveurs, les routeurs et les téléphones mobiles, afin d’optimiser l’utilisation de l’énergie. Selon une étude citée par Bill St. Arnaud, le routeur constitue l’équipement qui contribue le plus au réchauffement de la planète et l’ordinateur de table, celui qui y contribue le moins.
Dans le même ordre d’idée, on pourrait aussi accroître l’intelligence des autres systèmes ayant des composantes électroniques, tels que les édifices, les voitures et les appareils électroménagers, toujours dans la perspective de réduire la consommation énergétique. « Certaines autos sont plus intelligentes que les bâtiments, alors que 40 % de la consommation d’énergie totale aux États-Unis provient des édifices, déplore Ron Dembo, président fondateur de ZeroFootPrint. L’utilisation de l’électricité dans les édifices est peu intelligente. On a beaucoup d’équipements en place, mais qui ne se communiquent pas. On peut utiliser les TIC pour rendre l’invisible visible. »
Si on compare les impacts environnementaux positifs des TIC avec ceux qui le sont moins, M. Despins croit que l’exercice sera positif. « Les TIC, c’est une arme à double tranchant, mais le bilan environnemental des TIC est probablement positif, bien qu’il n’a jamais été mesuré de façon précise. Les TIC permettent de changer les façons de faire pour le mieux », conclut-il.
Rappelons que Prompt a conclu récemment un protocole d’entente avec l’Université de la Colombie-Britannique et l’Université de Californie à San Diego en vue de développer une « cyberinfrastructure verte ».
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.