La conférence La boule de cristal du CRIM a démontré que l’évolution des technologies de l’information, au gré du travail d’individus motivés, a des impacts marquants sur la vie au passé, à l’avenir et au présent. Des conférences du cofondateur d’Apple Steve Wozniak, ou encore à propos des nanotechnologies et de l’informatique distribuée communautaire en ont fait état.
Steve Wozniak, l’un des deux piliers du fabricant d’ordinateurs Apple, a ravi l’auditoire par sa candeur et son aisance à raconter comment la nécessité était la mère de toutes les inventions lorsqu’il a créé ses premiers ordinateurs.
Il a expliqué comment il avait été fasciné dans les années 70 par un ami dont le terminal relié par le réseau ArpaNet (l’ancêtre de l’Internet) pouvait communiquer de la Californie à Boston, et qu’il aimerait et pourrait construire lui-même son propre terminal, puis son propre ordinateur. Sans argent et avec peu de ressources, il a intégré un microprocesseur et quelques puces abordables sur une carte-mère en prônant l’excellence de la conception et les faibles coûts. Il a fait part de sa rencontre de Steve Jobs, des cinq refus exprimés par Hewlett-Packard, son employeur du moment qui ont mené à la fondation d’Apple, puis de la rencontre d’un ange investisseur qui a soutenu le projet.
M. Wozniak a indiqué comment il avait prôné l’utilisation d’interfaces humaines, comme le clavier puis la souris, la réduction du nombre de puces requises, et l’ajout de ports d’entrées et de sortie pour donner une flexibilité et une capacité d’extension à ses produits. Il a souligné l’importance de l’amélioration continue de la conception, la réalisation d’étapes additionnelles et le développement de compétences par l’école ou par soi-même. Celui qui soutient plusieurs projets à vocation éducative a d’ailleurs confié qu’il avait, incognito, enseigné l’informatique à des élèves du primaire durant quelques années.
M. Wozniak a raconté qu’en faisant toutes les tâches lui-même, il avait sauvé du temps et gagné de l’efficacité, alors qu’il réfléchissait à la conception, puis transposait ses pensées sur du papier avant de souder ou d’écrire des logiciels, alors que le contact avec le papier donnait un caractère d’intimité au travail et aidait à réduire les bogues.
Celui qui dit croire que la créativité doit faire du sens pour les autres personnes, et qui croit que l’important est de confier les bonnes tâches aux bonnes personnes, n’aime pas regarder vers le passé pour voir s’il aurait pu faire les choses différemment. Toutefois, il a dit voir l’avenir des TI avec optimisme et a apprécie, à la suite des remerciements exprimés par un membre de l’auditoire, que des gens aient pu trouver une façon de vivre grâce aux produits qu’il a conçus.
Le futur : des rêves de « nanograndeur »
Patrick Desjardins, professeur titulaire au Département de génie physique de l’École Polytechnique de Montréal, a ensuite fait état de la rapide évolution de la nanotechnologie.
Cette science de l’infiniment petit, où la manipulation et la composition de structures s’effectuent au niveau des molécules, laisse présager un avenir prometteur pour l’évolution de plusieurs secteurs de la science et des technologies. Tout comme l’optimisation continue, l’augmentation de la capacité de traitement et la réduction des coûts de production ont contribué à la croissance exponentielle des circuits intégrés, M. Desjardins a indiqué que les nanotechnologies contribueront à la création de nouveaux marchés et de nouvelles applications.
Ce domaine, qui implique le développement de nouveaux outils, la constatation de phénomènes nouveaux, la rencontre d’enjeux à circonscrire et le test de concepts dans des situations extrêmes, est néanmoins sur la bonne voie.
Tout en soulignant l’existence de 400 produits de divers domaines sur le marché, des bâtons de golf à la crème solaire, M. Desjardins a expliqué que les nanotechnologies pourront servir, entre autres, au capsulage de médicaments, à la création de biomatériaux, à la microélectronique et aux télécommunications. L’électronique organique, qui prendra notamment la forme de moniteurs à DEL à être commercialisés sous peu, permettra également la production de circuits à l’aide d’une imprimante, l’intégration de cellules photovoltaïques à des fenêtres ou des visières, la confection de tissus solaires ou le compactage accru de données sur des petites surfaces.
L’élément le plus prometteur des nanotechnologies, comme l’a souligné M. Desjardins, est la contribution des établissements universitaires québécois à la recherche mondiale dans ce domaine, alors que des scientifiques originaires d’ici retournent au Québec pour œuvrer sur des projets.
Le présent : traitement distribué, recherche accélérée
Enfin, en remplacement du spécialiste Stanley Littow de la Fondation IBM International, retenu par une tempête hivernale, Claude Plasse, spécialiste de la technologie Grid au Québec pour IBM Canada, a fait la description du World Community Grid, un ambitieux projet de traitement informatique distribué à vocation humanitaire en activité depuis 2004, auquel IBM apporte un soutien matériel et logistique.
Le concept est déjà connu : des ordinateurs connectés à l’Internet, dotés d’un petit logiciel, demandent et reçoivent quelques kilooctets de données qui sont traitées en arrière-plan, pendant que les utilisateurs exploitent leurs logiciels courants. Le résultat des données analysées est ensuite retourné vers des serveurs centralisés.
M. Plasse a toutefois précisé que ce projet à vocation scientifique était strictement utilisé pour des projets soumis par des organismes à but non lucratif ou par des établissements de recherche universitaire. Déjà, plus 250 000 membres volontaires mettent à profit plus de 500 000 dispositifs informatiques, sous des environnements Windows, Macintosh ou Linux, dont le travail de traitement a permis d’effectuer l’équivalent de 76 000 années de travail.
Cette grille informatique est utilisée pour quatre ou cinq projets par année, pour des projets tels que la cartographie du génome humain, où une centaine d’années de travail ont été réalisées en douze mois, ou le projet FightAids@Home qui a effectué deux quadrillions de calculs en six mois plutôt qu’en cinq ans sous une autre approche.
À propos des craintes exprimées par plusieurs à propos d’enjeux de sécurité des ordinateurs des individus et des entreprises participantes, M. Plasse a reconnu que le réseau Internet était un environnement hostile, Il a toutefois précisé que le contrôle des postes clients participants sur les requêtes d’obtention de l’information et le chiffrement des communications et des fichiers visait précisément à sécuriser le processus et à empêcher les intrusions.
M. Plasse a indiqué que les projets potentiels étaient nombreux et pouvaient avoir trait à des domaines variés comme l’environnement, aux désastres naturels ou aux maladies infectieuses. Il a invité les établissements de recherche non privés à soumettre leurs projets, tout comme aux organisations à permettre et encourager l’utilisation de la capacité de traitement inutilisée de leurs systèmes informatiques.
D’ailleurs, M. Jacques Ouellet, vice-président, Recherche et Développement du CRIM, a annoncé que son organisation joignait quelque 330 partenaires du projet World Community Grid. M. Ouellet a précisé que les 200 ordinateurs de l’organisme allaient progressivement être ajoutés à la grille informatique de traitement distribué, et qu’une promotion du projet serait réalisée par le CRIM auprès de ses clients, de ses partenaires et de la communauté informatique du Québec.