Pas une semaine ne passe sans que les journaux ou les magazines ne fassent état des dépassements de coûts ou des retards survenus lors de la réalisation de projets importants. Comment ne pas se rappeler, par exemple, que le Registre canadien des armes à feu, une banque de données, devait coûter moins de deux millions de dollars par an aux contribuables, pas un milliard ! Heureusement, de l’aide est disponible.
Nos travaux montrent en effet que le recours aux systèmes d’information pour la gestion des projets (en anglais, aux project management information systems) peut avoir un impact sur le niveau de succès des projets – dans le secteur des TI comme dans d’autres domaines. On sait depuis un certain temps que les organisations gagnent à recourir à des systèmes d’information pour la gestion des projets (SIGP) comme Microsoft Project, Open Workbench ou Primavera (un produit d’Oracle). Par exemple, une étude de la société Gartner révèle que l’utilisation des SIGP peut rapporter gros dans le secteur des TI. Ainsi, 75 % des grands projets TI gérés avec le soutien de ces outils connaîtront le succès escompté. Inversement, les trois quarts des projets menés sans l’appui de ces instruments échoueront (voir graphique).
Mais qu’est-ce qui explique ces résultats? Comment les SIGP influencent-ils la performance des gestionnaires de projets? Et quels sont les attributs d’un bon SIGP?
Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé 39 des participants présents à une conférence sur la gestion de projets tenue au Canada. Au moment de l’enquête, la plupart des personnes sondées étaient actives dans le secteur des services. Huit sur dix étaient membres du Project Management Institute. Presque toutes comptaient 10 ans d’expérience ou plus en gestion de projets. Et plus de deux sur trois recouraient fortement aux SIGP lors de la phase de planification (72 %) ou de mise en œuvre (67 %) des projets.
Qu’est-ce qu’un bon SIGP?
Selon notre enquête, 90 % des gestionnaires de projets utilisent les SIGP depuis au moins trois ans, Microsoft Project dans la grande majorité des cas.
Un peu plus de six sur dix (61 %) se disent fortement ou très fortement satisfaits de la qualité de l’outil à leur disposition. Trente-trois pour cent des personnes interrogées croient qu’un bon SIGP se démarque surtout par sa grande convivialité; 23 %, par sa flexibilité; 23 %, par son accessibilité; et 18 %, par sa simplicité d’apprentissage.
Dans une veine similaire, 66 % des gestionnaires sont satisfaits, à un niveau ou un autre, de la qualité des informations produites par leur SIGP. Pour un peu moins de la moitié d’entre eux (44 %), une information de qualité est d’abord et avant tout « fiable »; pour les autres, elle est « pertinente » (21 %), « précise » (18 %) ou « disponible » (18 %).
La grande influence des SIGP
Nos travaux montrent que la qualité d’un SIGP influe indirectement sur le niveau de réussite d’un projet. En effet:
• Un SIGP de qualité, donc un outil facile à apprivoiser, facile à utiliser, flexible, rapide et bien intégré, est un système qui, généralement, produit des informations de qualité, donc fiables, pertinentes, précises et disponibles;
• Meilleures sont les informations générées par un système d’information pour la gestion des projets, plus les gestionnaires sont susceptibles de recourir à cet outil; et plus les professionnels de la gestion de projets se servent des SIGP, plus ils ont l’impression que leur propre performance s’améliore.
Ce qui précède est important. Le recours aux SIGP rapporte essentiellement parce que ces technologies agissent comme levier de croissance de la productivité et de l’efficacité de leurs utilisateurs. Rien, en fin de compte, n’a autant de répercussions sur la marche d’un projet que la qualité du travail abattu par les gestionnaires de projet.
Un mauvais SIGP nuira donc à l’organisation qui s’en sert, parce qu’il produira des informations de faible qualité que les gestionnaires de projets ne gagneront pas à exploiter. Au contraire, un bon système créera de bonnes informations qui rendront fréquemment leurs destinataires plus performants.
Le rôle clé des gestionnaires
Selon notre étude, 64 % des gestionnaires de projets estiment que les SIGP ont un fort impact ou un très fort impact sur leur niveau de performance. Plus précisément, respectivement 46 % et 41 % d’entre eux jugent que ces outils les aident à mieux surveiller et planifier les activités du projet dont ils sont responsables. Seulement 18 % et 15 % jugent de leur côté que les SIGP les aident à mieux contrôler les coûts d’un projet et mieux allouer les ressources disponibles.
En bout de course, 59 % des gestionnaires que nous avons interrogés croient que le recours aux SIGP favorise le respect des échéances; 41 % estiment qu’il permet celui des budgets; et 10 % avancent qu’il rend possible celui des spécifications relatives au projet.
Jumelés à ceux de Gartner, ces résultats témoignent en forte partie du fait qu’en matière de gestion de projets, l’achat ou le développement d’un SIGP ne constitue pas une solution miracle.
D’abord, seul un système de bonne qualité sera en mesure de créer les informations réellement utiles qui amèneront les gestionnaires de projets à se servir fortement de cet outil et à en tirer le meilleur, pour le bien de leur organisation.
Ensuite, la mise en place d’un bon environnement de gestion de projets ne dépend pas seulement d’aspects logiciels ou techniques.
Elle dépend aussi de facteurs organisationnels, comme l’autorité dont disposent les gestionnaires, le degré de leur participation au travail de conception du projet, leur niveau d’imputabilité et leur propension à faire état de mauvaises nouvelles (ou à cacher celles-ci). n
Pour obtenir plus de détails sur cette recherche, consultez :
Raymond, L. et Bergeron, F. (2008), « Project management information systems: An empirical study of their impact on project managers and project success », International Journal of Project Management, numéro 26, p. 213-220.
Louis Raymond est professeur titulaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), où il préside la Chaire de recherche du Canada sur la performance des entreprises.
François Bergeron est professeur de systèmes d’information dans l’Unité Travail, Économie et Gestion de la Télé-Université, Université du Québec à Montréal (UQAM).
La diffusion de ces résultats de recherche est rendue possible par une subvention octroyée par le Fonds de recherche sur la société de la culture (FQRSC) à Benoit Aubert (HEC Montréal), Bouchaib Bahli (Université Concordia), François Bergeron (Télé-Université), Anne-Marie Croteau (Université Concordia) et Suzanne Rivard (HEC Montréal) dans le cadre d’un programme de recherche sur la Gestion stratégique des technologies de l’information.