HUMOUR Est-il plus simple de choisir la garniture de son sandwich que la configuration de son PC? Il est certainement plus aisé de quitter le casse-croûte si la nourriture est mauvaise que de se séparer de son PC pour cause de bogues rampants.
La jeune fille aux mains gantées vous regarde comme si elle était un programmeur en C#.
– Brun, cinq céréales, italien ou ordinaire, votre pain? – Euh! Cinq céréales. – « Plain » ou « toasté » ? – « Plain ». – Avec ou sans fromage, votre viande? – Avec. – Mozzarella, Suisse ou cheddar ? – N’importe quoi, euh! Suisse. – Parfait! Je mets quoi avec? Vous avez droit à trois choix. – J’sais pas, moi, tiens, des olives noires, des « pickles » et, euh!, des tomates marinées. – Et comme breuvage? – Y a quoi là, dans votre frigo? Attendez. Un cola, svp. – Normal, classique, cherry ou diète? – Diète… – Le complément? – C’est quoi? – Une galette « peanuts chocolat » ou un « chip »? – Le « chip », svp. – Quelle saveur? On a vinaigre, BBQ, sel de mer, ondulé et ordinaire. – Sel de mer. – Merci. Ça va vous faire 9,95 $.
Vous payez, vous vous trouvez une table et vous commencez à manger. Mais, de son poste, la jeune fille vous fait de grands signes.
– Monsieur, monsieur! – Oui? – Attendez, ne mangez pas tout de suite. – Pourquoi? – Mon boss vient de me dire qu’il y a des problèmes avec les olives. Faut que je vous les change. – Euh… – Amenez-moi votre sous-marin, je vais vous arranger ça.
Évidemment, vous laissez votre sandwich là où il est, vous sifflez une dernière gorgée de cola et, sans un regard pour la préposée aux gants transparents, vous quittez l’établissement pour ne plus jamais y revenir. Génial et mérité! Dans la rue, vous avez une pensée pour cette époque révolue où la seule question à laquelle vous deviez répondre quand vous commandiez un sandwich au jambon dans un casse-croûte, était : « Pour manger ici ou apporter? »
Bizarrement, quitter est une porte de sortie que vous ne pouvez prendre en informatique. À moins de vous convertir au prosélytisme linuxien pur et dur (du genre « vivre en santé sans Microsoft, mais vraiment vraiment sans, et réussir en affaires »), vous ne pouvez pas quitter l’Empire de Redmond ou celui de Dell, d’Intel, d’IBM, d’Apple et consorts pour ne plus jamais y revenir sans en subir quelque effet néfaste. Vous ne pouvez vous acheter un système qui va vous permettre de faire un peu de tout et vous mettre à l’utiliser, sans avoir à prendre décision par-dessus décision et sans avoir à en subir, quotidiennement, les intempestives et détestables, bien que nécessaires, mises à jour.
Quelle saveur?
À supposer que vous ayez préalablement choisi la plate-forme Windows, au lieu de Mac ou de Linux (et ici, quelle saveur?), vous devez d’abord décider de la configuration de votre machine : Core 2 Duo ou quadricoeur ? La RAM, deux gigs ou plus? Disque de 120 gigs ou de 300? La carte graphique, la grosse nVidia 512 ou la moyenne ATI 256? Un moniteur ACL 20 pouces ou le spécial 22 pouces? Des ressources WiFi avec ça? Et votre ensemble clavier et souris, sans fil ou USB? Et ainsi de suite. En fonction de vos critères, votre PC pourra vous coûter entre moins de 1 000 $ et plus de 3 000 $.
Puis là, vous optez pour Windows Vista au lieu de XP; quel choix déchirant! Mais le problème, c’est qu’il vous faut maintenant choisir entre les « éditions » Intégrale, Familiale Premium, Familiale Basique, Professionnelle ou Entreprise, cela en version complète ou mise à jour. C’est capital, car, selon votre décision, il pourra vous en coûter entre 100 $ et 550 $. Il vous faut donc vous mettre à comparer les « éditions » et à peser le pour et le contre selon vos besoins.
Cela étant réglé, il vous faut maintenant passer au coffret bureautique; ne vous faut-il pas pouvoir écrire, calculer et communiquer par Internet? D’entrée de jeu, un premier élément de supputation vous agresse, à savoir si vous voulez votre « suite », aux couleurs de Microsoft ou non; il y a quand même une alternative, dont WordPerfect X3, OpenOffice.org, etc. ? Et si, par atavisme, vous jetez à nouveau votre dévolu sur Microsoft, quelle saveur (complète ou mise à jour?) allez-vous acheter? Elles varient entre un peu plus de 100 $ et presque 600 $ : Enterprise, Professional Plus, Professional, Small Business, Home & Students, Standard ou Basic? Encore une fois, vous avez de la lecture à vous taper et une lourde décision à prendre.
Quant au triple W, allez-vous vous contenter d’y naviguer avec Internet Explorer ou allez-vous faire confiance à Firefox? Auquel cas, vous risquerez-vous avec la version 3 RC1 ou jouerez-vous de prudence avec la 2? Oui, mais on dit grand bien de Safari pour Windows, voire d’Opera. Pourquoi ne pas en profiter?
Pas sorti de l’auberge
Vous vous croyez sorti de l’auberge? Attendez. Il vous faut maintenant passer aux considérations de sécurité. Tout d’abord, allez-vous choisir un antivirus grand public comme Symantec ou McAfee ? Si oui, la grosse version en coffret? Sinon, allez-vous opter pour un gratuiciel comme AVG Free ou pour une solution que l’on dit appréciée des experts comme Kaspersky ou NOD32? En passant, allez-vous ajouter un système antipourriel? Un antiespiogiciel? Si oui, lesquels? Il y en a tellement sur le marché, des gratuits comme des payants.
Avez-vous pensé à vos besoins multimédias? Quelle saveur de Photoshop allez-vous acheter? La CS3 Extended, la CS3 ordinaire, Elements ou, allez-vous vous replier derrière Express. Vous n’êtes quand même pas pour acheter tout le coffret CS3, à supposer que vous sachiez lequel acheter! Car il y en a deux, chacun vendu plus de 1 500 $. Pour votre musique, vous faites quoi? Vous téléchargez iTunes ou vous serez fidèle à Windows Media Player? Et ainsi de suite, « non-stop », « ad nauseam ».
Que de décisions vous avez dû prendre sans jamais être certain d’avoir fait le bon choix! Il vous en a fallu des heures! Reste que vous êtes maintenant prêt à utiliser votre nouveau bazar. Et, satisfaction ultime, vous êtes en règle puisque vous vous êtes « rapporté » chez Microsoft, Adobe et consorts avec de longs numéros impossibles à mémoriser. Vous vous faites alors craquer les jointures et vous faites démarrer votre PC. Tadam!
Mise à jour en téléchargement
Alors, là, frustration! Pour pouvoir fonctionner correctement, Windows a besoin de se télécharger un nombre impressionnant de rustines, ce qui est long, fastidieux et le force à redémarrer. Après, c’est au tour d’Office, de votre antivirus, de Photoshop. La cerise sur le gâteau, c’est qu’au moment où vous vous apprêtez à télécharger la dernière mise à jour de iTunes, Firefox doit installer sa nouvelle version, ce qui le force à tester ses modules complémentaires.
Comme vous êtes patient, vous vous dites que c’est là chose normale puisque ce sont tous des logiciels fraîchement installés. Erreur! Vous réalisez très rapidement que cela se produit presque tous les jours, qu’il y a toujours un de vos logiciels qui couine, qui a besoin d’être rafraîchi, mis à jour, mis à niveau ou corrigé. Vous n’avez jamais la paix. Vous ne pouvez jamais vous concentrer sans interruption sur votre travail. Vous ne pouvez même pas allumer votre PC une heure à l’avance pour que toutes ces procédures ennuyeuses s’effectuent sans vous déranger; vous devez être là pour accepter ceci et autoriser cela. Sans répit. Jamais.
Pas étonnant qu’en entreprise on préfère souvent rester avec des versions stables et éprouvées, dont les limites sont connues, à défaut d’être les plus récentes…
Accommodements raisonnables…
Pourquoi ne pouvez-vous pas vous lever et quitter votre poste de travail pour ne plus jamais y revenir comme au casse-croûte de tout à l’heure? Votre calvaire vous a coûté trop cher, il n’y a rien à faire, l’industrie semble fonctionner de cette façon, tout le monde est un peu pris comme vous, même votre collègue qui est sous Mac OS X, et tout un chacun semble s’en accommoder. C’est la vie!
Par exemple, les gens vont banaliser le téléchargement d’une rustine qui contient quelque mille correctifs et amélioration pour réparer Office:mac 2008, un logiciel Microsoft flambant neuf (disponible en trois versions, chacune en défroque dite « complète » ou « mise à jour »?). Ou encore, ils vont prendre le temps, sans vraiment rechigner, de se télécharger un Service Pack (méga coffret de correctifs et de « plasters ») pour leur système d’exploitation et leurs coffrets bureautiques.
Bizarre! Personne ne va tolérer la présence d’olives noires rancies dans un sous-marin à 9,95 $, mais tout le monde, sauf exception, va accepter la présence de bogues et de failles dans leurs logiciels à 500 $.
Deux poids, deux mesures : les olives noires et l’informatique. Drôle de logique, non?
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.
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