Un ingénieur américain, retraité de l’Armée américaine, a agi comme consultant quant au codage des informations que traite votre logiciel. Attention! Son implication peut affecter vos opérations longtemps après la fin de son contrat.
Le professeur Roland Trope, qui enseigne notamment au département des affaires juridiques de la United States Military Academy, à West Point, New York, a récemment donné une conférence aux membres de l’Association canadienne de droit des technologies de l’information. Cette conférence qui a fait fortement réagir les avocats canadiens qui y assistaient.
Le professeur Trope a mentionné que la prestation technique d’un citoyen ou résidant des États-Unis d’Amérique, à l’intérieur de tout projet technologique pouvant « potentiellement » être utilisé pour des fins militaires, est régie par les règlements ITAR, ou International Traffic in Arms Regulations, du gouvernement américain. Ceci inclut une prestation effectuée par un voisin du Sud dans un projet canadien.
Et le mot potentiellement est à interpréter très largement. La liste de ce que le gouvernement américain considère des munitions contient par exemple (parmi de nombreux autres items…) :
• un grand nombre de bateaux, canots, et autres formes d’embarcations nautiques ou amphibies, incluant celles servant au sauvetage;
• les torpilles (évidemment), mais aussi les grues et les robots pouvant les déplacer;
• les avions de guerre, mais aussi les avions cargo et ceux pouvant servir à transporter des soldats; et
• tous les systèmes informatiques, qu’il s’agisse d’équipement ou logiciel, servant ou pouvant servir à contrôler ou compléter ces équipements.
L’objectif des règlements ITAR est de contrôler l’exportation et l’importation sous toutes leurs formes de toute technologie ou donnée technique pouvant servir à des fins militaires.
Le terme « exportation » doit aussi être interprété de façon très large. Ainsi, la présence sur Internet de données techniques pouvant servir à des fins militaires est vue comme une exportation, puisque les données peuvent alors être vues par des personnes d’autres pays.
Les règlements ITAR requièrent qu’une licence, ou permission officielle, du gouvernement des États-Unis soit obtenue pour l’exportation de tout « article servant à la défense » (ce qui est large, tel qu’expliqué plus haut) ou toute technologie ou donnée technique s’y rapportant. Cette licence sera probablement accordée si l’exportation se fait vers un pays ami des États-Unis, et fort probablement refusée dans le cas contraire.
Le processus d’acceptation d’une telle licence demande environ soixante jours, mais peut être plus court ou plus long compte tenu de diverses variables. La politique y joue notamment un rôle, semble-t-il.
Liste noire…
Le professeur Trope a ensuite mentionné que le défaut pour quelqu’un de respecter les règlements ITAR était une infraction criminelle. Questionné par les avocats canadiens sur l’application des règlements ITAR hors le territoire des États-Unis, il dit que les autorités de nos voisins du Sud ne pouvaient évidemment pas faire des arrestations hors leur territoire : cependant, une entreprise canadienne, ou de tout autre pays, ne respectant pas les obligations des règlements ITAR pouvait se retrouver sur une liste noire pendant une période allant de 5 à 10 ans, et ne pourrait alors vendre ses produits ou services au gouvernement américain.
Dans le cas de la distribution internationale d’une technologie visée par les règlements ITAR, non seulement l’exportateur doit-il obtenir une licence du gouvernement américain pour l’exportation en tant que telle, mais il doit aussi faire approuver son contrat de distribution. En effet, il faudra que ce dernier contienne certaines clauses, qui sont obligatoires selon les règlements ITAR. Une fois ces approbations obtenues, tous les utilisateurs de la technologie en question devront être identifiés auprès du gouvernement américain, à mesure qu’ils deviennent des clients de l’exportateur.
Des voix s’élèvent aux États-Unis contre cette réglementation, et ce sont souvent des voix de gens d’affaires, qui la voient comme un frein aux exportations commerciales, ou même un genre de subvention inversée qui diminue la capacité des entreprises américaines de concurrencer sur le plan international .
Un rédacteur anonyme sur Wikipedia ajoute (notre traduction) :
« La plus grande ironie des ITAR est qu’en empêchant des technologies des USA de sortir des USA, d’autres pays sont forcés de développer ces technologies eux-mêmes. Tandis que ceci peut ralentir l’acquisition à court terme de la technologie par d’autres pays, ou même l’empêcher, ceci diminue également la diffusion de la technologie états-unienne ainsi que la confiance et la dépendance à long terme envers des fournisseurs des USA. »
Que la réglementation ITAR soit avantageuse ou non pour nos voisins du Sud, qu’elle soit considérée comme exagérée ou non, elle est applicable présentement. Les dirigeants d’entreprises canadiennes en TI doivent en tenir compte, pour s’éviter des problèmes sérieux.
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis bientôt 20 ans.