Plusieurs commerçants en ligne accordent encore une importance moindre aux consommateurs francophones. Mais qui s’en plaint? Plus ça change…
La place de la langue française dans le commerce électronique en ligne fait parfois l’objet de lacunes et de carences.
Certes, la plupart des entreprises dont le siège social est établi au Québec et qui ont comme principaux consommateurs la clientèle francophone affichent sur leurs sites Web des informations en français sur leurs produits et leurs services. D’ailleurs, elles déploient des efforts équivalents pour offrir une interface et des contenus en anglais. Certes, des entreprises de détail d’envergure canadienne, qui ont en mire les consommateurs francophones, font des efforts appréciables pour franciser leurs sites Web.
Toutefois, d’autres commerçants accordent une attention moins prononcée envers la qualité de l’information qui est destinée aux clients francophones. Par exemple, un détaillant spécialisé dans la vente de jouets utilise des expressions farfelues dans sa circulaire électronique affichée sur son site Web. Zoom in a été traduit par Passez en trombe Dans, ce qui n’a aucun rapport avec l’agrandissement d’une image…
Après en avoir ri, on ne peut que déduire que la traduction de ces termes a été effectuée par un logiciel de piètre qualité, ou par une personne dont la langue première n’est pas le français, et qu’aucun processus de révision n’a été appliqué. Une telle situation, décelée chez un commerçant de grande envergure, a de quoi susciter un questionnement quant aux efforts et aux sommes consacrées au contrôle de qualité des contenus diffusés sur le Web.
Mais d’autres situations laissent songeur quant à l’intérêt d’une entreprise à commercialiser ses produits et services auprès de la clientèle francophone. Par exemple, un fabricant d’ordinateurs personnels et de produits électroniques réputé offre trois fois moins de produits dans sa boutique en langue française que dans sa boutique en langue anglaise. Le client unilingue francophone a un choix plus limité qu’un client anglophone.
S’agit-il de gestes délibérés qui sont destinés à porter préjudice aux consommateurs francophones? Ce serait improbable, puisqu’une telle pratique serait contraire aux principes d’affaires élémentaires. Toutefois, on peut se questionner sur l’importance que revêt le contrôle de la qualité et le suivi des interfaces et des contenus qui sont destinés à la clientèle francophone.
Il est possible que des entreprises, dont le siège social est situé dans une province ailleurs qu’au Québec, n’aient pas de personnel dédié à la desserte de la clientèle francophone, qui représente tout de même près du quart de la population canadienne. Il est possible que certaines tâches soient confiées à des personnes qui ont quelques connaissances de la langue de Molière, voire à des fournisseurs dont la qualité du travail est difficilement contrôlable lorsqu’on ne peut vérifier la qualité des traductions fournies, puisque ceux qui confient ce mandat ne parlent pas la langue en question…
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De plus, l’importance accordée à la desserte de la clientèle francophone varie d’une entreprise à l’autre, alors que de grands joueurs de l’industrie des TIC n’ont aucun représentant francophone disponible en dehors des heures de bureau pour le soutien technique au téléphone. Et malheureusement, il y a aussi des entreprises québécoises qui offrent des sites Web rédigés seulement en anglais ou dotés d’une section francophone « en construction » depuis des années…
Cette situation n’est ni nouvelle, ni unique au commerce sur l’Internet. Depuis des décennies, le magazine Protégez-vous et l’Office québécois de la langue française recensent des coquilles, des perles et des abysses linguistiques dans les contenus imprimés et sur les panneaux d’affichage.
Mais qui s’en plaint? Le client bilingue, qui aura remarqué les erreurs et qui aura effectué des plaintes, se sera souvent buté à une indifférence de la part de l’entreprise fautive. Par renoncement, il ira magasiner dans la version anglaise du site. Certains clients francophones se contenteront souvent de ce qu’on leur offre, en se considérant chanceux qu’ils aient accès à un peu de contenus dans leur langue maternelle – comme si on leur faisait une faveur. D’autres, excédés, continueront de fréquenter des commerces en brique et mortier.
Qui sort perdant de la situation? Le client, certainement. Le commerçant, dans une certaine mesure, est également perdant puisque certaines ventes lui échappent et que sa réputation en prend pour son rhume. Peut-être que le commerçant a sorti une calculette et comparé les coûts associés à l’optimisation de l’espace du site transactionnel à l’intention des clients francophones, aux revenus obtenus de la part de cette clientèle…
En fin de compte, lorsque les prochains sondages feront état du moindre pourcentage d’internautes québécois qui effectuent des achats en ligne, il est à espérer que certains dirigeants d’entreprise seront curieux de voir dans quel état se trouvent les sections francophones de leurs sites transactionnels. Peut-être y a-t-il un lien?
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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