Au mois d’avril dernier, une multinationale a soumissionné 900 millions de dollars pour acquérir des actifs. Rio Tinto voulait acheter une mine ? Non. Une société chinoise voulait acheter une société de potasse ? Non.
En fait, c’est la somme que Google a soumissionné pour acquérir des brevets de Nortel. Le monde des actifs intangibles a bien changé.
Il y a quelques années, bien minces étaient les chances qu’on inclue, dans un bulletin de nouvelles nationales, une transaction impliquant un ou des titres de propriété intellectuelle. Or, la soumission de neuf cents millions de dollars de Google pour acquérir environ six mille brevets ayant appartenu à Nortel a fait les manchettes.
Oui, à titre d’intervenant du secteur des technologies de l’information, vous êtes déjà sensibilisé à la question : vous connaissez la valeur du logiciel que vous achetez, que vous faites développer ou sur lequel vous avez travaillé. Mais la question évolue tellement qu’il fait maintenant se poser d’autres questions.
Dans le rapport annuel 2010 d’un fonds mutuel d’investissement « Valeur sûres canadiennes » bien connu, on énumère les actions détenues par le fonds, par catégorie. Dans la catégorie « Biens de consommation durables » on peut lire des noms bien connus : Astral Média, Québecor, Shaw Communications, Thomson Reuter. Il s’agit là de quatre des cinq sociétés nommées et totalisant 89 % des actions de la catégorie.
Ces 89 % des actions de la catégorie « Biens de consommation durables » du fonds ne sont pas constituées de titres de compagnies manufacturières : pas de meubles, pas de jouets, pas d’articles de bureau, pas d’appareils électriques, mais plutôt beaucoup d’émissions, de publicité et d’information.
Un nouveau paradigme, résultat logique de quelques années d’économie du savoir, place à l’avant-plan l’intangible et la propriété intellectuelle.
Pourtant, la propriété intellectuelle ne semble pas être une grande priorité de nos gouvernements. Par exemple, le projet de loi C-32 est mort au feuilleton dans la foulée des récentes élections fédérales, tout comme les quelques autres tentatives précédentes de réformer le droit d’auteur au Canada. Le projet de loi C-32 avait fait couler beaucoup d’encre et ne faisait certainement pas l’unanimité, mais il reste néanmoins que notre loi prend sérieusement de l’âge.
Nouveaux défis
L’importance prise par l’intangible et la propriété intellectuelle entraîne de nouveaux défis. Un récent article du Globe and Mail en faisait état de belle façon. Un des arguments soulevés par l’article rappelle que, dans divers contextes, le gouvernement fédéral se réserve le droit d’analyser et même de refuser une transaction qui permettrait à des mains étrangères d’acquérir des actifs stratégiques canadiens. Le gouvernement du Canada a examiné la mise de BHP Billiton sur Potash Corp avec le sérieux que cette transaction potentielle méritait ; il est aussi impliqué quant à la fusion potentielle des bourses de Toronto et de Londres.
Quelqu’un s’est-il demandé si les brevets faisant l’objet de la soumission de Google devraient faire l’objet du même type d’examen par le gouvernement fédéral ? Les brevets pourraient, au fond, constituer les bijoux restants de cette entreprise canadienne chérie qu’était Nortel et pourraient avoir une importance stratégique notable. Pourquoi ? Rappelons la définition que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a donné d’un brevet, quand il a été appelé à vulgariser sur son site Web la notion de brevet : Un brevet (canadien) est le droit que vous donne le gouvernement d’empêcher d’autres personnes de fabriquer, d’employer ou de vendre votre invention au Canada.
Nouvelles solutions
Le même article suggère que le Canada mette de l’avant une politique pour aider les entreprises canadiennes à rivaliser sur l’échiquier mondial de la propriété intellectuelle. Selon l’article, il arrive trop souvent que des sociétés canadiennes se retrouvent face à d’importants litiges initiés par des sociétés étrangères, les empêchant de se développer comme elles le pourraient.
La journaliste du Globe opine à l’effet qu’il est important que les chefs d’entreprises canadiennes connaissent mieux la propriété intellectuelle et les stratégies de gestion de celle-ci, et que le gouvernement du Canada examine des solutions nouvelles pour favoriser les entreprises d’ici. Elle mentionne que la Corée du Sud a créé un fonds servant à acheter certains brevets qui nuisent au développement économique de ses sociétés nationales. En passant, la Corée du Sud a aussi mis sur pied un organisme central pour monétiser les brevets détenus par les institutions gouvernementales sud-coréennes.
Et vous, dans votre entreprise, qu’avez-vous fait récemment pour protéger ou mettre en valeur des actifs de propriété intellectuelle ?