Les entreprises du secteur des TI devront bientôt se soumettre à des obligations environnementales plus strictes. Au-delà des lois et règlements, cependant, les « écoTI » peuvent représenter un atout important sur le plan commercial.
Le marché des technologies de l’information n’échappe pas au mouvement écologique mondial. Les initiatives de réduction des émissions de carbone et de gaz à effet de serre (GES), tel le protocole de Kyoto, visent l’ensemble des activités économiques de la planète. À la lumière de certaines statistiques, les TI ne font manifestement pas exception.
Aux États-Unis, par exemple, la consommation énergétique des centres de traitement de l’information représentait, en 2006, 3 % de la consommation totale du pays, selon la firme d’analyse Forrester Research. En tenant compte du fait que nos voisins produisent une grande partie de leur énergie à l’aide du charbon, en plus du nucléaire, il est facile de constater que les centres de traitement contribuent directement à l’émission de GES.
Forrester rapporte aussi que les ordinateurs actuels occasionnent une perte de l’énergie qui leur est acheminée de l’ordre de 25 % à 30 %. Aux États-Unis toujours, cela représente 1 % du total de la consommation. Cette perte a pour effet de générer une chaleur qui réchauffe l’air et les ordinateurs. Pour contrer cet effet, on doit avoir recours à des systèmes de refroidissement à haut rendement, onéreux et énergivores. En somme, la situation engendre un double déficit, puisqu’en plus de perdre une énergie précieuse, il faut en consommer davantage pour refroidir les ordinateurs.
Individus et entreprises
Au-delà des centres de traitement, la chaîne de production des TI englobe divers acteurs – dans la création de matériel, le transport, l’installation, la virtualisation et la mise au rancart notamment – ayant leur part de responsabilité dans les dommages environnementaux causés par le secteur, indique Forrester.
Les activités liées au travail des employés et les véhicules qu’ils utilisent pour se déplacer chez des clients, des partenaires ou ailleurs, par exemple, exercent un impact non négligeable sur la quantité de GES émis. Autre facteur important, les travailleurs des TI n’éliminent pas nécessairement les déchets technologiques de manière écologique. Car, en fin de compte, la responsabilité de choisir la poubelle ou le recyclage pour disposer de la pile de son téléavertisseur incombe souvent à l’individu même, et non à l’entreprise qui l’emploie.
Si les initiatives environnementales émanent de l’individu en premier lieu, les entreprises ont aussi un rôle à jouer, comme celui de mettre sur pied des programmes de recyclage. À ce jour, ceux-ci demeurent trop modestes ou même inexistants. Certains pays – l’Inde notamment – sont devenus de véritables « poubelles technologiques », comme l’évoquait dernièrement le magazine CyberSciences.
Trop peu de projets de recyclage ont été lancés. Les initiatives comme celles de Bureau en gros, qu’il convient de souligner, demeurent malheureusement isolées. Pourtant, le matériel informatique intègre généralement des matériaux très polluants, tels des composants créés par procédés chimiques et des plastiques comprenant des ralentisseurs de flammes. Il revient aux manufacturiers de changer cette situation, tout comme il leur incombe de travailler à rehausser l’efficacité énergétique du matériel actuellement offert dans le marché.
Écologie et rentabilité
Au sein de l’industrie, de nombreuses bonnes raisons de réduire leur empreinte écologique se profilent à l’horizon. De plus en plus préoccupée, l’opinion publique réclame des mesures. Ainsi peut-on penser que, d’ici cinq ans, les entreprises seront tenues de déclarer leurs émissions de carbone.
Davantage que les mesures coercitives, toutefois, ce sont des facteurs économiques qui pourraient motiver les organisations. En effet, si l’on considère qu’il en coûte des millions de dollars annuellement pour acheter l’énergie nécessaire au fonctionnement d’un parc informatique de plusieurs centaines de PC, les responsables des TI auront tout intérêt à se procurer les ordinateurs offrant le meilleur rendement énergétique. D’autant plus que les coûts sont à la hausse; selon une étude de la firme IDC, la dépense actuelle de 0,50 $ en énergie pour chaque dollar investi dans un système informatique passera à 0,71 $ d’ici quatre ou cinq ans.
Voilà qui peut faire réfléchir les fabricants de matériel, motivés au premier chef par le marché, lui-même influencé par les entreprises et par les acheteurs individuels – c’est-à-dire vous et moi. Aucun manufacturier ne voudra se retrouver à la queue du peloton en matière de rendement énergétique. Déjà, certaines organisations, sensibles à l’essor du développement durable, achètent leurs systèmes d’information en fonction des efforts environnementaux de ses fabricants. Autre fait révélateur, Sun Microsystems vient de créer un poste de vice-président de l’écoresponsabilité…
De façon générale, les entreprises peuvent faire appel à divers moyens d’économiser énergie et dollars. Dans le cadre d’une campagne de sensibilisation environnementale, aux États-Unis, il a été suggéré d’éteindre les ordinateurs après les heures de travail, ce que l’on néglige de faire dans 30 % des cas. Pour une entreprise comptant 10 000 PC, cette simple mesure peut faire économiser 165 000 $ annuellement.
Google estime que l’installation de blocs d’alimentation à haut rendement dans 100 millions d’ordinateurs fonctionnant huit heures par jour ferait économiser plus de 40 milliards de kilowattheures, soit l’équivalent de 5 milliards de dollars au prix de l’énergie californienne.
Autre geste assurément salvateur soulevé par Google : modifier l’affichage des pages Web. À elle seule, la page d’accueil de cette multinationale demande 59 watts pour s’afficher, ce qui représente 75 000 $ par année à l’échelle mondiale, à raison de 200 millions d’accès quotidiennement. Il suffirait d’adopter un arrière-plan noir pour améliorer la situation sensiblement. Et il s’agit ici d’une page unique. Selon Yahoo, il y en a 19,2 milliards sur la Toile…
Les entreprises ne doivent pas négliger non plus l’apport des logiciels. Il y a déjà sur le marché des applications de gestion énergétique permettant de mettre en veille certains composants lorsqu’ils sont inactifs. À court terme, les fournisseurs devront songer à offrir des programmes capables d’analyser la consommation des équipements et les sources d’émission de chaleur, de façon à mieux répartir l’énergie au sein des centres du traitement.
La transformation de l’industrie des TI en un secteur plus écologique est à nos portes. Le marché n’a d’autre choix que de suivre le courant. Contrairement à ce que l’on a pu penser, les écoTI offrent tout le potentiel pour stimuler l’économie. L’amélioration des technologies qui en découlera favorisera l’innovation et, du coup, créera des occasions d’affaires à la grandeur de l’industrie.
Martin Héroux est conseiller en architecture technologique chez CGI.
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