Nulle part il n’est écrit que la mondialisation des marchés doit nécessairement être défavorable au Québec qui, selon CGI, a plusieurs avantages dont il pourrait mieux tirer profit.
S’il y a une entreprise québécoise du secteur des TI qui a su percevoir et tirer parti des possibilités offertes par la mondialisation des marchés et l’abolition des distances, c’est bien CGI, dont 5 % des 25 000 employés oeuvrent dans deux centres d’excellence indiens (la firme est présente dans 16 pays). Certains vont décrier, avec raison, les pertes d’emplois qui découlent du déplacement d’activités dans des pays offrant de meilleures conditions, mais le Québec, qui dispose de plusieurs atouts distinctifs, peut aussi profiter de cette tendance de fond. À la condition, toutefois, de mettre toutes les chances de son côté et de surmonter les difficultés qui pointent à l’horizon et assombrissent ses atouts.
Voilà le message que Michael E. Roach, président et chef de la direction de la firme-conseil, est venu livrer à la communauté d’affaires montréalaise lors d’un événement organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, mercredi dernier.
En somme, l’idée est de savoir mettre en valeur ses atouts, mais aussi et surtout de les aligner sur une stratégie efficace de développement à long terme. Et c’est justement en raison de l’efficacité avec laquelle des pays comme l’Inde et l’Irlande ont su mettre en pratique cette tactique que ceux-ci ont si bien réussi à se positionner sur le marché mondial des technologies de l’information et des communications (TIC). Le Québec devrait en tirer des leçons, croit M. Roach qui identifie quatre éléments du succès sur le très compétitif marché mondial actuel, que la province aurait intérêt à appliquer.
Le premier élément est d’établir une vision à long terme, une stratégie susceptible de positionner favorablement la région sur l’échiquier mondial. Ensuite, il faut aligner les entreprises, les établissements d’enseignement et les citoyens autour de cette vision. En troisième lieu, il faut faire des investissements stratégiques à long terme en éducation et en infrastructure (communications, transport, etc.). Et quatrièmement, il faut établir un environnement fiscal qui encourage les investissements étrangers, tout en s’assurant que ces derniers aient le maximum d’impact conformément à la vision établi au départ.
Atouts distinctifs
Les atouts dont bénéficie le Québec par rapport pourrait davantage mettre en valeur, sont nombreux. Au premier chapitre, il y à des pays tel que l’Inde, la Chine et l’Irlande, et qu’il a la proximité du très important marché américain. Dans le secteur des services, notamment des services en TI, la proximité est un argument clé : le client apprécie que son fournisseur soit situé près et qu’il puisse se rendre rapidement sur les lieux pour régler d’éventuels problèmes. La proximité élimine également les inconvénients reliés au décalage horaire.
Deuxièmement, il y a les affinités socioculturelles du Québec par rapport aux États-Unis, qui confortent les clients américains lorsqu’ils doivent communiquer avec leur fournisseur. Il y a aussi le niveau de vie québécois qui est supérieur à bien d’autres pays en développement et facilite le recrutement de spécialistes provenant de l’étranger.
En revanche, la qualité de la main-d’œuvre québécoise et de la formation qu’elle a reçue n’est pas un argument distinctif par rapport à des pays comme l’Inde et l’Irlande qui ont beaucoup investi dans l’enseignement postsecondaire au cours des dernières années. Et évidemment, les coûts d’exploitation en Inde sont infiniment moindres que ceux offerts au Québec, qui sont néanmoins inférieurs à bien d’autres endroits en Amérique du Nord. « Il ne faut pas chercher à concurrencer les pays en développement sur la base des coûts, mais plutôt en travaillant plus intelligemment », note le pdg de CGI.
Pour preuve de l’importance des atouts québécois, CGI étudie actuellement des projets d’établissement de centres de services à distance en région. Les critères à l’étude sont la disponibilité d’une main-d’œuvre locale qualifiée, la présence d’institutions d’enseignement postsecondaire dans la région, de même que d’une infrastructure technologique robuste et mature, et la compétitivité des coûts d’exploitation, en tenant compte des incitatifs fiscaux. Les sites en région offrent évidemment l’avantage de proposer des frais d’exploitation moindres que dans les grands centres urbains, mais aussi une structure plus flexible.
« Nous n’avons pas encore d’annonces à faire, mais nous comparons, dans le cadre de notre stratégie de développement, divers sites, situés au Québec comme ailleurs dans le monde, confie M. Roach. Si un site québécois en région offre comparativement plus d’avantages qu’un site en Inde, nous allons le choisir. Idéalement, les centres qu’on créera de la sorte regrouperont de 250 à 500 employés. »
Embûches à surmonter
Cela dit, le Québec devra surmonter un certain nombre d’embûches pour maximiser son positionnement sur l’échiquier mondial, dont l’insuffisance de la relève. « Nous éprouvons actuellement une véritable crise de l’éducation et de la main-d’œuvre en TI, lance M. Roach. Au Canada, de 2000 à 2005, les inscriptions en sciences informatiques ont chuté de 70 %. Et pourtant, la demande de professionnels en TI est à son plus fort depuis 25 ans, même supérieure à ce qu’elle était à l’époque de la bulle. »
Le problème du manque de relève est redevable, d’une part, au départ pour la retraite des baby-boomers et au faible taux de natalité des Québécoises, phénomène qui affecte l’ensemble de l’Amérique du Nord, et au manque d’intérêt des jeunes pour les professions reliées aux TIC, d’autre part. Les mauvaises nouvelles qui ont suivi le dégonflement de la bulle en 2000-2001 sont en majeure partie responsables du désintéressement des jeunes pour les carrières en TIC.
M. Roach croit qu’il faut remettre les pendules à l’heure – le secteur s’est remis de sa chute de 2001 – et faire en sorte de stimuler l’intérêt des jeunes pour le secteur des TIC, dès le primaire.
« Les parents ont un rôle important à jouer à ce chapitre, dit-il. Ils doivent soutenir leurs enfants dans la poursuite de leurs études et leur dire que les emplois en TI offrent beaucoup d’avantages. Il y a longtemps, les parents disaient à leurs enfants de finir leur assiette, parce qu’il y avait des enfants en Inde et en Chine qui mouraient de faim et aimeraient bien avoir leur repas. Aujourd’hui, il faut leur dire de terminer leurs études, parce qu’il y a des gens en Inde et en Chine qui meurent d’envie d’avoir leur emploi! […] On doit résoudre rapidement le problème de l’insuffisance de la relève, notre avenir en dépend. »