L’organisme identifie des lacunes dans les processus d’appel d’offres et d’évaluation des soumissions du projet Dossier de santé du Québec. L’utilisation des TI à la Commission de protection du territoire agricole et pour l’approvisionnement du réseau de la santé a également été scrutée.
Le troisième tome du rapport du Vérificateur général du Québec pour l’année 2007-2008 accorde une place importante aux projets et à l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) par le gouvernement du Québec. Notamment, le projet technologique Dossier de santé du Québec suscite plusieurs inquiétudes et fait l’objet de nombreuses recommandations.
Le rapport du vérificateur général, M. Renaud Lachance, consacre un chapitre entier au projet Dossier de santé du Québec du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), qui vise la circulation sécuritaire des renseignements cliniques entre les professionnels de la santé, par le biais des TIC pour la prise en charge et le suivi des patients. Ce projet fédéral-provincial, pour lequel 563 millions $ seront investis jusqu’en 2010, regroupe treize projets dont la propriété et les actifs sont confiés à diverses entités du réseau de la santé et des services sociaux.
En qualifiant « d’ambitieux », l’échéancier établi par le ministère, les faits saillants des observations du vérificateur général évoquent un risque élevé d’une difficulté de respecter les échéances. Il remarque aussi que des investissements additionnels de mise en oeuvre de 327 millions $ seront requis pour constituer une base d’informatisation des processus cliniques du réseau de la santé et que des coûts de fonctionnement n’ont pas été pris en compte.
Le vérificateur suggère également la reddition de comptes au Conseil des ministres et à l’Assemblée nationale, dont les rapports font l’objet de retards ou sont incomplets. Il recommande des réajustements de tir au niveau des processus de planification et de suivi, ainsi qu’au niveau de la gestion des risques en raison de l’envergure des travaux à réaliser. Il souligne toutefois que le Bureau du Dossier de santé du Québec, le bureau de projet responsable de l’initiative technologique, s’est doté de pratiques saines en la matière.
Dans son rapport, le vérificateur général fait plusieurs constats de situations problématiques, tel que le début de travaux de réalisation de projets avant que des partenaires aient signé des ententes officielles, des projets en retard de quelques mois ou de presque une année, une absence de plan de main-d’oeuvre et un manque d’information pour relever les écarts lors du suivi des projets.
Appel d’offres nébuleux
Mais ce sont des éléments liés à l’acquisition de biens et de services qui ont suscité le plus d’attention de la part du vérificateur général, tout comme les plus grandes réactions de la part du gouvernement.
Le rapport de vérification dit que des cas de non-conformité aux règles gouvernementales ont été identifiés au niveau de l’appel d’offres et de l’évaluation des propositions du projet Visualisateur du Dossier de santé électronique. Ce projet faisait l’objet d’un contrat d’une valeur de 111 millions $. Selon le rapport, l’Agence de la santé et des services sociaux (ASSS), à titre de mandataire officiel au nom et pour le compte du ministère, aurait dû utiliser les règles d’acquisition de biens et de services qui s’appliquent au ministère.
« Or, elle a suivi ses propres règles et attribué le contrat au seul soumissionnaire qui s’est finalement qualifié.[…] Si celles-ci avaient été observées, un autre soumissionnaire aurait pu se qualifier », constate le rapport. « Par ailleurs, le contrat […] relatif à ce projet a été signé […] entre l’ASSS et le fournisseur retenu, ce qui n’est pas conforme à l’appel d’offres », ajoute-t-on, en affirmant que c’est le ministère qui aurait dû conclure ledit contrat.
De plus, le rapport affirme que les travaux relatifs au contrat ont commencé dix mois avant la signature du contrat, qui est survenue en février 2008. Une entente intérimaire signée en juin 2007 autorisait le fournisseur à réaliser des travaux dont la valeur maximale devait être de 5 millions $, mais le vérificateur estime que la valeur atteignait près de 11 millions $ en décembre 2007, alors que le contrat n’avait pas encore été paraphé.
Contestation
Le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans la section du rapport qui est réservée aux commentaires, se dit satisfait « dans l’ensemble » du contenu du rapport du vérificateur général. Il dit prendre acte des recommandations et s’engage à apporter les correctifs ou les attentions souhaitées par l’équipe de Renaud Lachance.
Toutefois, le ministère « ne partage pas l’avis du vérificateur général » à propos des constatations liées à l’acquisition de biens et de services. « Le ministère a procédé selon la loi qui le gouverne en cette matière. De plus […] il s’est assuré de disposer des avis verbaux et écrits nécessaires à une prise de décision éclairée », affirme l’entité gouvernementale.
« […] L’ASSS de Montréal n’avait pas à suivre les règles relatives aux appels d’offres et aux contrats du MSSS en vertu d’un article de la Loi sur les services de santé et les services sociaux spécifiant ceci : “Le ministre définit les orientations et les standards en matière d’actifs informationnels en soutien à la gestion du réseau de la santé et des services sociaux et les agences sont responsables de leur mise en oeuvre dans le réseau de la santé et des services sociaux” », a affirmé le ministère, tel que cité dans le rapport.
Selon des propos rapportés par Radio-Canada, le ministre de la Santé du Québec, Philippe Couillard, a également contesté les conclusions du vérificateur général à propos du contrat qui fait l’objet d’une controverse. Toutefois, il a affirmé que les prochains appels d’offres liés au projet de Dossier de santé du Québec seront soumis au Bureau du vérificateur général avant leur publication.
Informatisation à défricher
Dans le cadre d’une vérification relative à la gestion, à la conformité et à la reddition de comptes à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), le vérificateur général souligne que l’organisme planifie de façon insuffisante ses travaux liés aux ressources informationnelles.
En soulignant qu’une large part du budget d’investissement de la CPTAQ a été consacrée au développement informatique, soit plus de 1,3 milliard $ en six ans, le vérificateur général déplore l’absence d’un plan directeur, d’un budget pour le développement des systèmes et d’un échéancier précis. Il souligne également l’absence d’analyses coûts-avantages, de documents de suivi des dépenses et d’autorisations du comité de direction des montants alloués aux projets.
D’autre part, plusieurs lacunes ont été identifiées en rapport au développement et à la maintenance des systèmes ainsi qu’à la sécurité informatique. Mis à part la réalisation des copies de sauvegarde pour laquelle aucune lacune importante n’a été décelée, la vérification a observé au moins une carence au niveau des procédures, de la documentation, du système de suivi des projets, des politiques de sécurité, de l’aménagement des salles d’informatique, de la gestion des accès, de la gestion des incidents et des plans de continuation des affaires et de recouvrement des données.
Le vérificateur général recommande à la Commission d’établir un plan directeur des TI, qui inclura les budgets requis et un échéancier complet, et d’exercer « un suivi rigoureux » de ces deux éléments.
Approvisionnements médicaux à informatiser
Le vérificateur général s’est aussi intéressé à l’approvisionnement en équipements et en fournitures de nature médicale par le MSSS, ses agences et ses établissements.
L’organisme constate que les établissements ne font pas une gestion rigoureuse des activités d’approvisionnement en équipements et en fournitures : processus de détermination des besoins et de planification des acquisitions insuffisamment formalisé, non respect de la réglementation en vigueur, absence de mesure de la performance, etc. Surtout, aucun établissement n’a optimisé ses processus par le biais de l’utilisation des technologies, alors que le personnel en charge des soins y est trop impliqué.
Selon le rapport, trois établissements ont un système de codes à barres qui sert à prendre l’inventaire dans les réserves et à générer des commandes, mais les achats directs de fournitures sont exclus de ce processus. De plus, quatre établissements effectuent leurs commandes sur un formulaire papier qui est acheminé au service de l’approvisionnement, alors que le cinquième établissement réalise des demandes d’achats directs de façon électronique, mais n’utilise pas de codes à barres.
Le vérificateur général recommande aux établissements vérifiés de maximiser l’utilisation des technologies dans le processus d’approvisionnement et au ministère d’envisager le soutien des établissements en matière d’utilisation accrue des technologies.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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